LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 mars 2025
Cassation partielle
Mme SCHMIDT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 176 F-D
Pourvoi n° W 23-22.099
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 MARS 2025
La société Crédit mutuel de la Jaille, caisse locale de crédit mutuel, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 23-22.099 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [Y] [C], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Aja, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [W] [Z], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. [K] [Y] [C] à l'adresse de l'établissement secondaire, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Crédit mutuel de la Jaille, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 5 septembre 2023) rendu sur renvoi après cassation (Com., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-19.127), M. [C] a été mis en redressement judiciaire le 27 octobre 2010.
2. Le plan de redressement a été arrêté par un jugement du 18 avril 2012, M. [Z] étant désigné commissaire à l'exécution du plan.
3. Le 9 décembre 2012, le jugement ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire a été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 9 décembre 2012.
4. Après avoir déclaré une créance chirographaire le 20 décembre 2012, la société Crédit mutuel de la Jaille (la banque) a saisi le juge-commissaire aux fins d'admission de sa créance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'admission de créance, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour débouter la Caisse de sa demande d'admission de sa créance au passif de M. [C], la cour d'appel retient que ¿¿le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous, que cette opposabilité est d'ordre public et ce peu important l'erreur ou l'omission figurant en son sein [?]'' pour en déduire que ¿¿le jugement du 18 avril 2012, homologuant le plan de continuation publié le 12 juin 2012 et n'ayant fait l'objet d'aucun recours, est devenu définitif et irrévocable [?] de sorte que la créance du Crédit mutuel de la Jaille ne peut désormais plus être admise'' ; qu'en statuant ainsi sans procéder à l'analyse du dispositif du jugement du 18 avril 2012 lequel est seul revêtu de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351, devenu 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :
7. Il résulte de ce texte que l'autorité de la chose jugée a lieu à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et qui a été tranché dans son dispositif entre les mêmes parties et fondé sur la même cause.
8. Pour rejeter la demande d'admission de créance de la banque, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement qui arrête le plan, dont le dispositif a eu dès son prononcé autorité de chose jugée, en rend les dispositions opposables à tous et que cette opposabilité est d'ordre public peu important l'erreur ou l'omission figurant en son sein, retient que le jugement du 18 avril 2012 homologuant le plan de continuation publié le 12 juin 2012, n'ayant fait l'objet d'aucun recours, est devenu «définitif» et irrévocable.
9. En se déterminant ainsi, sans procéder à l'analyse du dispositif du jugement du 18 avril 2012, lequel est seul revêtu de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le respect de l'autorité de chose jugée, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société Crédit mutuel de la Jaille tendant à écarter les écritures des intimés, l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.