LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 mars 2025
Cassation partielle
Mme RENAULT-MALIGNAC, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 255 F-D
Pourvoi n° F 23-12.264
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-12.264 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 3 - chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de [Localité 2], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents Mme Renault-Malignac, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hénon, conseiller rapporteur, Mme Lapasset, conseiller, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2022), à l'issue d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'URSSAF de [Localité 2] (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations en date du 27 mars 2015 puis une mise en demeure le 23 décembre 2015.
2. Contestant ce redressement, la société a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de déclarer le redressement infondé sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 août 2012 et de renvoyer les parties à procéder au recalcul des sommes dues, alors :
« 1°/ que selon l'article 6, § 1, de l'accord de sécurité sociale entre la France et le Japon du 25 février 2005, le travailleur salarié affilié aux régimes prévus par la législation d'un État contractant qui lui sont applicables, et occupé par un employeur établi dans cet État contractant, qui est détaché de cet État contractant par son employeur afin d'effectuer un travail pour le compte de celui-ci dans l'autre État contractant, pour une durée prévisible n'excédant pas au total cinq ans, est soumis uniquement à la législation du premier État contractant ; qu'un salarié n'est détaché en France par son employeur établi au Japon que s'il effectue un travail en France pour le compte de son employeur établi au Japon, ce qui suppose le maintien d'un lien contractuel et d'un lien de subordination entre ce salarié et son employeur établi au Japon ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [R] était auparavant salarié de la société [4], située au Japon, avant d'être embauché par la société [3] à compter du 1er septembre 2009 en qualité de cadre par contrat de travail à durée indéterminée daté du même jour, moyennant le versement d'une rémunération mensuelle nette de 11 688 euros ; qu'en retenant que M. [R] pouvait légitimement être considéré comme un travailleur détaché par la société [4] au moment de la conclusion de son contrat de travail avec la société [3], et ce jusqu'au 31 août 2012, sans constater le maintien, sur cette période, d'un lien contractuel et d'un lien de subordination entre M. [R] et la société [4], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de l'accord précité, ensemble l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2008-776 du 4 octobre 2008 ;
3°/ que selon l'article 6, § 1 de l'accord de sécurité sociale entre la France et le Japon du 25 février 2005, le travailleur salarié affilié aux régimes prévus par la législation d'un État contractant qui lui sont applicables, et occupé par un employeur établi dans cet État contractant, qui est détaché de cet État contractant par son employeur afin d'effectuer un travail pour le compte de celui-ci dans l'autre État contractant, pour une durée prévisible n'excédant pas au total cinq ans, est soumis uniquement à la législation du premier État contractant ; qu'un salarié n'est détaché en France par son employeur établi au Japon que s'il effectue un travail en France pour le compte de son employeur établi au Japon, ce qui suppose le maintien d'un lien contractuel et d'un lien de subordination entre ce salarié et son employeur établi au Japon ; qu'en retenant que M. [R] pouvait légitimement être considéré comme un travailleur détaché par la société [4] du 1er septembre 2009 jusqu'au 31 août 2012, au prétexte inopérant que son contrat de travail conclu le 1er septembre 2009 avec la société [3] stipulait qu'il était conclu en application des dispositions de l'article R. 5221-30 du code du travail, lequel concerne les salariés en mission, et prévoyait que l'engagement du salarié s'inscrivait dans le cadre du détachement intragroupe effectué par la société [4], motifs impropres à caractériser que M. [R] était détaché de la société [4] avec maintien d'un lien contractuel et de subordination avec cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de l'accord précité, ensemble l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2008-776 du 4 octobre 2008. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale, les articles 5 et 6, § 1, de l'Accord de sécurité sociale du 25 février 2005 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Japon :
4. Selon le premier de ces textes, toute personne exerçant une activité salariée ou non sur le territoire français est obligatoirement affiliée au régime obligatoire de sécurité sociale français, sous réserve des traités et accords internationaux.
5. Aux termes du second, toute personne, susceptible d'être affiliée à titre obligatoire conformément à la législation des deux États contractants, qui exerce une activité salariée ou non salariée dans l'un des États contractants, est soumise uniquement à la législation de cet État contractant, au titre de cette activité, sauf dispositions contraires du présent Accord.
6. Selon le dernier de ces textes, par dérogation aux dispositions de l'article 5, et s'agissant des personnes susceptibles d'être affiliées à titre obligatoire conformément à la législation des deux États contractants, le travailleur salarié affilié aux régimes prévus par la législation d'un État contractant qui lui sont applicables, et occupé par un employeur établi dans cet État contractant, qui est détaché de cet État contractant par son employeur afin d'effectuer un travail pour le compte de celui-ci dans l'autre État contractant, pour une durée prévisible n'excédant pas au total cinq ans, est soumis uniquement à la législation du premier État contractant, comme s'il exerçait cette activité dans cet État contractant.
7. Pour annuler le redressement sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 août 2012, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat du 1er septembre 2009 prévoit que l'engagement du salarié s'inscrit dans le cadre du détachement intra-groupe effectué par une société de droit japonais, retient que la société produit un certificat d'assujettissement du salarié à la législation japonaise relatif aux régimes publics de pension et d'assurance maladie établi pour un travailleur assuré exerçant une activité professionnelle en France, un certificat d'adhésion à une assurance accident du travail pour les années 2009 à 2015, ainsi qu'un certificat qui indique que pour la période de 2012 à 2014, le salarié est resté sous la subordination juridique de la société japonaise qui a déduit du montant de son salaire des sommes au titre de la prime d'assurance maladie et de la prime d'assurance retraite et protection sociale. Il en déduit que le salarié pouvait être légitimement considéré comme un travailleur détaché au moment de la conclusion de son contrat de travail et ce jusqu'au 31 août 2012.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser en quoi le salarié qui avait été occupé par l'employeur établi au Japon effectuait un travail pour le compte de celui-ci en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le redressement infondé pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 août 2012 et renvoie les parties devant l'URSSAF de [Localité 2] aux fins de calculer le montant du redressement résultant de la nouvelle période de chiffrage, l'arrêt rendu le 16 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3] à payer à l'URSSAF de [Localité 2] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-cinq.