LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
-COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mars 2025
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 140 FS-B
Pourvoi n° Q 23-20.000
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 MARS 2025
La société Dana-Farber Cancer Institute Inc., société de droit américain sans but lucratif de l'Etat du Massachusetts, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), a formé le pourvoi n° Q 23-20.000 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pole 5, chambre 2), dans le litige l'opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, domicilié [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Dana-Farber Cancer Institute Inc., de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller faisant fonction de doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, M. Gauthier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2023), le 14 novembre 2017, la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. (la société Dana-Farber) a, sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 17C1045, portant sur le produit atézolizumab.
2. Cette demande était formulée sur la base d'un brevet européen déposé le 23 août 2000, publié sous le numéro EP 1210424 (le brevet EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre « Nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations », sous priorité d'un brevet américain du 23 août 1999. Ce brevet porte sur la découverte de nouvelles molécules, les protéines B7-4 (appelées plus tard PD-L1), qui sont utiles pour moduler la réponse immunitaire, menant à une nouvelle façon de traiter le cancer appelée « immunologie du cancer ». En ses revendications 17 et 27, le brevet revendique les anticorps susceptibles de se lier auxdites protéines.
3. La demande de CCP faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 21 septembre 2017 à la société Roche Registration Ltd pour une spécialité pharmaceutique dénommée « Tecentriq », qui a pour principe actif l'atézolizumab, un anticorps monoclonal humanisé se liant à la protéine PD-L1.
4. Par décision du 13 juillet 2021, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009.
5. La société Dana-Farber a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième, septième et onzième à treizième branches
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société Dana-Farber fait grief à l'arrêt de rejeter le recours qu'elle a formé contre la décision du directeur général de l'INPI du 13 juillet 2021, alors « que si le demandeur à un CCP doit, devant l'INPI, démontrer que les conditions énoncées à l'article 3 du règlement (CE) n° 469/2009 sont réunies, il incombe au directeur général de cet institut, s'il entend rejeter cette demande de CCP, de faire connaître en temps utile au demandeur les éléments pertinents sur lesquels il appuie sa décision, afin de permettre à ce dernier de rapporter les éléments complémentaires en cours d'instruction de la demande ; que, dans sa décision du 13 juillet 2021, pour retenir que l'atézolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable" au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le directeur général de l'INPI a relevé que ce produit n'est nullement spécifié dans la description et n'y est pas identifiable en tant que tel", qu' en l'absence de précision, les revendications [17 et 27] peuvent couvrir tout anticorps se liant à la protéine B7-4, soit des milliers de molécules, de sorte que le composé liant B7-4 n'est pas défini de façon précise (cf. alinéas [0115] à [0121], [0286] à [0291] et [0292] à [0254] (sic))", que, contrairement à l'assertion de la demanderesse, les passages cités de la description du brevet de base ne contiennent pas d'informations suffisantes pour permettre à l'homme du métier d'identifier spécifiquement l'atézolizumab à la date de dépôt du brevet de base, soit le 23 août 2000", et que le brevet Genentech, issu d'une demande déposée le 9 décembre 2008, ne ferait que confirmer que le brevet de base EP 424, déposé à un stade précoce de la recherche sur de tels anticorps, ne portait pas de manière nécessaire et spécifique sur l''atézolizumab', anticorps qui a été divulgué postérieurement" ; qu'il ne résulte cependant ni de cette décision ni même des différents documents de la procédure devant le directeur général de l'INPI, que ce dernier ait fait valoir que les méthodes de production d'anticorps monoclonaux décrites dans le brevet de base EP 424 ne décriraient pas l'ensemble des étapes permettant d'aboutir à des anticorps humanisés ni que ces étapes manquantes ne seraient pas de simples opérations de routine ; qu'en relevant, pour dire que l'atézolizumab ne pouvait être regardé comme un produit protégé par un brevet de base en vigueur", que le brevet ne serait pas explicite sur la technique de phage display, que certaines étapes de cette technique ne seraient nullement décrites dans le brevet et il n'est pas démontré par la requérante qu'il s'agit pour l'homme du métier d'une simple opération de routine même longue et fastidieuse", que, s'agissant de la technique des hybridomes, le brevet n'expose pas la technique de caractérisation d'un anticorps qui nécessite d'autres étapes fastidieuses d'identification et de sélection des hybridomes, d'isolement et de purification pour aboutir à un anticorps murin ou humain qui n'est pas une simple opération de routine comme une simple purification d'une molécule chimique", qu'il ne pourrait être déduit de ces deux techniques que l'atézolizumab était spécifiquement identifiable par l'homme du métier, alors que les travaux de recherche sont encore nécessaires pour parvenir aux anticorps humanisés, le brevet de base n'explicitant nullement comme aboutir à de tels anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4", et que le paragraphe 118 de la description est à ce titre insuffisant", cependant que la décision du 13 juillet 2021 ne s'est pas fondée sur ces éléments pour rejeter la demande de CCP et qu'il ne résulte, au demeurant, ni de cette décision ni de la procédure devant le directeur général de l'INPI, que ces différentes objections aient été portées à la connaissance de l'Institut Dana-Farber et que celui-ci ait ainsi été mis en mesure de rapporter des éléments complémentaires en cours d'instruction de la demande afin de les contester, la cour d'appel a violé les articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle que le recours formé contre une décision du directeur général de l'INPI à l'occasion de la délivrance de titres de propriété industrielle, tel un CCP, est un recours en annulation, sans effet dévolutif. Par conséquent, la cour d'appel saisie d'un recours contre une telle décision doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise.
9. Le directeur général de l'INPI, après avoir retenu que le brevet de base ne contenait aucune indication permettant de considérer que l'atézolizumab y était visé de manière spécifique, a indiqué que, pour déterminer si le produit pouvait y être identifié de façon spécifique par la personne du métier, il convenait d'avoir uniquement égard à l'état de la technique à la date du dépôt ou à la date de priorité du brevet de base à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base et a retenu que, contrairement à l'assertion de la demanderesse, les passages cités de la description du brevet ne contenaient pas d'informations suffisantes pour permettre à la personne du métier d'identifier spécifiquement l'atézolizumab à la date de dépôt du brevet de base.
10. Répondant aux arguments de la société Dana-Farber critiquant ce motif, l'arrêt relève que le brevet de base expose deux techniques pour générer des anticorps murins ou humains, celle du phage display et celle des hybridomes, mais retient qu'il n'est pas explicite sur l'ensemble des étapes nécessaires pour aboutir à l'identification spécifique de l'atézolizumab dont il n'est pas démontré qu'il s'agit, pour la personne du métier de simples opérations de routine, même longues et fastidieuses.
11. Dès lors, la cour d'appel, qui, comme le directeur général de l'INPI, a fondé sa décision sur le constat qu'en l'état de la technique à la date de priorité du brevet EP 424, l'atézolizumab n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier, n'a pas méconnu l'absence d'effet dévolutif du recours formé devant elle.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
13. La société Dana-Farber fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 3°/ qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par la personne du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à cet égard, lorsque le produit n'est pas explicitement divulgué par les revendications du brevet de base mais relève d'une définition fonctionnelle générale, la personne du métier doit être en mesure de déduire directement et sans ambiguïté du fascicule du brevet tel que déposé que le produit faisant l'objet du CCP relève de l'objet de la protection ; que cette condition est satisfaite dès lors qu'à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, la personne du métier, qui cherche à identifier les produits remplissant la fonction visée dans ce brevet de base, est en mesure d'obtenir le produit faisant l'objet de la demande de CCP ; qu'il importe peu que des tests pharmacologiques soient ensuite nécessaires pour déterminer si ce produit pourra faire l'objet d'un médicament susceptible de donner lieu à une AMM ; qu'en retenant, pour juger que l'atézolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable", que l'identification d'un anticorps qui pourra faire l'objet d'un médicament susceptible de donner lieu à une AMM nécessite de nombreux tests pharmacologiques et un anticorps tel l'atézolizumab qui est un anticorps qui se lie à la protéine B7-4 possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant cette même fonction", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
4°/ qu'afin de déterminer si la condition relative au caractère spécifiquement identifiable" du produit est remplie, il revient au juge de vérifier si l'objet du CCP concerné est compris dans les limites de ce que la personne du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu'il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité et à la lumière de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité ; que cette condition est satisfaite dès lors qu'à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, la personne du métier, qui cherche à identifier les produits remplissant la fonction visée dans ce brevet de base, est en mesure d'obtenir le produit faisant l'objet de la demande de CCP ; qu'en relevant, pour juger que l'atézolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable", qu' un anticorps tel l'atézolizumab qui est un anticorps qui se lie à la protéine B7-4 possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant cette même fonction" et que si le brevet de base mentionne bien des protocoles génériques permettant de fabriquer des anticorps, il vise à la fois les anticorps chimériques et les anticorps humanisés et n'enseigne pas à l'homme du métier la direction dans laquelle il doit orienter ses recherches", cependant qu'elle relevait elle-même que le brevet de base mentionnait des protocoles permettant de fabriquer des anticorps humanisés, et qu'il n'était pas nécessaire qu'il oriente particulièrement les recherches de la personne du métier vers ce type d'anticorps pour que l'atézolizumab puisse être regardé comme spécifiquement identifiable", la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »
Réponse de la Cour
14. Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne, interprétant l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, a dit pour droit qu' « un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ».
15. Ainsi, l'objet du CCP concerné doit être compris dans les limites de ce que la personne du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu'il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité et à la lumière de l'état de la technique à cette même date (arrêt Royalty Pharma Collection Trust, précité, point 40).
16. Après avoir relevé que les revendications du brevet EP 424 visent un anticorps qui se lie de manière sélective à l'antigène donné et que le brevet vise des méthodes pour parvenir à l'identification de tels anticorps ainsi que des exemples pour générer des anticorps murins ou entièrement humains, l'arrêt retient que le demandeur procède par voie de simple affirmation pour dire que la personne du métier pouvait parvenir à l'identification de l'atézolizumab, anticorps humanisé, au vu des enseignements du brevet et sur la base de l'état de la technique. Il relève que de très nombreux anticorps peuvent se lier à l'antigène concerné, sans être identifiables à la date de priorité du brevet et que l'atézolizumab possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant la même fonction de se lier à la protéine B7-4.
17. Il ajoute qu'il ne peut être déduit des deux techniques indiquées dans le brevet de base (techniques dites des hybridomes ou de phage display) pour aboutir à des anticorps murins ou humains, que l'atézolizumab était spécifiquement identifiable par la personne du métier, alors que des travaux de recherche étaient encore nécessaires pour parvenir aux anticorps humanisés, le brevet de base n'explicitant nullement comment aboutir à de tels anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4.
18. En cet état, la cour d'appel a pu retenir que l'atézolizumab n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet EP 424, sur la base de ses connaissances générales et de l'état de la technique dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet.
19. Le moyen, inopérant en sa troisième branche comme attaquant des motifs erronés mais surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Sur le moyen, pris en ses huitième et neuvième branches
Enoncé du moyen
20. La société Dana-Farber fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 8°/ qu'en se fondant, pour écarter les directives de l'Office européen des brevets (OEB) invoquées par l'Institut Dana-Farber, sur le fait qu'elles n'étaient pas contemporaines de la date de priorité du brevet de base EP 424, cependant que ces directives ne font qu'entériner des pratiques et jurisprudences constantes de l'OEB bien antérieures à la date de leur édition, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
9°/ qu'en relevant, pour écarter les directives de l'OEB invoquées par l'Institut Dana-Farber, qu'elles viseraient la découverte d'un nouvel anticorps se liant au même antigène, d'autres anticorps se liant à cet antigène étant déjà connus", cependant qu'en l'espèce, selon ses propres constatations, le brevet de base EP 424 divulgue précisément des anticorps se liant à un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N° 2 ou 4, la cour d'appel s'est encore déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »
Réponse de la Cour
21. L'arrêt retient d'abord que le brevet EP 424 ne décrit pas toutes les étapes nécessaires pour permettre à la personne du métier de parvenir à l'identification de l'atézolizumab par l'une des deux techniques courantes visées par le brevet de base, que ce soit la technique du phage-display ou celle des hybridomes, et que la société Dana-Farber ne démontre pas que ces étapes relèvent d'une simple opération de routine pour la personne du métier. Il en déduit que des travaux de recherche supplémentaires sont encore nécessaires pour parvenir à un anticorps humanisé.
22. Il écarte ensuite les jurisprudences des chambres de recours de l'Office européen des brevets (l'OEB) citées par la société Dana-Farber pour établir que les étapes de ces deux méthodes faisaient partie des connaissances générales de la personne du métier, en considérant, d'une part, que les circonstances des affaires citées dans les directives de l'OEB sont différentes, dans la mesure où elles portaient sur la découverte d'un nouvel anticorps se liant au même antigène que d'autres anticorps déjà connus, structurellement différents, d'autre part, que les directives de l'OEB ne sont pas contemporaines de la date de priorité du brevet de base, le directeur général de l'INPI ayant soutenue que ce qui peut être considéré comme dépourvu d'activité inventive aujourd'hui ne l'était pas forcément vingt ans auparavant compte tenu de l'évolution de la recherche en immunologie.
23. Sous le couvert de griefs infondés de violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine portée par la cour d'appel sur la force probante et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, notamment les directives de l'OEB.
24. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa dixième branche
Enoncé du moyen
25. La société Dana-Farber fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en relevant que la circonstance que [les brevets Genentech] visent le brevet de base EP 424 et utilisent les techniques du phage display ou des hybridomes pour développer l'atézolizumab ne démontre pas que l'homme du métier savait mettre en oeuvre ces techniques équivalentes décrites dans le brevet EP 424 à la date de priorité du brevet de base (23 août 1999), afin d'identifier et de générer l'atézolizumab", sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que lorsqu'il décrivait les méthodes de préparation d'anticorps monoclonaux et d'humanisation des anticorps, le brevet Genentech faisait référence à des publications antérieures à 1999, dont certaines étaient déjà visées dans le brevet EP 424, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
26. Ayant relevé que les « brevets Genentech » identifient l'atézolizumab et peuvent être un indice de la complexité des recherches à effectuer pour aboutir à cet anticorps humanisé à leur date de priorité revendiquée, soit le 9 décembre 2008, l'arrêt estime que la référence qui y est faite au brevet antérieur EP 424 et aux techniques de phage-display et d'hybridomes, n'est pas de nature à démontrer que la personne du métier savait mettre en oeuvre ces techniques à la date de priorité du brevet de base, le 23 août 1999. Il en déduit que ces brevets ne sont pas suffisants pour établir que cet anticorps était spécifiquement identifiable dans le premier brevet à sa date de priorité.
27. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées.
28. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. et la condamne à payer au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle la somme de 5 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.