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13/03/2025 | FRANCE | N°32500138

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 mars 2025, 32500138


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


CL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 mars 2025








Rejet




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 138 F-D


Pourvoi n° Q 23-22.576








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025


M. [U] [G], domicilié [Adresse 17], [Localité 18], a formé le pourvoi n° Q 23-22.576 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d'appel d'Angers (chambre A...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mars 2025

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 138 F-D

Pourvoi n° Q 23-22.576

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025

M. [U] [G], domicilié [Adresse 17], [Localité 18], a formé le pourvoi n° Q 23-22.576 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d'appel d'Angers (chambre A civile), dans le litige l'opposant à la Société civile immobilière de [19], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 16], [Localité 18], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [G], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Société civile immobilière de [19], après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 mars 2023), par acte du 5 octobre 1978, le bail rural consenti le 15 décembre 1968 par la Société civile immobilière de [19] (la SCI) à M. [E] [G] et à son épouse, Mme [S] [G], sur diverses parcelles agricoles, a été renouvelé pour neuf années à compter du 1er novembre 1978 au profit des preneurs d'origine et d'un de leurs fils, M. [R] [G].

2. Par acte du 20 octobre 1988, ce bail a été renouvelé pour neuf années à compter rétroactivement du 1er novembre 1987 au profit de Mme [S] [G], de M. [R] [G] et de M. [U] [G], également fils des preneurs d'origine, à la suite du départ en retraite de M. [E] [G]. Ce bail prévoyait la résiliation du bail précédent en tant qu'il portait sur certaines parcelles et incluait dans l'assiette du bail renouvelé de nouvelles parcelles.

3. Par acte du 22 septembre 2006, la SCI a donné à bail rural à long terme à M. [U] [G] diverses parcelles agricoles, dont plusieurs étaient incluses dans l'assiette du bail du 20 octobre 1988.

4. Parallèlement, diverses conventions d'occupation précaire ont été conclues à partir de 2007, pour des durées variables, entre Ia SCI et M. [U] [G] notamment sur des parcelles qui étaient incluses dans l'assiette du bail du 20 octobre 1988 et non dans celle du bail du 22 septembre 2006.

5. M. [U] [G] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux de demandes en reconnaissance de l'existence d'un bail rural sur les parcelles incluses dans le bail du 20 octobre 1988 et exclues du bail du 22 septembre 2006 et en requalification en bail rural des conventions d'occupation précaire conclues sur les autres parcelles.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [U] [G] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à dire qu'il est titulaire d'un bail rural sur les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] du fait de l'acte authentique du 20 octobre 1988, alors :

« 1°/ que la novation d'un contrat a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le bail conclu le 22 septembre 2006 ne faisait aucune référence au bail partiellement résilié en 1988, qu'il ne portait que sur une partie des terres objet de bail initial partiellement résilié et sur une partie du bail complémentaire de 1988, qu'il y ajoutait de nouvelles terres qui n'avaient pas été antérieurement données à bail, ce qui entraînait une « refonte complète de l'assiette du bail », et que le nouveau bail avait été consenti à [U] [G] seul et pour une durée non plus de neuf ans mais de dix-huit ans ; qu'en jugeant qu'il s'en déduisait que les parties avaient clairement entendu substituer les obligations résultant du « nouveau bail » à celles résultant du « bail antérieur », ce qui suffisait « à caractériser une novation entraînant l'extinction de ces deniers », quand il ressortait de ses propres constatations que le bail conclu le 22 septembre 2006 constituait en réalité un nouveau contrat distinct du contrat de bail conclu en 1988, sans le moindre caractère novatoire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1271 du code civil, devenu l'article 1329 du même code ;

2°/ que la novation ne se présume pas ; que la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'une novation, la cour d'appel a relevé que le bail conclu le 22 septembre 2006 ne faisait aucune référence au bail partiellement résilié en 1988, qu'il ne portait que sur une partie des terres objet de bail initial partiellement résilié et sur une partie du bail complémentaire de 1988, qu'il y ajoutait de nouvelles terres qui n'avaient pas été antérieurement données à bail, ce qui entraînait une « refonte complète de l'assiette du bail », et que le nouveau bail avait été consenti à [U] [G] seul et pour une durée non plus de neuf ans mais de dix-huit ans ; qu'en se bornant ainsi à relever l'importance des différences existant entre les deux contrats, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'intention novatoire des parties, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 du code civil, devenu l'article 1330 du même code. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a, d'abord, constaté que, si l'acte de 2006 ne faisait aucune référence au bail de 1988 et que les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4] et section B n° [Cadastre 6] à [Cadastre 10] n'y étaient pas mentionnées, il avait conservé l'assiette principale du bail précédent, que ce bail avait été consenti à M. [U] [G], désormais seul preneur, que sa durée n'était plus de neuf ans, mais de dix-huit ans, et qu'étaient incluses dans son assiette de nouvelles terres.

8. Elle a, ensuite, relevé que les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4] et section B n° [Cadastre 6] à [Cadastre 10] avaient, dès 2007, fait l'objet de conventions d'occupation précaire successives au profit de M. [U] [G] et retenu que, si l'intention des parties avaient été de maintenir le bail sur ces parcelles, elles auraient été incluses dans l'acte authentique de 2006 au même titre que les autres.

9. Ayant ainsi caractérisé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, la volonté des parties au bail du 22 septembre 2006 de nover le bail antérieur, en substituant les obligations résultant du nouveau bail aux précédentes et en opérant un changement de débiteur, elle en a exactement déduit que les conditions de la novation étaient réunies.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. M. [U] [G] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à requalifier les conventions d'occupation précaire conclues sur les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 1], [Cadastre 5] et [Cadastre 11] sises sur la commune de [Localité 18] en bail rural, alors :

« 1°/ que le statut du fermage et du métayage ne s'applique pas aux conventions conclues en vue d'assurer l'entretien des terrains situés à proximité d'un immeuble à usage d'habitation et en constituant la dépendance ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de requalification en bail rural des conventions d'occupation précaire et provisoire portant sur les parcelles B [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 1], [Cadastre 5] et [Cadastre 11], la cour d'appel a retenu que « si les surfaces concernées sont importantes, elles restent proportionnées à l'ampleur du château de Serrant, monument historique privé habité et de son immense parc paysager dépendant d'un site classé de 634,15 hectares et accueillant divers événements culturels » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la proximité et la dépendance des parcelles litigieuses vis-à-vis du château, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que le statut du fermage et du métayage ne s'applique pas aux conventions conclues en vue d'assurer l'entretien des terrains situés à proximité d'un immeuble à usage d'habitation et en constituant la dépendance ; qu'en l'espèce, la cour d'appela constaté que les conventions précaires conclues au titre des années 2007 et 2008 portaient sur des parcelles d'une superficie totale de 18 ha 01 a 40 ca, que les conventions conclues au titre des années 2012, 2014 et 2016 portaient sur des parcelles d'une superficie totale de 22 ha 60 a 07 ca, que la convention conclue au titre de l'année 2013 avait une contenance globale de 23 ha 21 a 07 ca et que les conventions conclues au titre des années 2017 et 2018, dernières en date, portaient sur des parcelles d'une superficie totale de 32 ha 90 a 47 ca ; qu'elle a également constaté qu'à partir de l'année 2013, ces conventions prévoyaient également la mise à disposition à titre gracieux et temporaire de la parcelle B [Cadastre 1] d'une surface de 6 ha 51 a 40 ca ; qu'en jugeant au mépris de ses propres constatations que les deux critères de proximité et de dépendance prévus pour la validité des conventions dérogatoires au statut de fermage conclues en vue d'assurer l'entretien des terrains autour du château étaient remplis, sauf en ce qui concernait les parcelles B [Cadastre 14] et [Cadastre 15], la cour d'appel a violé l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a, d'abord, rappelé qu'aux termes de l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, le statut du fermage n'était pas applicable aux conventions conclues en vue d'assurer l'entretien des terrains situés à proximité d'un immeuble à usage d'habitation et en constituant la dépendance.

13. Elle a, ensuite, constaté, par motifs propres et adoptés, que toutes les conventions avaient été conclues pour maintenir en état les abords du château de [19], que les parcelles objet de ces conventions se situaient à proximité du château et dans son prolongement, ou à proximité d'anciens bâtiments d'exploitation réhabilités en habitation appartenant à la SCI, que ces conventions portaient uniquement sur des espaces en herbe devant rester en nature d'herbage ou de prairie, à l'exclusion de tout labour, ne pouvant être exploités autrement qu'en fauche ou pacage et qu'elles réservaient à la SCI la possibilité d'abattre tout arbre et de planter de jeunes arbres.

14. Elle a, enfin, retenu que, si les surfaces concernées étaient importantes, elles restaient proportionnées à l'ampleur du château de [19], monument historique privé habité, et de son immense parc paysager dépendant d'un site classé de 634,15 hectares et accueillant divers événements culturels dans le cadre de contrats de mise à disposition portant notamment sur certaines parcelles ayant fait l'objet de conventions d'occupation précaire conclues avec M. [U] [G].

15. Ayant ainsi caractérisé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, que les conventions dont la requalification était sollicitée portaient sur des terrains situés à proximité d'un immeuble à usage d'habitation et en constituant la dépendance et avaient pour objet leur seul entretien, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [U] [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] [G] et le condamne à payer à la Société civile immobilière de [19] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32500138
Date de la décision : 13/03/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 21 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 mar. 2025, pourvoi n°32500138


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:32500138
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