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12/03/2025 | FRANCE | N°C2500311

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mars 2025, C2500311


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° W 23-86.798 F-D


N° 00311




LR
12 MARS 2025




REJET




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 MARS 2025






MM. [B] [H] et [J] [D] ont formé

des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2023, qui a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure et les a condamnés, le premier, pour i...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 23-86.798 F-D

N° 00311

LR
12 MARS 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 MARS 2025

MM. [B] [H] et [J] [D] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2023, qui a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure et les a condamnés, le premier, pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et infraction à la législation sur les armes, à six ans d'emprisonnement, une interdiction de séjour et une confiscation, le second, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et usage illicite de stupéfiants, à trois ans d'emprisonnement et une confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [B] [H], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [J] [D], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. MM. [B] [H] et [J] [D] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs précités.

3. Par jugement du 7 juin 2023, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité de la procédure et la demande de supplément d'information qui lui ont été présentées, a déclaré les prévenus coupables et les a respectivement condamnés à quatre et trois ans d'emprisonnement, ainsi qu'à des confiscations.

4. Les prévenus ont relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident à leur encontre.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et cinquième moyens proposés pour M. [H] et les deuxième, troisième et quatrième moyens proposés pour M. [D]

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen proposé pour M. [H]

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] irrecevable à soulever le moyen de nullité tirée de l'irrégularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2023 autorisant la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] et, partant, a confirmé le jugement entrepris, alors :

« 1°/ que d'une part, toute personne mise en cause doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité des éléments de preuve fondant sa mise en cause et de s'opposer à leur utilisation ; qu'ainsi la méconnaissance des formalités substantielles régissant une perquisition peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation d'actes ou de pièces de la procédure par la partie qui est directement concernée par l'opération de perquisition ; qu'en déclarant le prévenu irrecevable en sa demande d'annulation de l'ordonnance du 24 avril 2023 autorisant la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] aux motifs que « le simple fait d'être nommément visé par les motifs de l'ordonnance critiquée n'implique nullement une atteinte à la vie privée du prévenu, seul droit protégé par les dispositions visées au moyen » (arrêt, p.20), tandis qu'il était nommément visé par l'ordonnance, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense du prévenu, ensemble les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 171 et 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que d'autre part, il appartient aux juges du fond de rechercher si, nonobstant les dénégations ou le silence du prévenu, il résultait objectivement de la procédure qu'il puisse avoir un droit sur la chose, celui-ci pouvant résulter d'éléments ténus et informels en l'absence de tout droit officiel ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que « la Mercedes immatriculée [Immatriculation 1] perquisitionnée le 24 avril 2023 sur autorisation du juge des libertés et de la détention du même jour n'appartient pas à [B] [H] qui ne revendique pas non plus en avoir été l'utilisateur régulier » (arrêt, p. 20) pour justifier l'irrecevabilité de la demande en nullité formulée par le prévenu, la cour d'appel a de plus fort méconnu les articles précités ;

3°/ qu'enfin, toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en subordonnant la recevabilité du prévenu à soulever la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2023 autorisant la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] à sa reconnaissance d'en être l'utilisateur régulier, la cour d'appel a violé le droit du prévenu de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ensemble les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la directive 2016/343/UE du 9 mars 2016, 63-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en tout état de cause, à peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention ordonnant la perquisition sans l'assentiment exprès de la personne concernée doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire et doit permettre au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles ces opérations ont été autorisées ; qu'en l'espèce, l'ordonnance ayant autorisé la perquisition sans assentiment du véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 1] ne comportait pas d'énoncé précis des raisons qui justifiaient la réalisation d'une perquisition sans l'assentiment du prévenu, la motivation étant générique et imprécise, aucune raison factuelle n'étant avancée pour justifier de l'existence d'un lien entre ce véhicule et le prévenu, de sorte qu'en refusant d'en prononcer la nullité, la cour d'appel a méconnu les articles préliminaire, 76, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel énonce que M. [H] n'a pas qualité pour soulever l'irrégularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la perquisition, sans assentiment, d'un véhicule automobile.

8. C'est à tort que les juges ont relevé cette irrecevabilité. En effet, l'arrêt constate que l'ordonnance contestée mentionne que le demandeur était susceptible de faire usage de ce véhicule. Par ailleurs, l'utilisation de ce véhicule, dans lequel des stupéfiants ont été découverts, a été opposée à M. [H] par les enquêteurs, et a été prise en considération par les juges pour le déclarer coupable.

9. L'arrêt attaqué n'encourt pas cependant la censure dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que l'ordonnance critiquée, en énonçant que M. [H] était susceptible d'utiliser le véhicule en question pour y dissimuler des stupéfiants, a justifié la nécessité de procéder à sa perquisition sans assentiment préalable, au regard des exigences de l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale.

10. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le quatrième moyen proposé pour M. [H] et le premier moyen proposé pour M. [D]

Enoncé des moyens

11. Le moyen proposé pour M. [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris rejetant l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de l'enquête de flagrance, alors « que, à la suite de la constatation d'un crime ou d'un délit flagrant, l'enquête peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours à compter de cette constatation, sauf prolongation autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de huit jours ; qu'en conséquence, à l'issue de ce délai maximal, il n'est pas possible d'ouvrir à nouveau une enquête de flagrance dans le cadre d'une unique procédure et ce, même en cas de découverte postérieure de nouveaux éléments délictuels ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de l'enquête de flagrance à compter du 24 avril 2023 en retenant que la jonction des deux enquêtes, alors suivies en la forme préliminaire, et la co-saisine des deux services enquêteurs le 31 janvier 2023 n'a pas eu pour effet de modifier le régime de l'enquête préliminaire confiée le 3 janvier 2023 par le procureur de la République à la brigade de recherches de [Localité 2], qui s'est poursuivie dans ce cadre jusqu'au 24 avril 2023, et que « le 24 avril 2023, la perquisition de la Mercedes immatriculée [Immatriculation 1] réalisée dans le cadre des dispositions des articles 73 et suivants du code de procédure pénale a permis la découverte de 3 kg d'héroïne, infraction flagrante par excellence, justifiant le basculement de la procédure en cours du régime de l'enquête préliminaire au régime de la flagrance conférant aux enquêteurs les pouvoirs coercitifs prévus par les articles 53 et suivants du code de procédure pénale » (arrêt, p. 21), lorsque la découverte de ces produits stupéfiants ne constituait pas un fait nouveau mais, dès l'origine, l'objet même de l'enquête pour trafic de stupéfiants qui ne pouvait se poursuivre régulièrement que selon les règles de l'enquête préliminaire; qu'en validant le passage en flagrance en l'absence de fait nouveau et en l'absence d'ouverture d'une procédure incidente, la cour d'appel a méconnu les 53, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

12. Le moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité soulevés par M. [D], autres que celui tiré de la violation de la vie privée formé au soutien de la demande de nullité de la vidéosurveillance de son domicile et des actes subséquents, alors « qu'une seule enquête de flagrance peut être ouverte dans le cadre d'une même procédure ; qu'en l'espèce, une procédure avait été ouverte à compter du 3 janvier 2023 sous la forme d'une enquête préliminaire confiée à la brigade de recherche de [Localité 2] pour des faits de trafic de stupéfiants impliquant notamment M. [J] [D] et qu'en parallèle, une procédure portant sur des faits de vols aggravés avait été menée sous la forme d'une enquête préliminaire par le commissariat de [Localité 2] à l'occasion de laquelle, en suite de la découverte de résine de cannabis, le 19 janvier 2023 une procédure incidente avait été ouverte dans le cadre de la flagrance pour des faits d'infraction à la législation des stupéfiants impliquant notamment M. [D] ; que l'enquête initiée dès le 3 janvier 2023 s'était poursuivie sous le régime de l'enquête préliminaire avec jonction des procédures et cosaisine de la police et de la gendarmerie de [Localité 2] ; que par conséquent la perquisition d'une Mercedes immatriculée [Immatriculation 1] et la saisie de stupéfiants effectuées le 23 avril 2023 ne pouvaient intervenir que sous le régime de l'enquête préliminaire et ne pouvaient donner lieu à la réouverture à nouveau d'une enquête de flagrance ; qu'en refusant de constater l'irrégularité de la procédure de flagrance ouverte par les enquêteurs le 23 avril 2023, sur le fondement de la découverte de nouveaux éléments relatifs au trafic de stupéfiant, dans le cadre d'une même et unique procédure ainsi que des actes subséquents, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 53, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

13. Les moyens sont réunis.

14. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de la procédure, au motif qu'elle a été conduite selon les règles applicables en matière de flagrant délit, à compter du 24 avril 2023, l'arrêt attaqué énonce que les policiers et les gendarmes, depuis la jonction de leurs enquêtes et leur saisine conjointe par le procureur de la République, le 31 janvier 2023, ont opéré en enquête préliminaire.

15. Ils ajoutent que, dans le cadre de cette enquête, une perquisition a, le 24 avril 2023, conduit à la découverte de trois kilogrammes d'héroïne dans un véhicule, ce qui a caractérisé l'existence d'une infraction flagrante, ayant permis, à cette date, aux enquêteurs, de continuer leurs investigations selon les règles applicables en matière de flagrant délit.

16. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

17. En effet, l'état de flagrance, au sens de l'article 53 du code de procédure pénale, est caractérisé dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que les officiers de police judiciaire ont relevé des indices apparents d'un comportement délictueux révélant l'existence d'infractions se commettant actuellement ou venant d'être commises.

18. En l'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs, saisis de deux enquêtes préliminaires jointes, dont une ayant débuté en flagrant délit, relatives à un trafic de cocaïne et de cannabis, ont régulièrement découvert de l'héroïne, cette découverte constituant l'indice de la commission actuelle d'une infraction autre que celle objet de l'enquête initiale.

19. Dès lors, les moyens doivent être rejetés.

20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500311
Date de la décision : 12/03/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 18 octobre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 mar. 2025, pourvoi n°C2500311


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500311
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