LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 267 F-B
Pourvoi n° K 24-11.467
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025
1°/ le syndicat CFE-CGC/SCMDE, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [L] [T], domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 24-11.467 contre le jugement rendu le 25 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Meaux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Saur, société par actions simplifiée,
2°/ à la société Stereau, société par actions simplifiée,
ayant tous deux leur siège [Adresse 1],
3°/ à la société Asur analyses et mesures, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
4°/ à la société Cise TP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à la société Hydroservices de l'Ouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 28],
6°/ à la Société des eaux de la [Adresse 25], société anonyme,
7°/ à la société Sepig Atlantique eau, société par actions simplifiée,
ayant tous deux leur siège [Adresse 15],
8°/ à la Compagnie des eaux de [Localité 26], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
9°/ à la société Gestion pour l'environnement de [Localité 23], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
10°/ à la société Ecostation, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12],
11°/ à la société Agglopole Provence assainissement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
12°/ à la société Gestion de l'assainissement du Valenciennois, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],
13°/ à la société ACCM assainissement, société par actions simplifiée,
14°/ à la société ACCM eau, société par actions simplifiée,
ayant tous deux leur siège [Adresse 4],
15°/ à la société Service des eaux [Localité 18], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16],
16°/ à la société Saint-Aff'O, société anonyme, dont le siège est [Adresse 24],
17°/ à la société Eau de Garonne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 17],
18°/ à la société Eaux de [Localité 19], société anonyme, dont le siège est [Adresse 14],
19°/ à la société Compagnie d'environnement [Localité 26] Atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
20°/ à la société Marneo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
21°/ à la société O'Périgord Nontronnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 21],
22°/ à la société Nijhuis Saur industries France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
23°/ à la Société de l'eau potable [Localité 26] Atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
24°/ à la société Saur Sud Loire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 15],
25°/ au syndicat Force ouvrière des salariés des entreprises du groupe Saur, dont le siège est [Adresse 27],
26°/ au syndicat CGT Saur, dont le siège est [Adresse 20],
27°/ à la fédération BATI-MAT-TP CFTC, dont le siège est [Adresse 10],
28°/ au syndicat SNPEA-CFDT, dont le siège est [Adresse 9],
29°/ au syndicat CFTC, dont le siège est [Adresse 13],
30°/ au syndicat SUD Solidaires commerces et services RAA, dont le siège est [Adresse 11],
31°/ à Mme [V] [N], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFE-CGC/SCMDE et de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Saur, Stereau, Asur analyses et mesures, Cise TP, Hydroservices de l'Ouest, Société des eaux de la [Adresse 25], Sepig Atlantique eau, Compagnie des eaux de [Localité 26], Gestion pour l'environnement de [Localité 23], Ecostation, Agglopole Provence assainissement, Gestion de l'assainissement du Valenciennois, ACCM assainissement, ACCM eau, Service des eaux [Localité 18], Saint-Aff'O, Eau de Garonne, Eaux de [Localité 19], Compagnie d'environnement [Localité 26] Atlantique, Marneo, O'Périgord Nontronnais, Nijhuis Saur industries France, Société de l'eau potable [Localité 26] Atlantique et Saur Sud Loire, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du syndicat Force ouvrière des salariés des entreprises du groupe Saur, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Meaux, 25 janvier 2024), l'unité économique et sociale (UES) créée au sein du groupe Saur (l'UES Saur) par un accord collectif du 11 mars 1998 compte, depuis un accord collectif du 7 juillet 2023, vingt-quatre sociétés : les sociétés Saur, Stereau, Asur analyses et mesures, Cise TP, Hydroservices de l'Ouest, Société des eaux de la [Adresse 25], Sepig Atlantique eau, Compagnie des eaux de [Localité 26], Gestion pour l'environnement de [Localité 23], Ecostation, Agglopole Provence assainissement, Gestion de l'assainissement du Valenciennois, ACCM assainissement, ACCM eau, Service des eaux [Localité 18], Saint Aff'O, Eau de Garonne, Eaux de [Localité 19], Compagnie d'environnement [Localité 26] Atlantique, Marneo, O'Périgord Nontronnais, Nijhuis Saur industries France, Société de l'eau potable [Localité 26] Atlantique et Saur Sud Loire.
2. Par accord « relatif à la mise en place et au fonctionnement des comités sociaux et économiques d'établissement (« CSEE ») de l'UES Eau de Saur » du 14 mars 2023 ont été mis en place, outre un comité social et économique central, onze comités sociaux et économiques d'établissement (CSEE), le critère de rattachement des salariés aux différents CSEE étant uniquement géographique en fonction de leur lieu de travail.
3. Lors des élections professionnelles dont le premier tour de scrutin a eu lieu du 15 au 17 mai 2023, le syndicat CFE-CGC/SCMDE (le syndicat CFE-CGC) a déposé une liste de candidats pour le troisième collège du CSEE Ile-de-France/Hauts-de-France, sur laquelle figurait comme suppléant M. [T], lequel n'a pas été élu.
4. Par courrier du 6 juin 2023, adressé à l'employeur le 8 juin 2023, M. [T] a été désigné en qualité de représentant syndical au CSEE Ile-de-France/Hauts-de-France par le syndicat CFE-CGC.
5. Le 22 juin 2023, les sociétés composant l'UES Saur d'une part, le syndicat Force ouvrière des salariés des entreprises du groupe Saur (le syndicat FO Saur) d'autre part ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de cette désignation, en faisant valoir notamment que M. [T] n'était pas salarié de l'établissement d'Ile-de-France/Hauts-de-France.
6. Entre-temps, le syndicat FO Saur avait saisi le tribunal judiciaire en demandant d'annuler la candidature de M. [T] et d'annuler partiellement les listes de candidats présentées par la CFE-CGC pour les troisièmes collèges des établissements Ile-de-France/Hauts-de-France et Siège/Stereau pour non-respect des règles d'éligibilité, ainsi que d'annuler l'élection de certains élus au troisième collège de l'établissement Ile-de-France/Hauts-de-France et de l'établissement Siège/Stereau. Par jugement du 5 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre, tribunal de proximité de Vanves, a notamment déclaré le syndicat FO Saur irrecevable en ses prétentions.
7. Le 25 septembre 2023, M. [T] a été désigné par le syndicat CFE-CGC en qualité de représentant syndical au CSEE Ile-de-France/Hauts-de-France.
8. Par requêtes du 3 octobre 2023, les sociétés composant l'UES et le syndicat FO Saur ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de cette seconde désignation.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le syndicat CFE-CGC et M. [T] font grief au jugement de dire recevables les recours et d'annuler les désignations du salarié en qualité de représentant syndical au CSEE de l'établissement Ile-de-France/Hauts-de-France, alors :
« 1°/ que la contestation de la condition d'éligibilité fondée sur l'irrégularité de l'inscription sur une liste électorale est recevable lorsqu'elle est faite dans les quinze jours suivant l'élection ; qu'en disant recevables les recours en annulation des désignations de M. [T] en qualité de représentant syndical au comité social et économique d'établissement (CSEE) aux motifs que ces désignations ouvrent un recours distinct à l'occasion desquels pouvait être appréciée la condition d'éligibilité de l'intéressé, quand l'appréciation de celle-ci, qui relève du contentieux de l'élection, était purgée de tout vice à l'expiration du délai de forclusion de quinze jours suivant l'élection, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2314-24 du code du travail ;
2°/ que les exposants soutenaient que la régularité des élections au CSEE ayant été tranchée par jugement définitif du tribunal de proximité de Vanves en date du 5 juillet 2023 qui avait jugé irrecevable la demande du syndicat FO aux fins, notamment, d'annuler la candidature de M. [T] et annuler partiellement la liste de candidats présentées par le syndicat CFE-CGC pour le troisième collège de l'établissement Ile-de-France/Haut-de-France "au titre du non-respect des règles d'éligibilité", la contestation de l'éligibilité du salarié à l'occasion de ses désignations en qualité de représentant syndical au comité social et économique d'établissement (CSEE) était irrecevable ; qu'en disant au contraire recevables ces recours en annulation des désignations aux motifs que celles-ci ouvrent un recours distinct à l'occasion duquel pouvait être appréciée la condition d'éligibilité de l'intéressé, peu important l'existence d'un recours antérieur ayant porté sur la régularité des élections au CSEE au cours desquelles le salarié avait été candidat, quand il en résultait que la condition d'éligibilité était purgée de tout vice, le tribunal a violé l'article R. 2314-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. Il résulte de l'article R. 2314-24 du code du travail que lorsque la contestation porte sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette désignation, quel que soit le motif fondant l'irrégularité invoquée.
12. Le tribunal judiciaire, qui a exactement retenu que le délai de contestation de la désignation du salarié en qualité de représentant syndical courait à compter de chacune des deux désignations successives, a constaté que les requêtes ont été introduites dans les quinze jours suivant la connaissance par l'employeur et le syndicat FO Saur des désignations litigieuses, de sorte qu'il a déclaré, à bon droit, ces requêtes recevables.
13. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. Le syndicat CFE-CGC et M. [T] font grief au jugement d'annuler les désignations du salarié en qualité de représentant syndical au CSEE de l'établissement Ile-de-France/Hauts-de-France, alors « qu'en vertu de l'article L. 2314-2 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique, qui est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise ; qu'il en résulte que les organisations représentatives dans l'entreprise ou l'établissement ont la faculté de désigner un représentant syndical au comité à la condition que celui-ci soit choisi parmi les membres de l'entreprise ; qu'en retenant, au contraire, que "lorsqu'il existe plusieurs établissements, le représentant syndical doit travailler au sein de l'établissement dans lequel il est nommé" et en annulant en conséquence les désignations de M. [T] en qualité de représentant syndical au comité social et économique de l'établissement Ile de France/Hauts de France aux motifs que "celui-ci n'appartient pas au personnel de [cet] établissement", le tribunal a violé l'article L. 2314-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
15. Aux termes de l'article L. 2314-2 du code du travail, sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité social et économique fixées à l'article L. 2314-19.
16. L'article L. 2314-19 du même code précise, en son premier alinéa, que sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, s?urs et alliés au même degré de l'employeur ainsi que des salariés qui disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique.
17. Il en résulte d'une part que les conditions de validité de la désignation d'un représentant syndical, tenant à la personne du salarié désigné, doivent être appréciées à la date de la désignation.
18. Il en résulte d'autre part qu'à cette date, lorsque l'entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au comité social et économique d'un établissement doit travailler dans cet établissement.
19. Ayant constaté qu'à la date des désignations litigieuses, le lieu de travail du salarié était situé à [Localité 22] et rattaché à l'établissement Siège/Stereau, le tribunal judiciaire en a déduit à bon droit que les désignations du salarié en qualité de représentant syndical au comité social et économique d'un autre établissement, soit l'établissement Ile-de-France/Hauts-de-France, devaient être annulées.
20. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.