LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 169 F-D
Pourvoi n° B 23-19.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2025
1°/ M. [X] [W],
2°/ Mme [I] [L], épouse [W],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° B 23-19.160 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société NJCE, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société CA Consumer Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à M. [P] [D], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société NJCE,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [W], de Mme [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CA Consumer Finance, de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la société NJCE, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 juin 2023), le 4 décembre 2018, par contrat conclu hors établissement, M. [W] a commandé à la société NJCE (le vendeur) une installation aérovoltaïque composée de panneaux et d'un chauffe-eau thermodynamique, dont le prix a été financé par un crédit souscrit le même jour, avec Mme [W], auprès de la société CA Consumer Finance (la banque).
2. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, M. et Mme [W] (les emprunteurs) ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats de vente et de crédit affecté, subsidiairement en résolution de ces contrats, et en indemnisation.
3. Un jugement du 25 septembre 2024 a prononcé la liquidation judiciaire de la société NJCE. Par arrêt du 18 décembre 2024, la Cour de cassation a donné acte aux emprunteurs de ce qu'ils reprenaient l'instance à l'égard de M. [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société NJCE.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième à septième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des contrats, alors « qu'il résulte de l'article R. 111-2, 5° du code de la consommation dans sa rédaction issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, que le professionnel communique au consommateur, s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification ; qu'en décidant que la mention du numéro d'assujettissement de la TVA n'était plus requise par l'article R. 111-2 du code de la consommation dans sa rédaction postérieure au 29 juin 2016, la cour d'appel a violé la disposition précitée. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, alinéa 2, L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, et les articles L. 111-2 et R. 111-2 du même code, ce dernier texte dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2022-1014 du 19 juillet 2022 :
6. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
7. En application du deuxième, ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
8. Selon le troisième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
9. Aux termes du quatrième, tout professionnel, avant la conclusion d'un contrat de fourniture de services et, lorsqu'il n'y a pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Les informations complémentaires qui ne sont communiquées qu'à la demande du consommateur sont également précisées par décret en Conseil d'Etat.
10. Le dernier texte dispose : « Pour l'application des dispositions de l'article L. 111-2, outre les informations prévues à l'article R. 111-1, le professionnel communique au consommateur ou met à sa disposition les informations suivantes : [...] 5° S'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification. »
11. Pour rejeter la demande en annulation du contrat fondée sur l'absence d'indication, sur le bon de commande, du numéro individuel d'identification du vendeur d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'arrêt, après avoir constaté que le bon de commande indiquait l'appellation commerciale de l'entreprise, sa dénomination, son adresse postale, son adresse de courriel, son site internet, son capital et son numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, retient que les dispositions du code de la consommation applicables au litige n'imposent pas la mention du numéro d'assujettissement à la TVA dès lors que l'article R. 111-2, qui faisait référence à cette obligation, a été abrogé le 29 juin 2016.
12. En statuant ainsi, alors que l'article R. 111-2 du code de la consommation était applicable au litige relatif à un contrat conclu le 4 décembre 2018 et que sa méconnaissance était susceptible d'entraîner la nullité du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
13. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que la rentabilité d'une installation aérovoltaïque relève des caractéristiques essentielles du bien vendu dont le vendeur est tenu d'informer l'acheteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 111-1, 1° du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, alinéa 2, L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, et l'article L. 111-1, 1°, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 :
14. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
15. En application du deuxième, ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
16. Selon le troisième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
17. Le dernier texte dispose que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné.
18. Pour rejeter la demande en annulation du contrat fondée sur l'absence d'information relative à la capacité de production en électricité de l'installation eu égard, notamment, à sa puissance et à l'emplacement et aux caractéristiques de l'immeuble, la cour d'appel, après avoir constaté que le contrat mentionne qu'il porte sur « une installation solaire aérovoltaïque d'une puissance de 6 000 Wc comprenant 2 bouches, air system, 20 panneaux Soluxtec 300 Wc, couleur noir, plaque d'intégration GSE, micro-onduleurs emphase mâle/femelle, clips de sécurité, connectique, boîtier AC/DC, crochets toit, vis », retient que cette désignation est conforme aux dispositions applicables du code de la consommation dès lors que celles-ci n'imposent pas la mention de la rentabilité de l'installation, laquelle n'est, au demeurant, pas entrée dans le champ contractuel.
19. En statuant ainsi, alors que, si la rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation de panneaux photovoltaïques ou aérovoltaïques, au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel, en revanche, comme cela était soutenu par les emprunteurs, le résultat attendu de l'utilisation de cette installation, c'est-à-dire sa capacité de production d'électricité, relève d'une information portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa neuvième branche
Enoncé du moyen
20. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que la renonciation à se prévaloir de la nullité d'un acte suppose la connaissance du vice qui l'affecte et l'intention de le réparer ; qu'il appartient ainsi au professionnel qui se prévaut d'une telle confirmation de l'acte nul d'établir qu'il a mis à la disposition du consommateur une information lisible et rendue compréhensible par une mise en concordance précise des dispositions légales ou réglementaires pertinentes exigées par le code de la consommation avec celles concrètement fournies au consommateur, qu'en se bornant à constater que M. et Mme [W] avaient connaissance du formalisme prévu par le code de la consommation pour en déduire qu'ils avaient renoncé à se prévaloir de sa violation par une exécution sans réserve du bon de commande, la Cour d'appel à déduit un motif inopérant, en violation de l'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1182 du code civil :
21. Selon ce texte, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
22. Pour rejeter les demandes, l'arrêt relève, d'une part, que M. [W] a signé le bon de commande en reconnaissant avoir pris connaissance des articles L. 221-18 à L. 221-28 du code de la consommation applicables lors de la vente à domicile et qu'il s'est vu remettre les conditions générales de vente reproduisant les articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5, L. 221-18, L. 221-20, L. 221-25 du même code et, d'autre part, que les emprunteurs ont poursuivi l'exécution du contrat en n'exerçant pas leur droit de rétractation, en acceptant la livraison des marchandises et la mise en service de l'installation, en signant le procès-verbal de réception sans réserve, en donnant pour instruction à la banque de verser le capital emprunté au vendeur, en faisant raccorder l'installation au réseau public de distribution d'électricité, en signant le contrat de revente de l'électricité avec la société EDF et en consommant et revendant l'électricité produite pendant plusieurs années.
23. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance que les emprunteurs auraient eue de l'irrégularité du bon de commande tirée de l'inobservation des articles L. 221-5, L. 221-9, L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
24. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui rejette la demande d'annulation du contrat de vente entraîne la cassation des chefs de dispositif qui rejettent les demandes, formées contre la banque, en constat de la nullité du contrat de crédit affecté et en indemnisation, et tendant au retrait du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
25. La cassation de ces chefs de dispositif emporte celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les emprunteurs aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande, formée par M. [W], en résolution du contrat conclu avec la société NJCE, prononce la déchéance du droit aux intérêts, rejette la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la société NJCE, l'arrêt rendu le 7 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société CA Consumer Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société NJCE et la société CA Consumer Finance et condamne cette dernière à payer à M. et Mme [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.