LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 166 F-D
Pourvoi n° A 23-15.341
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2025
Mme [V] [F], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 23-15.341 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société CA Consumer Finance, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Eco environnement, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Franfinance, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de Mme [F], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la société Eco environnement, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Franfinance, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 mars 2023), par deux contrats conclus hors établissement les 10 mai et 7 juillet 2016, Mme [F] (l'acquéreure) a commandé à la société Eco environnement (le vendeur) la fourniture, l'installation et la réalisation de démarches en vue du raccordement et de la mise en service de deux systèmes de production d'électricité d'origine photovoltaïque, dont le prix a été financé par deux crédits souscrits les mêmes jours auprès, respectivement, de la société Franfinance et de la société CA Consumer Finance (les banques).
2. Après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt à la suite d'échéances impayées, la société Franfinance a assigné l'acquéreure en remboursement. Celle-ci a assigné le vendeur et les banques en annulation des contrats principaux et de crédits affectés en raison d'irrégularités formelles des bons de commande. Les procédures ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'acquéreure fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des contrats conclus le 10 mai 2016 avec le vendeur et la société Franfinance, alors « que le bon de commande conclu après démarchage à domicile doit comporter le délai d'exécution des différentes prestations du professionnel, en faisant la différence entre l'installation du matériel et la réalisation des prestations administratives ; que la cour d'appel a constaté que le bon de commande comportait des conditions générales prévoyant la livraison de la commande dans un délai de deux cents jours après la prise d'effet du contrat de vente et une mention d'un délai de livraison le 10 juillet 2016 ; qu'il ne résulte pas de ces constatations qu'un délai ait été fixé pour la pose de l'installation photovoltaïque et un autre pour la réalisation de ses obligations administratives par la société Eco environnement ; qu'en estimant que Mme [F] avait été suffisamment informée du délai d'installation des modules photovoltaïques et de réalisation des prestations à caractère administratif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 121-18-1 et L. 111-1 du code de la consommation, dans leur rédaction issue respectivement de la loi du 20 décembre 2014 et de celle du 17 mars 2014. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 121-18-1 et L. 121-17 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation :
4. Selon le premier texte, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, signé par les parties, comprenant, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.
5. Selon le deuxième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
6. Aux termes du dernier, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
7. Il résulte de ces textes que les opérations de démarchage à domicile font l'objet d'un contrat qui mentionne notamment, à peine de nullité, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
8. Lorsque le contrat comporte un engagement du professionnel à livrer et installer le bien et à exécuter des démarches en vue de mettre en service celui-ci, la mention relative au délai doit distinguer, d'une part, le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et, d'autre part, celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'est s'engagé.
9. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats du 10 mai 2016, après avoir énoncé, d'abord, que le vendeur, qui ne peut connaître la date de raccordement de l'installation ou la date de conclusion du contrat de rachat de l'électricité, lesquelles dépendent de la société ERDF, est uniquement tenu d'indiquer le délai maximal de réalisation de l'ensemble des prestations mises à sa charge, l'arrêt constate, ensuite, que les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande contiennent une mention selon laquelle le vendeur s'efforce de livrer la commande dans les délais précisés au client au moment de la commande et au plus tard dans des délais de deux cents jours à compter de la prise d'effet du contrat de vente et que, au recto de ce bon de commande, il est indiqué, à la rubrique « délai de livraison », la date du 10 juillet 2016. L'arrêt retient, enfin, que le contrat mentionne deux délais permettant à l'acquéreure de faire la distinction entre les délais de fourniture et d'installation des modules et ceux de la réalisation des prestations à caractère administratif.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait seulement relevé l'existence d'une mention sur le bon de commande de deux délais de livraison de durée distincte, lesquels n'indiquaient pas la nature exacte des opérations qu'ils concernaient, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. L'acquéreure fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des contrats conclus le 7 juillet 2016 avec le vendeur et la société CA Consumer Finance, alors « que le bon de commande conclu après démarchage à domicile doit comporter le délai d'exécution des différentes prestations du professionnel, en faisant la différence entre l'installation du matériel et la réalisation des prestations administratives ; que la cour d'appel a constaté que le bon de commande comportait des conditions générales prévoyant la livraison de la commande dans un délai de deux cents jours après la prise d'effet du contrat de vente et une mention d'un délai de livraison le 10 juillet 2016 ; qu'il ne résulte pas de ces constatations qu'un délai ait été fixé pour la pose de l'installation photovoltaïque et un autre pour la réalisation de ses obligations administratives par la société Eco environnement ; qu'en estimant que Mme [F] avait été suffisamment informée du délai d'installation des modules photovoltaïques et de réalisation des prestations à caractère administratif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 221-9 et L. 111-1 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, L. 221-5, 1°, du même code, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation :
12. Selon les premier et deuxième textes, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, signé par les parties, comprenant, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées à prévues à l'article L. 221-5.
13. Selon le troisième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
14. Aux termes du dernier, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
15. Il résulte de ces textes que les opérations de démarchage à domicile font l'objet d'un contrat qui mentionne notamment, à peine de nullité, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
16. Lorsque le contrat comporte un engagement du professionnel à livrer et installer le bien et à exécuter des démarches en vue de mettre en service celui-ci, la mention relative au délai doit distinguer, d'une part, le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et, d'autre part, celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'est s'engagé.
17. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats du 7 juillet 2016, après avoir énoncé, d'abord, que le vendeur, qui ne peut connaître la date de raccordement de l'installation ou la date de conclusion du contrat de rachat de l'électricité, lesquelles dépendent de la société ERDF, est uniquement tenu d'indiquer le délai maximal de réalisation de l'ensemble des prestations mises à sa charge, l'arrêt constate, ensuite, que les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande contiennent une mention selon laquelle le vendeur s'efforce de livrer la commande dans les délais précisés au client au moment de la commande et au plus tard dans des délais de deux cents jours à compter de la prise d'effet du contrat de vente et que, au recto de ce bon de commande, il est indiqué, à la rubrique « délai de livraison », la date du 7 septembre 2016. L'arrêt retient, enfin, que le contrat mentionne deux délais permettant à l'acquéreure de faire la distinction entre les délais de fourniture et d'installation des modules et ceux de la réalisation des prestations à caractère administratif.
18. En statuant ainsi, alors qu'elle avait seulement relevé l'existence d'une mention sur le bon de commande de deux délais de livraison de durée distincte, lesquels n'indiquaient pas la nature exacte des opérations qu'ils concernaient, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
19. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui rejette les demandes formées par l'acquéreure tendant à l'annulation des contrats de prêt respectivement conclus le 10 mai et le 7 juillet 2016 avec la société Franfinance et la société CA Consumer Finance, entraîne la cassation des autres chefs de dispositif rejetant comme sans objet l'ensemble des demandes formées par l'acquéreure en conséquence de l'annulation des contrats, condamnant celle-ci à reprendre le paiement envers la société CA Consumer finance des 53 échéances mensuelles de 223,24 euros restant à échoir à compter du 25 mars 2023 en exécution du contrat de crédit souscrit le 7 juillet 2016, la condamnant à payer à la société CA Consumer finance, dans la limite de ses demandes, la somme de 5 357,76 euros au titre des mensualités impayées, rejetant, comme sans objet, les demandes formulées subsidiairement par la société Franfinance et la société CA Consumer finance en cas d'annulation des contrats principaux et/ou des contrats de crédit, condamnant l'acquéreure aux dépens de première instance et d'appel et à payer à chacune des sociétés Eco environnement, Franfinance et CA Consumer finance la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Mise hors de cause
20. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Franfinance dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne les sociétés Eco environnement, Franfinance et CA Consumer Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Eco environnement et Franfinance et les condamne solidairement, avec la société CA Consumer Finance, à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.