LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 mars 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 194 F-B
Pourvoi n° V 22-17.609
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MARS 2025
1°/ la société Bleu Azur finance, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ la société Bleu Azur services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° V 22-17.609 contre les arrêts rendus les 13 mai 2020 et 2 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Hervé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société [X], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [I] [D] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hervé,
3°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la société Waterlot et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un premier moyen de cassation contre l'arrêt du 13 mai 2020 et un second moyen de cassation contre l'arrêt du 2 juin 2021.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat des sociétés Bleu Azur finance et Bleu Azur services, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Waterlot et associés, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Bleu Azur services du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Hervé SA, la société [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hervé SA, la Société générale et la société Waterlot et associés.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 mai 2020 et 2 juin 2021) et les productions, la société Hervé SA a sous-traité à la société Bleu Azur le lot « menuiseries intérieures et miroiterie » d'un chantier de rénovation qui lui avait été confié. La Société générale s'est constituée caution solidaire de la société Hervé SA pour le paiement des sommes dues à son sous-traitant.
3. La société Bleu Azur a cédé sa créance sur la société Hervé SA à la société Bleu Azur finance.
4. Le 8 mai 2018, la société Bleu Azur finance a interjeté appel d'un jugement du 10 mai 2016, d'un tribunal de commerce, ayant constaté la péremption de l'instance en paiement qu'elle avait engagée à l'encontre de la société Hervé SA et de la Société générale.
5. Saisi de conclusions d'incident de la société Hervé SA, un conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de la société Bleu Azur finance, par une ordonnance déférée à la cour d'appel, devant laquelle l'appelante a introduit une procédure en inscription de faux.
Examen des moyens
Sur le premier moyen en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 13 mai 2020
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 2 juin 2021
Enoncé du moyen
7. La société Bleu Azur finance fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif l'appel qu'elle a interjeté, alors « que constitue une irrégularité de fond, affectant la validité d'un acte de procédure, le défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale ; qu'en retenant, sur la régularité de la signification du jugement rendu le 10 mai 2016, qu'il résultait de l'historique produit par la société Hervé qu'à la date du 12 mars 2018, le président du directoire de la société, en l'occurrence la société Holdher, était devenu président de la société, de sorte qu'à la date à laquelle le procès-verbal de signification du jugement avait été délivré à la société Bleu Azur finance, soit le 10 juin 2016, la société Hervé n'était pas dépourvue de représentant légal et celui-ci avait valablement saisi l'huissier de justice, quand la circonstance que le président du directoire de la société Hervé était devenu président de celle-ci en 2018 ne présupposait pas qu'elle disposait d'un président en 2016, la cour d'appel a violé l'article 117 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Après avoir procédé à l'examen de l'historique des modifications enregistrées au registre du commerce et des sociétés que la société Bleu Azur finances invoquait pour prétendre que la société par actions simplifiée Hervé SA n'avait pas de président, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur probante des éléments de preuve, contradictoirement débattus, qui lui étaient soumis que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 2 juin 2021
Enoncé du moyen
10. La société Bleu Azur finance fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que c'est seulement dans le cas où le jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties que chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles ; qu'en considérant, au titre de la recevabilité de l'appel, qu'il existait une interdépendance étroite des droits et obligations des défendeurs, la Société générale ayant été actionnée en qualité de caution solidaire de la société Hervé, que l'indivisibilité du profit du jugement se caractérisait par l'impossibilité d'exécuter séparément les dispositions du jugement concernant chacune des parties auxquelles il bénéficiait et que tel était bien le cas en l'espèce, le jugement prononcé le 10 mai 2016 par le tribunal de commerce de Paris ayant constaté la péremption de l'instance, disposition qui ne pouvait s'exécuter séparément à l'égard de la société Hervé et de la Société générale, quand ce jugement, qui s'était borné à constater la péremption de l'instance, ne profitait pas à la société Hervé et à la Société générale, la cour d'appel a violé les articles 324 et 529 du code de procédure civile ;
3°/ que c'est seulement dans le cas où le jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties que chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles ; qu'il doit exister une impossibilité d'exécuter séparément les dispositions du jugement concernant chacune des parties ; qu'au surplus, en considérant ainsi, au titre de la recevabilité de l'appel, qu'il existait une interdépendance étroite des droits et obligations des défendeurs, la Société générale ayant été actionnée en qualité de caution solidaire de la société Hervé, que l'indivisibilité du profit du jugement se caractérisait par l'impossibilité d'exécuter séparément les dispositions du jugement concernant chacune des parties auxquelles il bénéficiait et que tel était bien le cas en l'espèce, le jugement prononcé le 10 mai 2016 par le tribunal de commerce de Paris ayant constaté la péremption de l'instance, disposition qui ne pouvait s'exécuter séparément à l'égard de la société Hervé et de la Société générale, quand ce jugement, qui s'était borné à constater la péremption de l'instance, pouvait parfaitement être exécuté séparément concernant la société Hervé et la Société générale, la cour d'appel a violé les articles 324 et 529 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Etant par nature indivisible, la péremption prévue à l'article 386 du code de procédure civile, lorsqu'elle est demandée par une des parties, éteint l'instance au profit de toutes les autres.
12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt qui a déclaré l'appel irrecevable à l'égard de toutes les parties intimées, est légalement justifié.
13. Le moyen, ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Bleu Azur finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bleu Azur finance et la condamne à payer à la société Waterlot et associés la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-cinq.