LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mars 2025
Cassation
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 218 F-B
Pourvoi n° C 23-13.802
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [N] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 décembre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025
M. [N] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-13.802 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société Alaine Sud-Est, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Sotalis, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Filliol, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [P], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Alaine Sud-Est, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Filliol, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 janvier 2023), M. [P] a été engagé en qualité de conducteur routier le 6 décembre 2010 par la société Sotalis.
2. Il a été victime d'un accident du travail le 29 juillet 2011 et d'une rechute d'accident du travail le 26 mars 2012.
3. Déclaré inapte par le médecin du travail lors d'un examen médical le 1er mars 2017, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 31 mars 2017 et a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; que l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail, même s'il n'identifie pas de poste de reclassement ; qu'en l'espèce, M. [P] ayant été déclaré inapte en raison d'un accident du travail, il appartenait à l'employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement ; que la cour d'appel a elle-même constaté que M. [P] avait été convoqué le 17 mars 2017 à un entretien préalable en vue d'un licenciement qui s'est tenu le 27 mars 2017, et qu'il avait été licencié par lettre du 31 mars 2017 pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement ; que pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'absence de proposition de reclassement compatible avec l'absence de mobilité géographique du salarié dispensait l'employeur de procéder à une consultation des délégués du personnel, et que par suite la tardiveté de cette consultation des représentants du personnel, convoqués le 17 mars 2017 pour le 31 mars 2017 à 17h, était sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement ; qu'en jugeant ainsi que l'employeur n'était pas tenu de procéder à la consultation du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Selon ce texte, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
6. Pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code.
7. L'arrêt en déduit qu'en l'absence de proposition de reclassement compatible avec l'absence de mobilité géographique du salarié, l'employeur n'était pas tenu de procéder à une consultation des représentants des délégués du personnel et que par suite, la tardiveté de la consultation de ceux-ci était sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement.
8. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Alaine Sud-Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alaine Sud-Est et la condamne à payer à Me Ridoux la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.