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27/02/2025 | FRANCE | N°22500167

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 février 2025, 22500167


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 27 février 2025








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 167 F-D


Pourvoi n° S 22-24.506






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________






ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025


La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-24.506 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 167 F-D

Pourvoi n° S 22-24.506

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025

La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-24.506 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord- Pas-de-Calais, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Pédron, conseiller, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 octobre 2022), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 18 octobre 2017 comportant plusieurs chefs de redressement suivie d'une mise en demeure du 19 décembre 2017. Le 2 janvier 2018, l'organisme de recouvrement a également notifié à la société des observations pour l'avenir.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de confirmer les observations pour l'avenir du 2 janvier 2018, alors :

« 1°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que pour valider l'observation pour l'avenir relative aux justificatifs à fournir en cas de contrôle sur les frais kilométriques, la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions « de la circulaire du 7 janvier 2003 listant les justificatifs devant être apportés par l'employeur pour chaque déplacement » ; qu'en se fondant ainsi sur une circulaire dépourvue d'effet normatif, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ que l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, qui prévoit les conditions de déductibilité des indemnités forfaitaires kilométriques versées aux salariés contraints d'utiliser leur véhicule personnel à titre professionnel, n'impose aucun mode de preuve du nombre exact de kilomètres parcourus ; qu'il appartient aux agents du recouvrement mentionnés à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale de réclamer, à l'occasion du contrôle, la communication des justificatifs de l'employeur ; que cette communication ne peut porter que sur les documents nécessaires à l'exercice du contrôle, sous le contrôle du juge du contentieux de la sécurité sociale ; qu'en validant l'observation pour l'avenir imposant à la société [3], sous peine de redressement ultérieur et application de la majoration de récidive, un mode de preuve précis des dépenses engagées par les salariés ayant utilisé leur véhicule personnel à titre professionnel, par la production d'un document indiquant les nom, prénom, adresse et profession du salarié, l'identification de l'établissement dont il dépend, la date de chaque déplacement journalier, le motif de chaque déplacement, le point de départ de chaque déplacement, le lieu de chaque déplacement, le kilométrage du véhicule au départ, le kilométrage du véhicule à l'arrivée, le nombre de kilomètres parcourus pour l'accomplissement de chaque déplacement, le nombre mensuel total des kilomètres parcourus, le taux de l'indemnité kilométrique, le numéro d'immatriculation et la puissance fiscale du véhicule utilisé, la date de rédaction de la note de frais et la signature du salarié, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002, ensemble les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'à tout le moins, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ne peuvent réclamer la communication de documents qui ne sont pas strictement nécessaires à l'exercice du contrôle ; que pour valider l'observation pour l'avenir décidant que la société [3] devait tenir à la disposition des agents de l'URSSAF, pour justifier la déduction des frais kilométriques exposés par ses salariés, un document indiquant les nom, prénom, adresse et profession du salarié, l'identification de l'établissement dont il dépend, la date de chaque déplacement journalier, le motif de chaque déplacement, le
point de départ de chaque déplacement, le lieu de chaque déplacement, le kilométrage du véhicule au départ, le kilométrage du véhicule à l'arrivée, le nombre de kilomètres parcourus pour l'accomplissement de chaque déplacement, le nombre mensuel total des kilomètres parcourus, le taux de l'indemnité kilométrique, le numéro d'immatriculation et la puissance fiscale du véhicule utilisé, la date de rédaction de la note de frais et la signature du salarié, la cour d'appel a retenu que ces justificatifs « ne peuvent être tenus
pour excessifs, étant observé que l'employeur, qui est garant de la réalité des dépenses engagées et à qui incombe de les vérifier pour obtenir leur déduction, ne peut se retrancher derrière une prétendue lourdeur administrative au demeurant non démontrée » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la précision du kilométrage du véhicule au départ et à l'arrivé, du nombre de kilomètres parcourus pour l'accomplissement de chaque déplacement et du nombre mensuel total des kilomètres parcourus était nécessaire au contrôle, dans la mesure où la précision du lieu de départ,
du lieu d'arrivée et de l'objet du déplacement permettait à elle seule de démontrer le caractère professionnel du déplacement et la distance parcourue par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002, L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article R. 243-59, II, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, lors du contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du même code, la personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui lui sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice d'un contrôle.

6. Il en résulte que les agents de recouvrement qui, lors d'un premier contrôle, ont constaté l'insuffisance des pièces permettant de justifier une déduction pour frais professionnels, ont la possibilité de notifier à l'employeur des observations pour l'avenir permettant de l'informer des documents qui leur sont nécessaires pour exercer le contrôle de cette déduction.

7. L'arrêt retient qu'il ressort des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoyant une déduction pour frais professionnels des sommes versées à l'occasion ou en contrepartie du travail et de l'arrêté du 20 décembre 2002 définissant ces frais que l'organisme de recouvrement doit être dans la capacité de vérifier la réalité des déplacements professionnels, en sorte que les éléments contestés, qui ont pour objet de permettre une vérification accrue s'agissant de la cohérence des éléments figurant sur les états de frais, ne peuvent être tenus pour excessifs.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée uniquement sur les dispositions d'une circulaire dépourvue de valeur normative et a procédé à la recherche qui lui était demandée, a pu décider, sans méconnaître les dispositions applicables en matière de frais professionnels déductibles ni porter atteinte aux droits de l'employeur de contester un éventuel redressement sur ce point par tous moyens de preuve, que les observations pour l'avenir devaient être confirmées.

9. Le moyen n'est, dès lors, par fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 1 relatif aux avantages bancaires hors prêts consentis à ses salariés, alors :

« 1°/ qu'aux termes du protocole d'accord du 4 juillet 2016 conclu entre les sociétés du groupe [4] et l'URSSAF, il a été convenu que « les parties retiennent, par principe, que la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation, prévue à l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, est mise en oeuvre pour valoriser les avantages consentis aux collaborateurs bénéficiant de réductions sur les produits bancaires au sein de chacune des entités contrôlées » et que « toutefois, s'agissant des Banques qui s'estiment en mesure de produire, de façon exhaustive, tout ou partie des éléments nécessaires à une vérification des avantages bancaires sur une base réelle pour l'ensemble de leurs collaborateurs, la méthode de contrôle par voie d'échantillonnage et d'extrapolation pourra être écartée pour procéder à une vérification « au réel » » ; qu'en retenant que l'organisme avait pu, sans que la société se soit estimée en mesure de produire, de façon exhaustive, tout ou partie des éléments nécessaires à une vérification des avantages bancaires sur une base réelle, écarter la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation dès lors que la société avait fourni de manière exhaustive les fichiers sollicités par les inspecteurs détaillant les différents frais supportés par les collaborateurs durant les années contrôlées, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, devenu 1103 dudit code et 2044 du code civil.

3°/ subsidiairement, qu'en vertu de l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale, l'URSSAF est autorisé à fixer forfaitairement le montant de l'assiette des cotisations lorsque la personne contrôlée ne met pas à la disposition des inspecteurs les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ; que pour dire que l'organisme était fondé à fixer forfaitairement le montant de l'assiette des cotisations, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la lettre de réponse faite par l'URSSAF le 5 décembre 2017 que la société avait omis de mettre à disposition de l'organisme les éléments permettant de déterminer le montant des avantages bancaires réels perçus par les salariés, qu'il s'agisse de commissions d'un montant inférieur à celui supporté par les clients mais également de commissions totalement impayées même en cas d'incident dans le fonctionnement des comptes des collaborateurs et, s'agissant des commissions d'intervention, qu'elle avait fourni des calculs qui n'avaient pas été faits sur la totalité des comptes des collaborateurs ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était pourtant demandé, si les éléments nécessaires à l'évaluation du montant des avantages en cause ne figuraient pas dans les comptes bancaires tenus à la disposition des inspecteurs du recouvrement, auxquels il incombait, dans le cadre de la vérification au réel qu'ils avaient choisi d'appliquer, de les consulter, d'autant qu'ainsi que le constatait le protocole d'accord conclu entre la [4] et l'URSSAF, il était techniquement impossible à la société contrôlée de fournir un document faisant apparaître les sommes acquittées par les collaborateurs au titre de telle ou telle prestation bancaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 243-6-5 et R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale :

11. Selon le premier de ces textes, le directeur de l'organisme de recouvrement peut conclure avec le cotisant une transaction portant sur l'évaluation des éléments d'assiette des cotisations ou contributions dues relatives aux avantages en nature ou en argent ou aux frais professionnels lorsque cette évaluation présente une difficulté particulière.

12. Selon le second, dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette lorsque la personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou lorsque leur présentation n'en permet pas l'exploitation.

13. Pour valider le redressement relatif aux avantages bancaires des salariés opéré sur une base forfaitaire, l'arrêt retient qu'au cours des investigations, l'employeur a communiqué de manière exhaustive les fichiers détaillant les différents frais supportés par les collaborateurs si bien que l'URSSAF avait à sa disposition les éléments nécessaires à une vérification sur une base réelle pour l'ensemble des collaborateurs l'autorisant à écarter la méthode de contrôle par voie d'échantillonnage et d'extrapolation, retenue comme principe par le protocole d'accord du 4 juillet 2016, mais qu'en omettant de mettre à disposition de l'organisme les éléments permettant de déterminer le montant des avantages bancaires réels perçus par les salariés, la société n'a pas mis l'organisme dans la possibilité de calculer les avantages en nature devant être assujettis aux cotisations.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que l'employeur avait communiqué à l'URSSAF l'ensemble des éléments nécessaires lui permettant de procéder à un contrôle exhaustif afin de déterminer le chiffre exact des avantages bancaires litigieux, l'organisme de recouvrement ne pouvant dès lors recourir à une taxation forfaitaire, d'autre part, que la méthode de vérification par la voie de d'échantillonnage et d'extrapolation, retenue comme principe par le protocole d'accord conclu entre les parties, ne pouvait être abandonnée que s'il était possible de calculer le redressement sur des bases réelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide le redressement n° 1 relatif aux avantages bancaires hors prêts, l'arrêt rendu le 20 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;

Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500167
Date de la décision : 27/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 20 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 27 fév. 2025, pourvoi n°22500167


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500167
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