LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 février 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 191 F-D
Pourvois n°
Q 23-22.622
R 23-22.623
S 23-22.624
T 23-22.625
U 23-22.626
V 23-22.627
W 23-22.628
X 23-22.629
Y 23-22.630
Z 23-22.631
A 23-22.632
B 23-22.633
C 23-22.634
D 23-22.635
E 23-22.636
F 23-22.637
H 23-22.638
G 23-22.639
J 23-22.640
K 23-22.641
M 23-22.642
N 23-22.643
P 23-22.644
Q 23-22.645
R 23-22.646
S 23-22.647
T 23-22.648
U 23-22.649
V 23-22.650
W 23-22.651
X 23-22.652
Y 23-22.653
Z 23-22.654
A 23-22.655
B 23-22.656
C 23-22.657
D 23-22.658
E 23-22.659
F 23-22.660
H 23-22.661
G 23-22.662
J 23-22.663
K 23-22.664
M 23-22.665
N 23-22.666
P 23-22.667 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
La société United Airlines Inc., société de droit étranger, dont le siège est aéroport [48], [Adresse 45], a formé les pourvois n° Q 23-22.622, R 23-22.623, S 23-22.624, T 23-22.625, U 23-22.626, V 23-22.627, W 23-22.628, X 23-22.629, Y 23-22.630, Z 23-22.631, A 23-22.632, B 23-22.633, C 23-22.634, D 23-22.635, E 23-22.636, F 23-22.637, H 23-22.638, G 23-22.639, J 23-22.640, K 23-22.641, M 23-22.642, N 23-22.643, P 23-22.644, Q 23-22.645, R 23-22.646, S 23-22.647, T 23-22.648, U 23-22.649, V 23-22.650, W 23-22.651, X 23-22.652, Y 23-22.653, Z 23-22.654, A 23-22.655, B 23-22.656, C 23-22.657, D 23-22.658, E 23-22.659, F 23-22.660, H 23-22.661, G 23-22.662, J 23-22.663, K 23-22.664, M 23-22.665, N 23-22.666 et P 23-22.667 contre quarante-six arrêts rendus le 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à Mme [HH] [V], domiciliée [Adresse 8],
2°/ à M. [KS] [JL], domicilié [Adresse 10],
3°/ à Mme [H] [DI], épouse [C], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à Mme [CD] [F], domiciliée [Adresse 6],
5°/ à M. [FY] [TZ], domicilié [Adresse 16],
6°/ à Mme [M] [RG], domiciliée [Adresse 49], Royaume-Uni,
7°/ à Mme [I] [IU], domiciliée [Adresse 34],
8°/ à Mme [I] [OU], épouse [UN], domiciliée [Adresse 21],
9°/ à Mme [ZK] [EO], domiciliée [Adresse 30],
10°/ à Mme [WA] [BC], domiciliée [Adresse 43],
11°/ à Mme [T] [LJ], domiciliée [Adresse 47],
12°/ à M. [L] [AK], domicilié [Adresse 9],
13°/ à Mme [MT] [GT], domiciliée [Adresse 14],
14°/ à M. [KD] [FJ], domicilié [Adresse 3],
15°/ à M. [K] [PO], domicilié [Adresse 37],
16°/ à Mme [HK] [MW], domiciliée [Adresse 42],
17°/ à Mme [IR] [YE], domiciliée [Adresse 18],
18°/ à Mme [UR] [MB], épouse [E], domiciliée [Adresse 5],
19°/ à Mme [O] [GB], domiciliée [Adresse 31],
20°/ à Mme [WA] [ES], domiciliée [Adresse 2],
21°/ à Mme [JI] [BZ], domiciliée [Adresse 24],
22°/ à Mme [OC] [KA], domiciliée [Adresse 39],
23°/ à Mme [LM] [A], domiciliée [Adresse 32],
24°/ à Mme [HZ] [ZH], domiciliée [Adresse 35],
25°/ à M. [KS] [UN], domicilié [Adresse 22],
26°/ à Mme [DF] [ZN], épouse [WS], domiciliée [Adresse 36],
27°/ à Mme [RV] [S], domiciliée [Adresse 41],
28°/ à Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 23],
29°/ à Mme [WA] [Z], domiciliée [Adresse 26], Australie,
30°/ à Mme [EA] [CR], épouse [N], domiciliée [Adresse 25],
31°/ à Mme [O] [B], domiciliée [Adresse 4],
32°/ à Mme [W] [D], domiciliée [Adresse 27],
33°/ à Mme [VX] [J], domiciliée [Adresse 38],
34°/ à M. [ZZ] [X],
35°/ à Mme [YB] [OF], épouse [X],
tous deux ayant leur domicile [Adresse 33],
36°/ à Mme [TW] [TH], domiciliée [Adresse 19],
37°/ à Mme [NK] [KV], domiciliée [Adresse 29],
38°/ à Mme [WA] [ME] [PL], épouse [YT], domiciliée [Adresse 44],
39°/ à Mme [TW] [ST], épouse [SP], domiciliée [Adresse 11],
40°/ à Mme [NN] [AG], domiciliée [Adresse 28],
41°/ à Mme [IC] [OX], domiciliée [Adresse 7],
42°/ à M. [GP] [RY], domicilié [Adresse 15],
43°/ à Mme [U] [FG], épouse [XJ], domiciliée [Adresse 13],
44°/ à Mme [TW] [G], épouse [DX], domiciliée [Adresse 40],
45°/ à Mme [Y] [VI], domiciliée [Adresse 17],
46°/ à Mme [HZ] [P], domiciliée [Adresse 20],
47°/ au CRPN, dont le siège est [Adresse 12],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, deux moyens de cassation communs.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société United Airlines Inc., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [V] et des quarante-quatre autres salariés, à l'exception de Mme [XJ], après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 23-22.622 à P 23-22.667 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 21 septembre 2023) et les pièces de la procédure, Mme [V] et quarante-cinq salariés ont été engagés entre 1992 et 1996 par la société United Airlines Inc. (la société), dont le siège social est à [Localité 46] (Illinois), pour travailler au sein de l'établissement de [48].
3. Constatant l'absence de cotisation au régime de retraite complémentaire de la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (la caisse de retraite) versée par la société pour la période de 1992 à 2006, les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 9 mars 2020 de demandes tendant au paiement de diverses indemnités.
4. Par jugements du 19 juillet 2022, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent au profit des juridictions des Etats-Unis et de l'Etat de l'Illinois et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
5. Par requêtes du 28 octobre 2022, les salariés ont saisi le premier président de la cour d'appel de Paris pour être autorisés à assigner la société et la caisse de retraite à jour fixe devant ladite cour d'appel.
6. Par ordonnances du 1er décembre 2022, le premier président de la cour d'appel a autorisé les salariés à assigner à jour fixe la société et la caisse de retraite en précisant que la question de la loi applicable ne serait pas abordée et a fixé les délais de conclusions pour les parties intimées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
7. La société reproche aux arrêts de déclarer les lois françaises applicables aux litiges et, renvoyant les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond, de la condamner à verser à chacun des salariés une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que le droit à un procès équitable tel que défini par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique l'exercice effectif des droits de la défense et le respect de la loyauté des débats ; que les salariés ayant saisi le premier président de la cour d'appel de Paris d'une requête pour plaider à jour fixe en matière de compétence, il les a, par ordonnances du 1er décembre 2022, autorisés à assigner la société ainsi que la caisse de retraite du personnel navigant (CRPN) devant la cour d'appel en ''inform[ant] les parties de ce que, s'agissant d'un appel porté sur la compétence, ou non, de la juridiction prud'homale, la question de la loi applicable ne sera pas abordée ; qu'en effet il n'est pas envisagé d'évoquer le fond de l'affaire'' ; qu'en se prononçant non seulement sur la question de la compétence de la juridiction prud'homale mais également sur celle de la loi applicable au litige pour conclure à l'application de la loi française, quand, au vu des termes de l'ordonnance, la société avait légitimement considéré que les débats devant la cour d'appel seraient circonscrits à la seule question de la compétence des juridictions françaises et n'avait donc pas conclu sur la loi applicable, la cour d'appel a violé les articles 3, 15, 16, 132 et 135 du code de procédure civile, ensemble le principe de loyauté des débats et les exigences du procès équitable telles qu'elles sont garanties par l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
3°/ que l'article 16 du code de procédure civile exige du juge qu'il fasse, en toutes circonstances, observer et observe lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se prononçant sur la loi applicable au litige et, renvoyant au conseil de prud'hommes pour qu'il soit statué sur le fond sur l'éventuelle méconnaissance des dispositions françaises, en n'autorisant plus aucun débat sur l'application de ces dispositions au litige, sans même inviter la société United Airlines, qui avait légitimement circonscrit ses conclusions à la seule question de la compétence, à présenter ses observations, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 susvisé. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Les salariés contestent la recevabilité des deux premières branches du moyen. Ils soutiennent qu'elles sont nouvelles, mélangées de fait et de droit.
9. Cependant, les griefs sont nés de la décision attaquée.
10. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 78 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, après avoir, le cas échéant, mis préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.
12. Les arrêts, après avoir déclaré le conseil de prud'hommes de Bobigny compétent pour statuer sur les litiges opposant les parties, ont, statuant au fond, déclaré les lois françaises applicables aux litiges.
13. En statuant ainsi, sans avoir mis la société en demeure de conclure au fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation des chefs de dispositif déclarant les lois françaises applicables aux litiges et renvoyant les parties devant le conseil de prud'hommes de Bobigny pour qu'il soit statuer sur le fond n'emporte pas celle des chefs de dispositif des arrêts condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions des arrêts non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent les lois françaises applicables aux litiges et renvoient les parties devant le conseil de prud'hommes de Bobigny pour qu'il soit statuer sur le fond, les arrêts rendus le 21 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mmes [V], [DI], épouse [C], [F], [RG], [IU], [OU], épouse [UN], [EO], [BC], [LJ], [GT], [MW], [YE], [MB], épouse [E], [GB], [ES], [BZ], [KA], [A], [ZH], [ZN], épouse [WS], [S], [R], [Z], [CR], épouse [N], [B], [D], [J], [OF], épouse [X], [TH], [KV], [PL], épouse [YT], [ST], épouse [SP], [AG], [OX], [FG], épouse [XJ], [G], épouse [DX], [VI], [P], MM. [JL], [TZ], [AK], [FJ], [PO], [UN], [X], [RY], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.