LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 159 F-D
Pourvoi n° M 22-22.983
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
M. [T] [E], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 22-22.983 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [5] International, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] (Monaco),
2°/ à la Société d'exploitation bar brasserie [4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [E], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société [5] International et de la Société d'exploitation bar brasserie [4], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 septembre 2022), M. [E] a été engagé en qualité de directeur développement immobilier France, statut cadre dirigeant, à compter du 16 janvier 2017 par la société bar brasserie [4] (la société), exploitant un établissement de restauration à l'enseigne [5].
2. Contestant son licenciement pour motif économique notifié le 25 octobre 2017, le salarié a saisi le la juridiction prud'homale afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes et de confirmer le statut de cadre dirigeant, alors « que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants, les salariés participant à la direction de l'entreprise ; qu'en s'abstenant de préciser en quoi l'activité du salarié de directeur de développement immobilier France contribuait à la direction de la Société d'exploitation bar brasserie [4] ayant une activité de restauration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :
5. Selon ce texte, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.
6. Pour débouter le salarié de sa demande tendant à écarter sa qualité de cadre dirigeant, l'arrêt retient qu'il disposait du niveau d'indépendance dans l'organisation de son emploi du temps qui seyait à son degré de responsabilité, qu'il figurait parmi les salariés les mieux rémunérés de la société mais qu'il ne démontre pas qu'il ne bénéficiait pas de l'autonomie nécessaire dans la prise de décision dans son domaine d'action.
7. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi l'activité du salarié de directeur de développement immobilier France de la Société d'exploitation bar brasserie [4] se traduisait par sa participation à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes relatives, notamment à la rupture de son contrat de travail, alors « que les difficultés économiques s'apprécient au niveau de l'entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir que la Société d'exploitation bar brasserie [4] appartenait à un groupe si bien que l'existence de ses difficultés économiques devait s'apprécier au regard du secteur d'activité commun à l'entreprise et à celui des entreprises du groupe établies sur le territoire national ; qu'en se bornant à affirmer que la réalité des difficultés économiques ayant entraîné la suppression du poste de directeur occupé par M. [E] est par conséquent avérée, n'étant pas retenu une appréciation par secteur d'activité, la société bar brasserie [4] étant le siège français de [5] en France, filiale du groupe [5]", sans constater que la Société d'exploitation bar brasserie [4] était la seule de son secteur d'activité sur le territoire français au sein du groupe auquel elle appartenait, l'employeur étant au surplus totalement taisant sur le périmètre d'appréciation des difficultés économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :
9. Selon ce texte, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
10. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que la réalité des difficultés économiques ayant entraîné la suppression du poste de directeur occupé par le salarié est avérée, n'étant pas retenu une appréciation par secteur d'activité, la Société d'exploitation bar brasserie [4] étant le siège français de [5] en France, filiale du groupe [5].
11. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'appartenance de la société au groupe [5], la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si la réorganisation de la Société d'exploitation bar brasserie [4] était justifiée par l'existence de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu au rabat de l'ordonnance de clôture et en ce qu'il déboute M. [E] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et pour prêt de main d'oeuvre et marchandage, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société [5] International et la Société d'exploitation bar brasserie [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [5] International et la Société d'exploitation bar brasserie [4] et les condamne à payer à M. [E] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.