LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-81.000 F-D
N° 00194
LR
25 FÉVRIER 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 FÉVRIER 2025
Les sociétés [9] et [5] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 26 janvier 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 20 avril 2022, pourvoi n° 21-83.925), pour prêt illicite de main-d'oeuvre et marchandage, a condamné, la première, à 125 000 euros d'amende, la seconde, à 30 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société [9], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [5], les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du syndicat [11], MM. [J] [W], [SC] [K], [BT] [A], [RU] [Z], [KH] [G], [VO] [SB], [X] [IZ], [UP] [SJ], [TA], [NW] et [NU] [IR], [SC] [MW], [RS] [NE], [RS] [XN], [HZ] [II], [KF] [XF], [L] [WX], [HH] [VY], [DB] [AM], [US] [WG], [AJ] [EU], [RK] [JH], [VI] [DV], [KO] [WO], [GR] [NV], [OC] [TI], [FT] [MN], [UH] [NM], [OT] [FC], [WH] [ZV], [BG] [SS], [LX] [JP], [D] [BD], [U] [MF], [HC] [FK], [FL] [DE], [PK] [UZ], [KR] [KG], [EE] [VP], [LF] [OU], [SC] [RC], [HA] [LO], [PE] [OL], [R] [TZ], [EL] [YW], [MG] [FT], [O] [TR], [YE] [ZE], [RD] [BU], [HJ] [GB], [VR] [HB], [TS] [CN], [SC] [YV], [HZ] [UI], [VG] [OV],
[VZ] [UR], [XE] [PD], [FT] [KX], [FB] [KP], [BY] [PL], [CA] [UY], [GT] [VH], [PJ] [KY], [EK] [PC], [JY] [BX], [LH] [YN], [I] [AL], [CR] [AL], [V] [BR], [F] [PT], [XG] [ZL], [GA] [TJ], [IH] [YG] [FU], [MM] [OE], [ZM] [LW], [BJ] [VX], [YO] [WY], [FJ] [BA], [GI] [JI], [DB] [JR], [VA] [FD], [ZN] [ST], [P] [EV], [XP] [WW], [LG] [JA], [LN] [WN], [FL] [BM] [WF], [LG] [WP], [NF] [IP], [RJ] [EM], [BP] [MX], [JZ], [SR], [LP] [MV], [IY] [SI], [VG] [ET], [DH] [IJ], [NN] [JG], [AV] [MO], [TB] [SC], [FJ] [NL], [FT] [XM], [HR] [DW], [ME] [IB], [GS] [LY], [AW] [TP], [GJ] [TH], [LE] [SZ], [HA] [BC], [FT] [HT], [UP], [HA] et [XV] [JX], [XP] [OK], [GC] [YL], [RT] [FS], [BP] [YD], [B] et [RB] [PM], [M] [PV], [DB] [UO], [H] [AK], [ZD] [CO], [ZK], [ZF] [H], [SC] [CK], [DS] [GU], [T] [ZW], [HR] et [GZ] [KN], [IR] [CD], [GL] [PB], [Y] [ZC], [PK] [TY] [TT], [KW] [UB], [E] [UJ], [YM] [OW], [GL] [KI], [C] [ND] [VF], [SC] [UX], [GD] [CP], [IA] [CU], [OM] [LV] et [SC] [BN], et Mmes [UG] [A], [N] [RT], [UA] [AY], [XO] [PU], [HS] [GK], [XW] [XX], [N] [CM], [RL] [HI], [YX] [YF], épouse [OD], [AO] [DU], [S] [SA], [N] [IS], [BZ] [HK], [JO] [KZ], [EH] [YU] et [SK] [ZU], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [5], venant aux droits de la société [4], et l'établissement public industriel et commercial (EPIC) [10] ont été poursuivis des chefs de prêt illicite de main-d'oeuvre et marchandage commis de 2007 à 2011 sur les sites de [Localité 8], [Localité 2], [Localité 7] et [Localité 3]/[Localité 6].
3. Par jugement du 17 mars 2015, le tribunal correctionnel a relaxé ces deux personnes morales des deux chefs susvisés pour les années 2010 et 2011, les a déclarées coupables pour les faits commis de 2007 à 2009 et condamnées chacune à une amende.
4. Les deux prévenues, le procureur de la République et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.
5. Par arrêt du 24 janvier 2017, la cour d'appel a notamment confirmé le jugement en ce qui concerne les relaxes et les déclarations de culpabilité.
6. L'EPIC [10], la société [5] et les parties civiles ont formé des pourvois contre cette décision.
7. Par arrêt du 8 août 2018 (Crim., 8 août 2018, pourvoi n° 17-81.957), la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt attaqué en toutes ses dispositions et a renvoyé l'affaire devant la même cour d'appel, autrement composée.
8. En 2020, les trois établissements publics industriels et commerciaux [9] sont devenus des sociétés anonymes, détenues par une société holding.
9. Par arrêt du 20 mai 2021, la cour d'appel de renvoi a, notamment, dit que le site d'[1] n'était pas compris dans la prévention, relaxé les sociétés [9] et [5] pour le délit de prêt illicite de main-d'oeuvre commis de 2007 à 2009 et pour celui de marchandage commis de juillet 2007 à 2009 sur le site de [Localité 3]/[Localité 6], déclaré coupables les deux prévenues du chef de cette même infraction pour le surplus de la prévention et a condamné la société [9] à 30 000 euros d'amende et la société [5] à 10 000 euros d'amende.
10. La société [9] a formé un pourvoi contre cette décision.
11. Par arrêt du 20 avril 2022 (Crim., 20 avril 2022, pourvoi n° 21-83.925), la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt attaqué en toutes ses dispositions, étendu les effets de cette annulation à la société [5] et renvoyé l'affaire devant la même cour d'appel, autrement composée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, proposés pour la société [9], et le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le deuxième moyen, proposés pour la société [5]
12. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et le troisième moyen, pris en sa première branche, proposés pour la société [9], et le premier moyen, pris en sa première branche, et le quatrième moyen, proposés pour la société [5]
Enoncé des moyens
13. Le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour la société [9] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que par son arrêt, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mai 2021, y compris celles relatives à la relaxe du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre, a dit être saisie des chefs de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage, pour les années 2007, 2008 et 2009, a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré la société [4] devenue [5] et la [9] coupables des chefs de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage, faits commis en 2007, 2008 et 2009, à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 2] et [Localité 6]/ [Localité 3], étant précisé que pour ce dernier lieu, les faits s'y sont produits de janvier à juin 2007 et a condamné la [9] à une amende de 125 000 euros, alors :
« 1°/ qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la cour de renvoi dans les limites fixée par le pourvoi ; que l'effet dévolutif du pourvoi est limité par la qualité du demandeur, sa volonté et son intérêt à agir ; qu'il en résulte que si seul un prévenu s'est pourvu en cassation contre un arrêt qui l'a déclaré coupable d'une infraction et la relaxé au titre d'une autre infraction, l'effet dévolutif de son pourvoi ne concerne pas le chef de l'arrêt attaqué par lequel il a été relaxé, de sorte qu'une cassation de l'arrêt, même prononcée en toutes ses dispositions, ne concerne pas le chef de relaxe qui n'était pas dévolu à la Cour de cassation et ne saisit pas la cour de renvoi de ce chef de relaxe, revêtu de l'autorité de chose jugée ; que l'indivisibilité entre les chefs de dispositif d'un arrêt cassé ne peut concerner que des chefs dévolus à la Cour de cassation, dans les limites de l'effet dévolutif du pourvoi ; qu'en l'espèce, en considérant qu'elle devait évoquer les deux délits de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage, après avoir constaté que par son arrêt du 20 mai 2021, elle avait relaxé la [9] du chef de prêt illicite de main d'oeuvre de 2007 à 2009 et l'avait déclarée coupable de marchandage de 2007 à 2009 et que seule [9] avait formé un pourvoi en cassation, au prétexte de l'indivisibilité prétendue des deux infractions, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 567 et 609 du code de procédure pénale, ensemble l'article 591 du même code et 6 §1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; ».
14. Le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour la société [9], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré la société [4] devenue [5] et la [9] coupables des chefs de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage, faits commis en 2007, 2008 et 2009, à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 2] et [Localité 6]/ [Localité 3], alors :
« 1°/ que le principe ne bis in idem interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité si l'une des qualifications correspond à un élément constitutif de l'autre ; qu'en déclarant l'exposante coupable des délits de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage, après avoir considéré que l'existence d'une opération à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre, élément constitutif de l'infraction de marchandage, était acquis parce que le délit de prêt illicite de main d'oeuvre était caractérisé, ce dont il résultait nécessairement que le délit de prêt illicite de main d'oeuvre était un élément constitutif du délit de marchandage, la cour d'appel a violé le principe ne bis in idem, l'article 4 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »
15. Le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que par son arrêt, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel du 20 mai 2021, y compris celles relatives à la relaxe du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre, a dit être saisie des chefs de prêt illicite demain-d'oeuvre et de marchandage, pour les années 2007, 2008 et 2009, et l'a déclarée coupable des chefs de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage, faits commis en 2007, 2008 et 2009, à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 2] et [Localité 6]/[Localité 3], étant précisé que pour ce dernier lieu, les faits s'y sont produits de janvier à juin 2007, alors :
« 1°/ que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ; qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi ; qu'en retenant qu'il lui appartenait d'évoquer les deux délits poursuivis de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage compte tenu de leur indivisibilité, y compris à l'égard de la société [4] devenue [5], en raison de l'extension de l'effet de la cassation à son égard, et en déclarant celle-ci coupable de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage, quand la société [9] s'était seule pourvue en cassation contre l'arrêt du 20 mai 2021 ayant condamné les deux sociétés prévenues du chef de marchandage et prononcé leur relaxe du chef de prêt illicite de main d'oeuvre, ce dont il résultait que cette relaxe, que le demandeur au pourvoi était sans intérêt à critiquer et n'avait pas critiquée, était définitive et s'imposait à elle, la cour d'appel a violé les articles 567, 609 et 612-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 6.1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
16. Le quatrième moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable des chefs de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage, faits commis en 2007, 2008 et 2009, à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 2] et [Localité 6]/[Localité 3], étant précisé que pour ce dernier lieu, les faits s'y sont produits de janvier à juin 2007, alors « que le principe ne bis in idem interdit le cumul de qualification lors de la déclaration de culpabilité lorsqu'un fait ou des faits identiques sont en cause et que l'une des qualifications correspond à un élément constitutif de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; qu'en déclarant la société [5], venant aux droits de la société [4], coupable des chefs de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage, après avoir retenu que l'existence d'une opération à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre, élément constitutif du délit de marchandage, ne faisait aucun doute au vu des développements précédents sur le délit de prêt illicite de main d'oeuvre auxquels elle a renvoyé, ce dont il résultait que les mêmes faits étaient en cause tandis que la qualification de prêt illicite de main d'oeuvre était un élément constitutif de la qualification de marchandage, la cour d'appel a violé le principe ne bis in idem, l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
17. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 567 et 609 du code de procédure pénale :
18. Il se déduit du premier de ces textes que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir.
19. Selon le second, lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.
20. Pour déclarer les sociétés [9] et [5] coupables de faits de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage commis, de 2007 à 2009 sur les sites de [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 2], et de janvier à juin 2007 sur le site de [Localité 3]/[Localité 6], l'arrêt attaqué constate que les relaxes prononcées pour la période de 2010 à 2011 sont devenues définitives.
21. Les juges retiennent ensuite que par sa décision du 20 avril 2022, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mai 2021 en toutes ses dispositions, y compris celles relatives à la relaxe du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre.
22. Ils observent qu'en effet, si, selon une jurisprudence constante, le pourvoi ne peut remettre en cause que les dispositions de l'arrêt qui sont défavorables au prévenu, de sorte que la cassation obtenue par lui est limitée aux chefs de l'arrêt qui lui sont défavorables, il est néanmoins fait exception à cette règle en cas d'indivisibilité des faits.
23. Ils précisent que dans un tel cas, la cassation est totale, même si le prévenu a été relaxé sur certains chefs de la poursuite.
24. Interprétant l'arrêt susvisé du 20 avril 2022, ils relèvent que, pour la Cour de cassation, les deux infractions poursuivies sont si étroitement liées que les prévenus ne peuvent être relaxés pour le premier délit et condamnés pour le second sans entraîner une contradiction de motifs.
25. Ils en déduisent qu'il existe entre ces deux infractions un lien de connexité et, après analyse des conclusions déposées et les réquisitions du ministère public, ils constatent que la Cour de cassation et les parties à l'instance s'accordent donc pour reconnaître que le délit de marchandage est dépendant du délit de prêt illicite de main d'oeuvre.
26. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui, en raison des relaxes prononcées antérieurement et de la qualité des auteurs des pourvois, n'était saisie que des faits de marchandage commis de 2007 à 2009 sur les sites de [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 2], et de janvier à juin 2007 sur le site de [Localité 3]/[Localité 6], peu important une éventuelle indivisibilité entre ces faits et ceux qui avaient fait l'objet d'une relaxe, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
27. La cassation est ainsi encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour la société [9] et le quatrième moyen, proposé pour la société [5].
Et sur le troisième moyen proposé pour la société [5]
Enoncé du moyen
28. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamnée à une amende de 30 000 euros, alors « que le condamné qui ne s'est pas pourvu et au profit duquel l'annulation de la condamnation a été étendue en application des dispositions du premier alinéa de l'article 612-1 du code de procédure pénale, ne peut être condamné à une peine supérieure à celle prononcée par la juridiction dont la décision a été annulée ; qu'en condamnant la société [5] à une amende de 30 000 euros, quand l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mai 2021, contre lequel elle ne s'était pas pourvue et dont l'annulation avait été étendue à son profit par application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, l'avait condamnée à une amende de 10 000 euros, la cour d'appel a violé les articles 612-1 du code de procédure pénale et 6.1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 612-1 du code de procédure pénale :
29. L'application de ce texte ne peut conduire à aggraver la peine prononcée contre un condamné qui ne s'est pas pourvu.
30. L'arrêt attaqué a condamné la société [5] à 30 000 euros d'amende après avoir énoncé que, d'une part, cette prévenue avait été condamnée à 10 000 euros d'amende par l'arrêt censuré du 20 mai 2021, d'autre part, la Cour de cassation avait, dans son arrêt du 20 avril 2022, dit que la cassation aurait effet à l'égard de la société [5] qui ne s'est pas pourvue.
31. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
32. La cassation est de nouveau encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 janvier 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille vingt-cinq.