LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 février 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 88 F-D
Pourvoi n° S 23-17.978
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025
La société Sogwac, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-17.978 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [N] [R], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 1],
3°/ à M. [I] [B], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sogwac, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes [R] et [K] et de M. [B], après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 30 mars 2023), par acte sous seing privé du 26 janvier 2006, [Z] [K]-[V] a donné à bail à la société Sogwac (le preneur) un local à usage commercial, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 488 euros net de charges.
2. Cet acte, enregistré à l'administration fiscale, comprenait une promesse unilatérale de vente consentie au bénéfice du preneur pour la durée de la location.
3. [Z] [K]-[V] est décédée le 27 avril 2011, laissant pour lui succéder ses trois enfants, M. [I] [B] et Mmes [N] [R] et [W] [K] (les bailleurs).
4. La société Sogwac a assigné ces derniers en réitération authentique de la vente, répétition des charges indûment versées et compensation du solde avec le prix de vente.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le preneur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de répétition des charges versées aux bailleurs et de le condamner à leur payer une certaine somme au titre des loyers échus du 20 janvier 2015 au 31 août 2022, alors « que les charges dues par le preneur sont énumérées de façon limitative,
celles dont le bailleur demande le remboursement et non comprises dans la liste ne sont pas dues par le locataire ; qu'en condamnant la société Sogwac au paiement d'une somme de 44 408 euros au titre des loyers impayés sans déduire la somme payée indûment par la société Sogwac au titre des charges aux motifs erronés que la société Sogwac avait exécuté ledit contrat de bail pendant 9 ans, et ne pouvait soutenir désormais que ces dernières
n'étaient pas dues, au regard d'une éventuelle imprécision terminologique du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
8. Il en résulte que, dans l'état du droit antérieur à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, si les parties à un contrat de bail commercial sont libres de convenir de la répartition entre elles des charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, seules les stipulations contractuelles déterminent celles d'entre elles qui pèsent sur le preneur.
9. Pour rejeter la demande en répétition de l'indu formée par le preneur, l'arrêt retient que ce dernier s'est acquitté pendant neuf années d'une certaine somme au titre du paiement des charges ou charges locatives, ce locataire ne pouvant désormais soutenir que celles-ci n'étaient pas dues compte tenu d'une imprécision terminologique du bail.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui incombait, à quels paiements correspondaient les charges dont le preneur sollicitait la répétition et si celles-ci lui avaient été imputées par une stipulation du contrat, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Sogwac en répétition de l'indu et la condamne à payer à M. [B] et Mmes [R] et [K] la somme de 44 408 euros au titre des loyers échus impayés, l'arrêt rendu le 30 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne M. [B], Mme [R] et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.