LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-84.828 F-D
N° 00342
12 FÉVRIER 2025
GM
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025
M. [B] [F], Mme [V] [Z] et la société [1] ont présenté, par mémoires spéciaux reçus les 2 et 5 décembre 2024, des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 2024, qui a condamné le premier, pour blanchiment, abus de biens sociaux, détention de faux documents administratifs et usage, infraction à la législation sur les armes et travail dissimulé, à cinq ans d'emprisonnement, 100 000 euros d'amende, la deuxième, pour blanchiment et recel, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction du territoire français, la troisième, pour blanchiment, à 100 000 euros d'amende, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [B] [F], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [V] [Z] et la société [1], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont identiques et ainsi rédigées :
« Les dispositions de l'article 324-1-1 du Code pénal tel qu'elles sont interprétées par la Chambre criminelle, méconnaissent-elles les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles permettent de faire présumer systématiquement l'origine illicite des biens ou revenus et contraignent le prévenu à justifier de leur origine licite rendant ainsi irréfragable la présomption résultant de ce texte ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
4. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.
5. D'une part, la présomption d'illicéité, instituée par l'article 324-1-1 du code pénal, de l'origine des biens ou revenus sur lesquels porte le délit de blanchiment, n'est pas irréfragable, la preuve contraire de l'origine licite des fonds pouvant être librement rapportée, et nécessite, pour être mise en oeuvre, la réunion de conditions de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.
6. D'autre part, le texte contesté définit avec suffisamment de clarté et de précision les éléments qui constituent cette présomption pour permettre son interprétation, qui relève de l'office du juge pénal, sous le contrôle de la Cour de cassation, sans risque d'arbitraire.
7. Dès lors, la disposition critiquée ne porte atteinte ni au principe de la présomption d'innocence, ni à celui de légalité des délits et des peines.
8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.