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05/02/2025 | FRANCE | N°52500127

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2025, 52500127


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 février 2025








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
aisant fonction de président






Arrêt n° 127 F-D


Pourvoi n° U 23-20.188


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cas

sation
en date du 25 mai 2023.










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
aisant fonction de président

Arrêt n° 127 F-D

Pourvoi n° U 23-20.188

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025

M. [L] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-20.188 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Seris Security, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [I], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Seris Security, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2023), M. [I] a été engagé par la société Nord Security Services en qualité d'agent d'exploitation à compter du 15 décembre 1997, avec reprise de son ancienneté à compter du 5 avril 1990. La société Nord Security Services a ensuite été cédée à la société Securifrance dans le cadre d'un plan de redressement par voie de cession arrêté par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 21 janvier 2005, société nouvellement dénommée Seris Security.

2. Par avenant du 8 août 2008, M. [I] est devenu coordinateur, poste de la qualification d'agent d'exploitation. Il exerçait ses fonctions sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle.

3. Il était titulaire de plusieurs mandats syndicaux et de représentation du personnel.

4. Le 29 juillet 2014, invoquant une discrimination syndicale et un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander le paiement de dommages-intérêts et de rappels de salaires et de primes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande tendant à juger qu'il a été victime de discrimination

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à juger qu'il a été victime de discrimination, alors « qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire à raison de ses activités syndicales ; qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, qui a droit au maintien de tous les éléments de rémunération antérieurement perçus aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement ; que dès lors, en l'absence de renouvellement de l'habilitation administrative nécessaire à l'exercice de ses fonctions, l'employeur est tenu non seulement de conserver le salarié protégé dans l'entreprise, mais encore de le rémunérer comme s'il continuait à occuper les fonctions qu'il occupait auparavant, jusqu'à l'obtention de l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que les éléments invoqués par M. [I], en l'occurrence son absence d'évolution de carrière, son absence d'affectation depuis plusieurs années et le fait que son coefficient soit toujours demeuré à 190 contrairement à certains de ses collègues, laissaient présumer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a retenu que sa situation était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, dès lors que l'employeur lui avait attribué le seul coefficient prévu par l'accord collectif au poste de coordinateur, et que son affectation à des postes de sûreté aéroportuaire supposait le renouvellement d'un double agrément administratif et la validation de formations que M. [I] n'avait pas validées, sans que l'employeur puisse en être tenu responsable ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, quand l'employeur n'avait jamais demandé l'autorisation de licencier ce salarié protégé malgré son absence d'affectation depuis plusieurs années, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. D'abord, ayant estimé que, parmi les éléments invoqués par le salarié, sont établis ceux relatifs à la stagnation de son coefficient et de sa carrière, à l'absence d'affectation depuis 2013 et de différence de traitement, l'arrêt retient qu'ils laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale.

7. Ensuite, l'arrêt constate que l'employeur justifie que le coefficient 190 est le seul coefficient prévu par l'accord collectif au poste de coordinateur, auquel le salarié a accédé le 8 août 2008, que l'affectation du salarié à des postes de sûreté aéroportuaire nécessite plusieurs conditions, notamment un double agrément du procureur de la République et du préfet et une autorisation d'accès aux zones sécurisées d'activité, que le double agrément a été accordé pour une durée d'une année au mois d'octobre 2011 et qu'il n'a été fait droit à la demande de renouvellement que le 5 avril 2013, que l'employeur démontre qu'au mois de septembre 2013, le salarié n'a pas validé les formations nécessaires, que le renouvellement du double agrément n'a de nouveau pas été accordé au mois de décembre 2013 et que, par la suite, le salarié n'a pas renseigné le document nécessaire à l'obtention de son titre de circulation en zone sécurisée sur l'aéroport.

8. Puis, l'arrêt relève que l'employeur a proposé au salarié une affectation sur une autre zone aéroportuaire au mois d'avril 2014 qu'il a refusée, qu'après la perte du marché Aéroport de Paris à compter du mois de mai 2015, le salarié ne s'est pas présenté à la formation préalable, puis a refusé une affectation sur le site de Roissy-Charles de Gaulle.

9. L'arrêt constate enfin que le salarié a échoué aux épreuves de certification organisées à la fin de l'année 2016 et au mois de novembre 2017, ce qui ne lui permettait plus d'exercer des activités de sûreté aéroportuaire et que l'employeur lui a ensuite proposé des affectations, sans réponse du salarié.

10. Par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a ainsi estimé que les faits laissant supposer l'existence d'une discrimination étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire et de la prime de performance individuelle, ainsi que de sa demande de rappel de salaires au titre du travail le dimanche et de nuit

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaires au titre de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire et de la prime de performance individuelle, ainsi que de sa demande de rappel de salaires au titre du travail le dimanche et de nuit, alors :

« 2°/ qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire à raison de ses activités syndicales ; qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; qu'en cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement ; qu'il appartient ainsi à l'employeur de maintenir tous les éléments de rémunération antérieurement perçus par le salarié aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement ; que dès lors, en l'absence de renouvellement de l'habilitation administrative nécessaire à l'exercice de ses fonctions, l'employeur est tenu non seulement de conserver le salarié protégé dans l'entreprise, mais encore de le rémunérer conformément aux fonctions qu'il occupait jusqu'à l'obtention de l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail ; que pour débouter M. [I] de sa demande en paiement de primes de sûreté aéroportuaire et de performance individuelle, la cour d'appel a retenu que leur versement supposait qu'il exerce effectivement des activités de sûreté aéroportuaire, ce qui n'était plus le cas depuis que son agrément avait expiré le 25 octobre 2012, M. [I] ayant refusé les propositions d'affectation à des postes relevant de la sûreté aéroportuaire et échoué aux formations dont la validation était nécessaire au renouvellement de cet agrément ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, dès lors qu'il appartenait à l'employeur, s'il souhaitait supprimer ces éléments de rémunération, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement de ce salarié protégé, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-1 du code du travail ;

3°/ que les dispositions de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985, s'appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté ; que l'annexe VIII cesse de s'appliquer aux personnels concernés dès qu'ils ne sont plus affectés à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire ; que pour débouter M. [I] de ses demandes de rappel de salaire au titre du travail le dimanche et de nuit, l'arrêt retient que les demandes sont fondées sur l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, dont M. [I] ne pouvait pas se prévaloir car il n'exerçait plus de fonctions de sûreté aéroportuaire ; qu'en statuant ainsi, quand M. [I] n'a pas été affecté à d'autres missions que celle de sûreté au cours des périodes litigieuses de sorte qu'il pouvait continuer à bénéficier des dispositions de l'annexe VIII, la cour d'appel a violé l'article 1er de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit.

13. Cependant, le salarié soutenait devant la cour d'appel que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations contractuelles en refusant de lui payer la prime annuelle de sûreté aéroportuaire et la prime de performance individuelle qui lui étaient dues en application de l'annexe VIII, relatives aux dispositions particulières aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire, de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, alors même qu'il avait le statut de salarié protégé, et qu'il n'avait pas bénéficié des majorations pour travail de nuit et le dimanche prévues par l'annexe VIII de cette convention. Ainsi, le moyen n'est pas nouveau.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa rédaction applicable, du code du travail :

15. Il résulte de ces textes, d'une part qu'aucune modification de son contrat de travail ou qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, d'autre part qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Il appartient à l'employeur de maintenir tous les éléments de rémunération antérieurement perçus par le salarié aussi longtemps que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement.

16. Pour débouter le salarié de ses demandes de paiement d'un rappel de primes de sûreté aéroportuaire et de performance individuelle et d'un rappel de salaire pour le travail le dimanche et le travail de nuit, l'arrêt retient que ces demandes sont fondées sur l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et que le salarié n'a plus exercé d'activité qui relevait de cette annexe sur les périodes revendiquées.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] de sa demande de paiement de rappels de salaires au titre de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire et de la prime de performance individuelle, ainsi que de sa demande de rappel de salaires au titre du travail le dimanche et de nuit et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Seris Security aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Seris Security et la condamne à payer à la SAS Boucard, Capron et Maman la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500127
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2025, pourvoi n°52500127


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boucard-Capron-Maman, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500127
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