LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 février 2025
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 126 F-D
Pourvoi n° C 23-13.503
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025
M. [C] [J], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° C 23-13.503 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 4] (Turquie),
2°/ à la société Unilever France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk et Unilever France, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2023), M. [J] a été engagé par la société turque Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk AS (la société Unilever Turquie) suivant un contrat de travail à compter du 1er mars 1999.
2. Par une lettre d'affectation internationale du 7 mars 2014, il a été affecté à [Localité 5] au sein de la société Unilever France pour une durée de trois ans du 1er mars 2014 au 28 février 2017 pour y exercer les fonctions de directeur financier France. Le 10 juin 2014, M. [J] et la société Unilever France ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée.
3. Par lettres du 1er mars 2017 puis du 9 avril 2018 du conseiller en mobilité global Unilever valant addendum à la lettre d'affectation internationale du 7 mars 2014, l'affectation à [Localité 5] en France a été prolongée à deux reprises jusqu'au 28 février 2018, puis jusqu'au 31 juillet 2018.
4. En l'absence de proposition de réintégration, par lettre du 26 mars 2018, la société Unilever Turquie a rompu le contrat de travail de M. [J] à la date du 31 juillet 2018, avec préavis d'une durée de dix-huit semaines et paiement d'une indemnité de départ forfaitaire.
5. Le 22 octobre 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin qu'il constate que la société Unilever France était son employeur ou, à tout le moins, que les sociétés Unilever France et Unilever Turquie étaient des employeurs conjoints, et qu'il condamne solidairement les sociétés Unilever France et Unilever Turquie au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer la société Unilever Turquie hors de cause, d'accueillir l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Unilever Turquie et de le débouter de ses autres demandes, alors « qu'en application des dispositions de l'article 21 du règlement n° 1215/2012 dit Bruxelles I bis, un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant la juridiction d'un État membre du dernier lieu où le salarié a accompli habituellement son travail ; qu'en l'espèce, en écartant la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre quand il ressortait de ses propres constatations que M. [J] avait du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018 travaillé à Rueil-Malmaison avant la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il pouvait attraire la société turque devant le conseil de prud'hommes de Nanterre, nonobstant le fait qu'elle n'était pas domiciliée sur le territoire d'un État membre, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 21 du règlement n° 1215/2012 dit Bruxelles I bis. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 21 du règlement (UE) n° 1215/2012, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale :
7. Selon ce texte, un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail.
8. Pour accueillir l'exception d'incompétence territoriale, l'arrêt retient d'abord que le salarié invoque l'application de la clause d'attribution de compétence de l'avenant du 12 septembre 2017 en son article 14.3 qui n'est pas applicable dans le cadre de la rupture du contrat de travail avec la société Unilever Turquie.
9. L'arrêt relève ensuite que la société Unilever France n'est pas l'employeur ni le coemployeur du salarié mais l'entreprise d'accueil dans le cadre d'un détachement, que le contrat de travail a été conclu à [Localité 4] en Turquie par le salarié et Unilever Turquie, où l'employeur a son siège social, que le travail a été accompli pendant près de treize années en Turquie et pendant deux périodes de détachement au Royaume-Uni et en France, qu'il s'en déduit que vis-à-vis d'Unilever Turquie, le lieu d'accomplissement de l'essentiel du travail du salarié a été la Turquie et que les règles de compétence territoriale fixées à l'article R. 1412-1 du code du travail étendues à l'ordre international ne sont pas réunies, de sorte que la compétence des juridictions françaises ne peut être fondée sur ces règles.
10. Enfin, l'arrêt retient que le salarié a la double nationalité turque et britannique et qu'aucun élément d'extranéité ne permet de rattacher le litige qui l'oppose à la société Unilever Turquie à la France.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait exécuté son contrat de travail à Rueil-Malmaison au sein de la société Unilever France du 7 mars 2014 au 31 juillet 2018, date de la rupture du contrat de travail, en sorte que Rueil-Malmaison était le dernier lieu où le salarié avait accompli habituellement son travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. M. [J] fait grief à l'arrêt de dire qu'il était travailleur détaché par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France pendant la période du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018, d'accueillir l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Unilever France et de le débouter de ses autres demandes, alors :
« 1°/ qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que ''M. [J] se prévaut cependant du document du 10 juin 2014 qui présente l'apparence d'un contrat de travail à durée indéterminée chez Unilever France à compter du 1er mars 2014 en tant que « VP Finance France », document signé par le salarié et pour le compte d'Unilever France par M. [Z], « SVP Finance Europe »'' ; que, pour accueillir cependant l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Unilever France, la cour d'appel a retenu, d'une part, que ''M. [J] produit des bulletins de paie établis par la société Unilever France montrant qu'il a toujours été détaché, avec calcul de « cotisations détachées », un certificat de travail établi par Unilever France à la fin de son détachement indiquant qu'il a été employé par « notre société ou les sociétés au nom desquelles elle agit du 1er mars 1999 au 31 juillet 2018", retranscrivant en réalité l'expérience de M. [J] au sein de la société Unilever Turquie et dans le cadre des détachements dans des sociétés du groupe Unilever au Royaume-Uni et en France'', d'autre part, qu' ''il invoque des délégations de pouvoir en matière financière, classiques pour un directeur financier et indépendantes de l'existence ou non d'un contrat de travail avec la société Unilever France'' et qu' ''il n'est pas fondé à affirmer qu'au vu du niveau de son poste dans l'organigramme et de ses responsabilités, il ne pouvait avoir le statut de travailleur détaché, ce statut n'étant pas corrélé à un niveau de responsabilité moindre que celui de directeur financier'' et enfin qu' ''il fait valoir que l'avenant du 12 septembre 2017 lui a été transmis par Mme [I] occupant un poste de gestionnaire de paie d'Unilever France. Cependant, ce rôle de transmission est distinct d'un rôle de définition de la rémunération d'un cadre de haut niveau ainsi qu'en atteste Mme [B], directeur, le 2 février 2021 : « le nouveau cadre de rémunération et les nouveaux contrats ont été mis en place à l'échelle mondiale par Unilever pour les employés [...] comme M. [J] en 2017. Les documents contractuels ont été préparés selon un modèle global qui a été traité par les équipes des services de rémunération globale. Les responsables de paie nationaux étaient chargés d'expliquer ce nouveau cadre de rémunération et ce nouveau document contractuel aux employés situés dans leur pays de travail ainsi que de suivre les accords signés. Ce même cadre a été utilisé dans chaque pays ». Il s'en déduit que ce cadre de rémunération n'a pas été défini par la société Unilever France mais s'inscrivait dans une politique globale du groupe Unilever de gestion des cadres de haut niveau'', ce dont elle a déduit qu' ''au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Unilever France démontre que le contrat de travail invoqué par M. [J] avec elle a un caractère fictif'' ; qu'en se déterminant ainsi au regard des éléments de preuve produits aux débats par le salarié pour conclure à l'absence de lien de subordination juridique le liant à la société Unilever France, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ qu'en accueillant l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Unilever France, motifs pris du caractère fictif dudit contrat de travail, sans constater l'absence de directives émanant de la société Unilever France, d'un contrôle par celle-ci de la prestation de travail de M. [J] et d'un pouvoir de sanction des éventuels manquements de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en l'espèce, pour accueillir l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Unilever France, la cour d'appel a retenu que ''la société Unilever France indique que dans le cadre de la gestion des cadres à haut potentiel, le groupe Unilever encourage la mobilité et que tous les cadres accueillis en France font l'objet de l'établissement d'un document type récapitulant les conditions de la relation professionnelle entre le salarié et la société Unilever France dans le cadre du détachement'' et qu' ''à l'appui de cette affirmation, elle produit l'attestation en date du 11 février 2021 de M. [F], directeur des ressources humaines de la société Unilever France indiquant : ''ce document s'inscrit dans une démarche effectuée au regard de l'ensemble des salariés détachés en France, ce document a uniquement pour objet de récapituler les conditions d'emploi des salariés détachés en France, un tel document ne préjugeant en rien du rattachement en France, ce document s'accompagne également d'une lettre de mission « lettre d'affectation », ainsi que des documents similaires concernant un salarié détaché par la société Unilever Belgium NV/SA vers la société Unilever France comprenant une lettre d'affectation internationale et un document régularisé quelques mois plus tard récapitulant les conditions de la relation avec la société Unilever France dans le cadre du détachement en France'' ; qu'elle a alors ajouté que ''la société Unilever France fait valoir, à juste titre, que la volonté des parties a toujours été de s'inscrire dans le cadre d'un détachement par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France. Contrairement aux allégations de M. [J], le contrat de travail avec la société Unilever Turquie n'a pas été rompu pendant la période de son détachement en France du 1er mars 2014 jusqu'au 26 mars 2018, date de notification de la rupture avec préavis. En outre, M. [J] a lui même signé postérieurement au document du 10 juin 2014 deux avenants à sa lettre de détachement au sein de la société Unilever France afin d'en prolonger la durée : le 1er mars 2017 pour prolonger son affectation jusqu'au 28 février 2018 et le 9 avril 2018 pour prolonger son affectation jusqu'au 31 juillet 2018. Enfin, M. [J] a lui-même procédé aux démarches nécessaires auprès de la sécurité sociale turque et a communiqué postérieurement au document du 10 juin 2014 le certificat de sécurité sociale au service des ressources humaines de la société Unilever France par courriel du 11 juillet 2014 puis a ensuite confirmé son statut de salarié de la société Unilever Turquie détaché auprès de la société Unilever France en signant deux certificats de maintien au régime de sécurité sociale turc les 8 mai 2017 et 18 mai 2018'' et que ''la société Unilever France relève également que les parties ont réaffirmé leur volonté par la signature d'un avenant au contrat de travail de M. [J] en date du 12 septembre 2017, précisant que l'employeur est la société Unilever Turquie et que le pays d'accueil est la France, M. [J] précisant d'ailleurs, par mention manuscrite, qu'il souhaitait bénéficier du régime de retraite en place au sein d'Unilever Turquie. La relation de travail entre le salarié et la société Unilever Turquie a ainsi subsisté pendant la durée du détachement auprès de la société Unilever France'' ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un lien de subordination juridique caractérisé par des directives, un contrôle de celles-ci et l'exercice éventuel d'un pouvoir de sanction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que si un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, c'est à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; qu'en jugeant que M. [J] était travailleur détaché par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France pendant la période du 1er mars 2014 au 31 juillet 2018, sans rechercher si au cours de cette période, la société Unilever Turquie avait continué d'exercer un lien de subordination juridique sur M. [J] caractérisé par des directives, un contrôle de celles-ci et l'exercice éventuel d'un pouvoir de sanction, ce que M. [J] contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1262-1 et L. 1261-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1411-1, alinéa 1er, du code du travail :
13. Aux termes de ce texte, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
14. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 13 nov. 1996, pourvoi n° 94-13.187, Bull. V, n° 386, Société générale ; Soc., 27 septembre 2023, pourvoi n° 20-22.465, publié), le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.
15. Pour accueillir l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Unilever France, l'arrêt retient d'abord que le contrat de travail qui existait avec la société Unilever Turquie depuis le 1er mars 1999 a été modifié suite à l'affectation en France de M. [J] sans être rompu par l'employeur, que M. [J] se prévaut du document du 10 juin 2014 qui présente l'apparence d'un contrat de travail à durée indéterminée chez Unilever France à compter du 1er mars 2014 en tant que « VP Finance France », document signé par M. [J] et pour le compte d'Unilever France par M. [Z], « SVP Finance Europe », mais que la société Unilever France indique que, dans le cadre de la gestion des cadres à haut potentiel, le groupe Unilever encourage la mobilité et que tous les cadres accueillis en France font l'objet de l'établissement d'un document type récapitulant les conditions de la relation professionnelle entre le salarié et la société Unilever France dans le cadre du détachement, que la volonté des parties a toujours été de s'inscrire dans le cadre d'un détachement par la société Unilever Turquie auprès de la société Unilever France.
16. L'arrêt retient ensuite que M. [J] a lui-même procédé aux démarches nécessaires auprès de la sécurité sociale turque et a communiqué postérieurement au document du 10 juin 2014 le certificat de sécurité sociale au service des ressources humaines de la société Unilever France par courriel du 11 juillet 2014 puis a ensuite confirmé son statut de salarié de la société Unilever Turquie détaché auprès de la société Unilever France en signant deux certificats de maintien au régime de sécurité sociale turc les 8 mai 2017 et 18 mai 2018, que les parties ont réaffirmé leur volonté par la signature d'un avenant au contrat de travail de M. [J] en date du 12 septembre 2017, précisant que l'employeur est la société Unilever Turquie et que le pays d'accueil est la France, M. [J] précisant d'ailleurs, par mention manuscrite, qu'il souhaitait bénéficier du régime de retraite en place au sein d'Unilever Turquie, que M. [J] produit des bulletins de paie établis par la société Unilever France montrant qu'il a toujours été détaché, avec calcul de « cotisations détachés », un certificat de travail établi par Unilever France à la fin de son détachement indiquant qu'il a été employé par « notre société ou les sociétés au nom desquelles elle agit du 1er mars 1999 au 31 juillet 2018 », retranscrivant en réalité l'expérience de M. [J] au sein de la société Unilever Turquie et dans le cadre des détachements dans des sociétés du groupe Unilever au Royaume-Uni et en France.
17. L'arrêt relève en outre qu'il invoque des délégations de pouvoir en matière financière, classiques pour un directeur financier et indépendantes de l'existence ou non d'un contrat de travail avec la société Unilever France, que le cadre de rémunération n'a pas été défini par la société Unilever France mais s'inscrivait dans une politique globale du groupe Unilever de gestion des cadres de haut niveau.
18. La cour d'appel en a déduit que la société Unilever France démontrait que le contrat de travail invoqué par M. [J] avec elle avait un caractère fictif.
19. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'un contrat de travail apparent, par des motifs impropres à établir que la société Unilever France démontrait l'absence de lien de subordination avec M. [J], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne solidairement la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk et la société Unilever France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Unilever Sanayi Ve Ticaret Turk et la société Unilever France et les condamne solidairement à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.