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05/02/2025 | FRANCE | N°52500112

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2025, 52500112


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 février 2025








Cassation




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 112 F-D


Pourvoi n° M 23-11.533








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025


M. [D] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-11.533 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 112 F-D

Pourvoi n° M 23-11.533

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025

M. [D] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-11.533 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Imerys [Adresse 2], anciennement dénommée société Imerys Fused Minerals [Adresse 2], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B], de la SCP Boullez, avocat de la société Imerys [Adresse 2], après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er décembre 2022) et les productions, M. [B] a été engagé en qualité d'ouvrier polyvalent le 1er mai 2001 par la société Imerys Fused Minerals [Adresse 2] devenue Imerys [Adresse 2] (la société). La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des industries chimiques.

2. Le 28 mars 2018, un plan de sauvegarde de l'emploi comportant un plan de départ volontaire a été conclu par accord majoritaire et a été validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) le 20 avril 2018.

3. Le 15 mai 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail et a déposé un dossier de candidature de départ volontaire comprenant un projet de reconversion.

4. Par lettre du 28 juin 2018, la société lui a indiqué que, suite à l'entretien du même jour, il serait affecté à un poste en horaire de journée, en qualité de remplaçant polyvalent au secteur Finissage, à compter du 1er juillet 2018, le salarié ayant signé le jour même ce document en le faisant précéder de la mention « Bon pour accord ».

5. Le 7 janvier 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir à titre principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

6. Après que le médecin du travail l'a déclaré, le 8 janvier 2019, inapte à son poste et indiqué que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il a été licencié le 11 février suivant pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne rapportait pas la preuve d'un manquement suffisamment important de la société Imerys Fused Minerals [Adresse 2] de nature à empêcher la poursuite de l'exécution du contrat de travail, de le débouter de l'ensemble des demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande pour manquement à l'obligation de sécurité et de déloyauté, alors « que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ; que la lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus ; que l'employeur qui n'a pas respecté ces formalités prescrites par l'article L. 1222-6 du code du travail ne peut se prévaloir ni d'un refus ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [B] de sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a relevé que "le 28 juin 2018, il a été proposé à M. [B] d'occuper, à compter du 1er juillet suivant, un poste d'opérateur remplaçant polyvalent au secteur finissage, en horaire de journée, au même coefficient hiérarchique", qu' "il était prévu une réintégration partielle des primes dans son salaire de base pour un montant de 61 euros, portant la rémunération brute de base à 2115 euros et l'octroi d'une indemnité temporaire de dépostage dégressive sur 11 années, pour passer de 134,24 euros à 0 euro", et que "M. [B] a apposé sa signature au bas de ce document daté du 28 juin 2018, après la mention "bon pour accord", de sorte qu'il ne peut être considéré que cette modification relative à sa rémunération, intervenue pour motif économique et après négociations avec les partenaires sociaux, lui a été imposée par l'employeur" ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses constatations que le salarié avait signé la proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique lors de l'entretien au cours duquel l'employeur lui avait fait la proposition, ce dont il s'évinçait que l'employeur n'avait pas respecté son obligation d'adresser au salarié une lettre recommandée contenant la proposition de modification et laissant un délai d'un mois au salarié pour y répondre, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable.

9. Cependant, le moyen est de pur droit.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1222-6 du code du travail :

11. Aux termes de ce texte, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

12. Il en résulte que l'employeur qui n'a pas respecté ces formalités ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié.

13. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt, après avoir rappelé que la société s'était trouvée, au printemps 2018, au coeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi conclu par un accord majoritaire et validé par la DIRECCTE, retient que le 28 juin 2018, il a été proposé au salarié d'occuper, à compter du 1er juillet suivant, un poste d'opérateur remplaçant polyvalent au secteur finissage, en horaire de journée, au même coefficient hiérarchique et que conformément à l'accord paritaire du 26 mars 2018 et afin de limiter l'impact financier engendré par la modification de cet horaire de travail, il était prévu une réintégration partielle des primes dans son salaire de base pour un montant de 61 euros, portant la rémunération brute de base à 2115 euros et l'octroi d'une indemnité temporaire de dépostage dégressive sur onze années, pour passer de 143,24 euros à 0 euro.

14. Il relève ensuite que le salarié a apposé sa signature au bas de ce document daté du 28 juin 2018, après la mention « bon pour accord », de sorte qu'il ne peut être considéré que cette modification relative à sa rémunération, intervenue pour motif économique et après négociation avec les partenaires sociaux, lui a été imposée par l'employeur et ajoute que si, dès le lendemain, il a émis des réserves, il n'est toutefois jamais expressément revenu sur son accord.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la modification du contrat de travail était intervenue pour motif économique, ce dont il résultait que l'employeur qui n'avait pas soumis au salarié une proposition de modification du contrat de travail en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, ne pouvait se prévaloir de l'acceptation de cette modification, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire, alors :

« 1°/ que l'accord du 10 août 1978 portant révision des classifications attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 prévoit une majoration de salaire pour les chefs d'équipe ; qu'en l'espèce, en déboutant M. [B] de sa demande de rappel de salaire, au motif qu'il ne démontrait pas qu'il avait occupé, de manière pérenne, le poste de chef d'équipe ouvrant droit à la majoration prévue par la convention collective, quand l'attribution de la prime n'est pas subordonnée à une attribution pérenne des fonctions de chef d'équipe, la cour d'appel a violé les dispositions de l'accord du 10 août 1978 portant révision des classifications attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 ;

2°/ que l'accord du 10 août 1978 portant révision des classifications attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 prévoit une majoration de salaire pour les chefs d'équipe ; qu'en l'espèce, en déboutant M. [B] de sa demande de rappel de salaire, au motif qu'il ne démontrait pas qu'il avait occupé, de manière pérenne, le poste de chef d'équipe ouvrant droit à la majoration prévue par la convention collective, quand il ressortait de ses propres constatations que M. [B] versait "aux débats les attestations de plusieurs salariés qui indiquent qu'il a été leur chef de poste remplaçant entre 2013 et fin 2017 puis le chef de poste de décembre 2017 à mai 2018" et que M. [B] avait remplacé le chef de poste titulaire "durant les cinq premiers mois de l'année 2018", ce dont il s'évinçait que M. [B] remplaçait systématiquement le chef de poste lorsque celui-ci était absent et que, de fait, il était chef de poste remplaçant, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail et 1104 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'avenant n° 1 à l'accord du 10 août 1978 portant révision des classifications, rattaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 :

17. Aux termes de ce texte, le chef d'équipe est l'ouvrier qui, tout en travaillant, assure la conduite d'une équipe sans assumer les responsabilités ni les attributions d'un agent de maîtrise. Il perçoit en plus du salaire correspondant à sa qualification personnelle, une majoration de 10% lorsque l'équipe est composée habituellement de cinq personnes au plus (chef d'équipe compris) et de 15% lorsqu'elle comprend habituellement plus de cinq personnes. Le salaire ainsi majoré pour ce chef d'équipe ne peut être inférieur au salaire le plus élevé des ouvriers de son équipe habituelle.

18. Pour débouter le salarié de sa demande au titre du rappel de salaire, l'arrêt retient d'abord que ses remplacements sur le poste de chef de poste titulaire se sont comptés en jours au cours de l'année 2017 et, durant les cinq premiers mois de l'année 2018, le remplacement du chef de poste titulaire alors en arrêt maladie a duré quelques semaines seulement, alors même que le salarié était lui-même en arrêt maladie.

19. Il retient ensuite que, pour la période précédente de 2013 à 2017, le salarié a été chef de poste remplaçant au milieu d'autres postes puisque son statut d'ouvrier polyvalent remplaçant le conduisait à intervenir sur divers postes au finissage.

20. Il en déduit que le salarié ne démontre pas qu'il a occupé, de manière pérenne, le poste de chef d'équipe.

21. En statuant ainsi, alors que l'accord ne prévoit pas de condition de pérennité des fonctions de chef d'équipe pour le bénéfice de la majoration de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne la cassation du chef de dispositif le déboutant de sa demande pour manquement à l'obligation de sécurité et de loyauté qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Imerys [Adresse 2] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Imerys [Adresse 2] et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500112
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 01 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2025, pourvoi n°52500112


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500112
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