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30/01/2025 | FRANCE | N°22500087

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 30 janvier 2025, 22500087


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 30 janvier 2025








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 87 F-D


Pourvoi n° M 22-23.052






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025




L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1]...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 87 F-D

Pourvoi n° M 22-23.052

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-23.052 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la [5] ([5]), société coopérative, dont le siège est [Adresse 6], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de [Localité 4], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société [5], après débats en l'audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 septembre 2022), la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 4] (l'URSSAF), a calculé, à compter de l'année 2011, le montant de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés due par la société [5] (la société), sur la base de son chiffre d'affaires total.

2. Ayant vainement réclamé la restitution d'une partie de cette contribution qu'elle estimait indue, la société a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et sixième branches

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société une certaine somme au titre de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, alors :

« 1°/ que l'application de l'assiette réduite de la contribution sociale de solidarité des sociétés est subordonnée à la démonstration, par le cotisant, de ce qu'il a la qualité d'intermédiaire mentionné au V de l'article 256 du code général des impôts, c'est-à-dire de ce qu'il agit en son nom propre mais pour le compte d'autrui lorsqu'il s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société regroupait les commandes de ses adhérents, contractait avec le fournisseur, se faisait livrer la marchandise, répercutait l'achat auprès des adhérents en procédant à une ventilation de la facture à l'euro près, puis calculait le montant de la cotisation due pour la couvrir de ses frais de gestion ; qu'elle a constaté que la comptabilité de la société ne faisait pas la preuve qu'elle n'agissait pas « pour son compte » alors qu'elle comptabilisait toutes ses opérations par le débit et le crédit de comptes de résultat (achat ou vente) et qu'en l'absence de mandat préalable exprès, les opérations incriminées pouvaient être analysées comme un mandat de procéder à des achats groupés, dans l'intérêt des coopérateurs adhérents, « pour leur revendre sans perte ni profit », conformément à l'objet social ; qu'en faisant droit à sa demande de remboursement de la C3S 2011 lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la société ne pouvait prétendre à la qualité d'intermédiaire opaque, la cour d'appel a violé les articles L. 651-5, alinéa 2 du code de la sécurité sociale, 256. V et 273 octies du code général des impôts précités, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige à la date d'exigibilité des cotisations, le deuxième dans sa version issue de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, le troisième dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2007 ;

2°/ que l'application de l'assiette réduite de la contribution sociale de solidarité des sociétés est subordonnée à la démonstration, par le cotisant, de l'existence d'un mandat préalablement conclu au titre de l'année retenue pour déterminer le chiffre d'affaires assujetti à la contribution litigieuse, et de ce qu'il ne devient jamais propriétaire des biens dont il assure la commercialisation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société ne prouvait ni l'existence d'un mandat d'entremise préalable ni qu'elle ne devenait jamais propriétaire des marchandises achetées ; qu'en faisant néanmoins droit à sa demande de remboursement de la C3S 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 651-5, alinéa 2 du code de la sécurité sociale et 273 octies du code général des impôts précités, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige à la date d'exigibilité des cotisations, le second dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2007 ;

4°/ que l'application de l'assiette réduite de la contribution sociale de solidarité des sociétés est subordonnée à la démonstration, par le cotisant, non seulement de l'existence d'un mandat préalablement conclu, mais aussi de ce qu'il a la qualité d'intermédiaire agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, et de ce qu'il ne devient jamais propriétaire des biens dont il assure la commercialisation ; que pour faire droit à la demande de remboursement de la C3S 2011, la cour d'appel a retenu que par décision du 28 novembre 1996, la caisse [3] avait admis que le mandat était implicitement contenu dans l'objet social, que par décision du 22 avril 2010, l'organisme était revenu sur cette décision et avait changé de doctrine, que son revirement reposait sur le défaut de mandat préalable de commissionnaire qui ne pouvait désormais se déduire du seul objet social alors que l'organisme admettait depuis 1996 la possibilité pour la société de se prévaloir d'un mandat implicite contenu dans l'objet social, que cette décision du 22 avril 2010 ne pouvait s'appliquer rétroactivement à la C3S de 2011 faute pour la société d'avoir bénéficié d'un délai de prévenance suffisant pour adapter son organisation à la nouvelle doctrine et pu établir l'existence d'un mandat préalable ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants dès lors qu'indépendamment de la question du changement de doctrine concernant le mandat préalable, la société, qui n'avait pas prouvé qu'elle avait la qualité d'intermédiaire agissant pour le compte d'autrui, ni qu'elle ne devenait jamais propriétaire des biens, ne remplissait pas les conditions légales pour bénéficier de l'assiette réduite de la contribution, la cour d'appel a violé les articles L. 651-5, alinéa 2 du code de la sécurité sociale et 273 octies du code général des impôts précités, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige à la date d'exigibilité des cotisations, le second dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2007 ;

6°/ qu'une caisse est en droit de modifier sa doctrine concernant les bases de calcul de la contribution de façon non rétroactive ; que tel est le cas lorsque ce changement de doctrine intervient avant le fait générateur de la contribution ; que le fait générateur de la C3S est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due ; que l'assiette de la contribution est le chiffre d'affaires réalisé l'année précédant celle au titre de laquelle elle est due ; qu'en jugeant que la décision du 22 avril 2010 du RSI, qui modifiait sa doctrine antérieure et la détermination des bases de la contribution, ne pouvait s'appliquer à la C3S de 2011 sans être rétroactive, lorsque le changement de doctrine de la caisse était intervenu le 22 avril 2010, soit avant le fait générateur de la C3S de 2011 constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier 2011, et avant que l'assiette de la C3S de 2011, constituée par le chiffre d'affaires de l'année 2010, soit définitivement fixée à la date du 1er janvier 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 651-3 et L. 651-5, alinéa 2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance de 2010-462 du 6 mai 2010, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige à la date d'exigibilité des cotisations. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 651-3, L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, 256, V, et 273 octies du code général des impôts, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, le deuxième dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, le troisième dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, applicables à la date d'exigibilité des contributions, et le quatrième dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2007 :

4. Il résulte de la combinaison des trois derniers textes que seules les opérations d'entremises réalisées, en vertu d'un mandat préalablement conclu, par les personnes, mentionnées à l'article 256, V, du code général des impôts, qui ne deviennent jamais propriétaires des biens dont ils assurent la commercialisation et qui sont rémunérées exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services, ouvrent droit au bénéfice de la diminution d'assiette de la contribution sociale de solidarité.

5. Selon le premier, la contribution sociale de solidarité est annuelle. Son fait générateur est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due.

6. Pour condamner l'URSSAF à rembourser partiellement à la société la contribution sociale de solidarité acquittée au titre de l'année 2011, l'arrêt retient en substance que, par décision du 28 novembre 1996, la caisse [3] avait accordé aux centrales d'achat du groupe [2] le bénéfice de l'assiette réduite de la contribution sociale de solidarité et que si la caisse du Régime social des indépendants est revenue sur cette décision, par une lettre du 22 avril 2010, ce changement de doctrine ne peut produire effet relativement à la contribution exigible en 2011 en ce que son assiette est le chiffre d'affaires réalisé en 2010.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la caisse du régime social des indépendants avait averti la société de son changement de doctrine antérieurement au fait générateur de la contribution sociale de solidarité due au titre de l'année 2011 et que la société était défaillante à rapporter la preuve d'un mandat préalable et qu'elle ne devenait jamais propriétaire des marchandises, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société [5] de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société [5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [5] et la condamne à payer à l'URSSAF de [Localité 4] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500087
Date de la décision : 30/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 septembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 30 jan. 2025, pourvoi n°22500087


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500087
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