LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 84 F-D
Pourvoi n° E 22-24.173
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-24.173 contre l'arrêt n° RG : 20/01885 rendu le 13 octobre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 23 juillet 2024,
2°/ à la société [5], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de MM. [W] [Y] ou [F] [N], en qualité d'administrateur de la société [6],
3°/ à la société [4], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [T] [M] et Mme [E] [Z], en qualité de mandataire judiciaire de la société [6],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société [6], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à l'URSSAF de Rhône-Alpes de la reprise de l'instance initialement engagée contre la société [6], placée en redressement judiciaire par un jugement du 23 juillet 2024, contre la société [5], prise en la personne de MM. [Y] ou [N], en qualité d'administrateur judiciaire, et la société [4], prise en la personne de M. [M] et Mme [Z], en qualité de mandataire judiciaire.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 octobre 2022), la société [6] (la société) ayant eu recours au travail de plusieurs personnes sans respecter les règles relatives à la déclaration de leur emploi, les services de gendarmerie ont établi à son encontre des procès-verbaux constatant des infractions de travail dissimulé. L'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a adressé en conséquence à la société une lettre d'observations du 3 octobre 2016 portant sur la période vérifiée du 1er mars 2011 au 30 octobre 2014 et l'informant de ce qu'elle envisageait de porter à 40 % la majoration de redressement de cotisations pour travail dissimulé, sur le fondement de l'article L. 243-7-7, I, du code de la sécurité sociale, suivie d'une mise en demeure du 13 décembre 2016.
3. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la majoration de redressement complémentaire appliquée pour l'emploi dissimulé de travailleurs roumains, de dire que le taux de majoration applicable était de 25 % et de réduire en conséquence le montant de la condamnation de la société, alors « que la majoration au taux de 40 % des cotisations redressées en cas de travail dissimulé est encourue lorsque l'une des quatre causes aggravantes envisagées à l'article L. 8224-2 du code du travail est constituée ; que la commission de l'infraction de travail dissimulé à l'égard de plusieurs personnes constitue l'une de ces causes aggravantes ; qu'en l'espèce, l'URSSAF a appliqué cette majoration au redressement opéré du chef du travail dissimulé concernant plusieurs travailleurs roumains, infraction dont la cour d'appel a relevé la réalité ; qu'en retenant, pour invalider le redressement de ce chef, que seuls seraient susceptibles de justifier la majoration au taux de 40 % l'emploi d'un mineur soumis à obligation scolaire, l'emploi d'une personne vulnérable ou en état de dépendance dès lors que cet état est apparent ou connu de l'auteur et la dissimulation d'emploi pratiquée en bande organisée, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-7, I du code de la sécurité sociale et L. 8224-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif.
6. Selon l'article L. 243-7-7, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, la majoration du montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement en cas de constat de l'infraction de travail dissimulé est portée à 40 % dans les cas mentionnés à l'article L. 8224-2 du code du travail.
7. Les dispositions de l'article L. 243-767, I, du code de la sécurité sociale précitées sont entrées en vigueur le 25 décembre 2014.
8. Il en résulte que la majoration de 40 % n'était pas applicable aux redressements de cotisations consécutifs à des faits matériels de travail dissimulé qui ont été commis antérieurement au 25 décembre 2014.
9. Par ce motif de pur droit substitué à celui critiqué, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision qui retient que le taux de majoration des cotisations applicable était de 25 % se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [6], représentée par la société [5], en qualité d'administrateur de la société [6], et par la société [4], en qualité de mandataire judiciaire de la société [6], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.