LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 13 F-D
Pourvoi n° J 23-19.857
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JANVIER 2025
M. [W] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-19.857 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant à l'ordre des avocats du barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mai 2023), le 18 avril 2018, M. [P], avocat, invoquant des dysfonctionnements et manquements du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris à l'occasion d'une procédure disciplinaire diligentée à son encontre à l'initiative du bâtonnier de l'ordre, a, sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, assigné cet ordre en indemnisation des préjudices subis.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. [P] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :
« 1°/ que, si l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, l'action indemnitaire en réparation des dommages causés par le détournement des attributions du conseil de discipline de l'ordre des avocats ne peut qu'être engagée à l'encontre dudit ordre des avocats ; qu'en affirmant, pour dire que l'ordre des avocats n'avait pas qualité à défendre, que "la circonstance que les fautes lourdes alléguées constitueraient un détournement par l'ordre des avocats des attributions du bâtonnier et des membres du conseil de l'ordre en matière disciplinaire est inopérante à écarter l'application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire dès lors que c'est à l'occasion de l'exercice de ces attributions, dont la régularité est soumise au contrôle des instances judiciaires, que la procédure disciplinaire critiquée a été mise en oeuvre", la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 1240 du code civil ;
2°/que, dans ses conclusions d'appel, M. [P] faisait expressément valoir que des fautes avaient été commises par le conseil de l'ordre indépendamment de la procédure disciplinaire engagée à son encontre ; qu'il se fondait notamment sur l'existence de faits démontrant une concertation fautive au sein des instances de l'ordre, sur des fautes du bâtonnier antérieures à l'ouverture de la procédure disciplinaire et sur des fautes du rapporteur de l'enquête déontologique qui précède l'ouverture de la procédure disciplinaire ; que pour dire que le conseil de l'ordre n'avait pas qualité à défendre dans la mesure où l'action de M. [P] relevait du régime de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'arrêt retient que M. [P] n'invoquait que "des fautes lourdes de l'ordre des avocats du barreau de Paris au titre de l'ouverture et du déroulement de l'ensemble des étapes de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre à l'initiative du bâtonnier en sa qualité d'autorité de poursuite, ayant donné lieu à la saisine du conseil de l'ordre en sa formation disciplinaire" ; qu'en se déterminant ainsi sans répondre précisément au moyen tiré de l'invocation de dysfonctionnements attribués au conseil de l'ordre indépendamment de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
4. Ces dispositions sont applicables à la réparation d'un préjudice causé par l'activité des instances disciplinaires de l'ordre des avocats dont les décisions sont susceptibles d'un recours devant la juridiction judiciaire et sont exclusives d'une action indemnitaire contre l'ordre des avocats.
5. Dès lors qu'elle a retenu que M. [P] invoquait des fautes commises à l'occasion de la procédure disciplinaire dont il avait fait l'objet, la cour d'appel, répondant au moyen prétendument délaissé, en a exactement déduit que le conseil de l'ordre n'avait pas qualité à défendre au titre d'une action relevant de la mise en oeuvre de la responsabilité du fait de l'Etat.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq et signé par lui, par Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et par Mme Ben-Belkacem, greffier de chambre, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.