La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2025 | FRANCE | N°C2500081

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 janvier 2025, C2500081


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° F 24-81.153 F-B


N° 00081




RB5
28 JANVIER 2025




CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 JANVIER 20

25






M. [IT] [P], les sociétés [P] [3] et [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 8 janvier 2024, qui, pour infractions au code de l'envi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 24-81.153 F-B

N° 00081

RB5
28 JANVIER 2025

CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 JANVIER 2025

M. [IT] [P], les sociétés [P] [3] et [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 8 janvier 2024, qui, pour infractions au code de l'environnement, a condamné le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, la deuxième, à 150 000 euros d'amende, un an d'exclusion des marchés publics, la fermeture définitive d'un site, avec exécution provisoire, la troisième, à 100 000 euros d'amende, un an d'exclusion des marchés publics avec exécution provisoire, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [IT] [P] et des sociétés [P] [3] et [2], les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société [1], MM. [G] [X], [Y] [I] [LJ], [L] [W], [RP] [N], [D] [B], [XG] [R], [YT] [HP], [KP] [PM], [LT] [MM], [S] [AG], [JM] [SJ], [C] [GW] et [YT] [JW], Mmes [FT] [YJ], [VT] [H], épouse [N], [UG] [XP], épouse [B], [V] [J], [ZM] [Z], [UP] [M], épouse [F], [EP] [VJ], épouse [HP], [O] [T], veuve [NP], [E] [DW], épouse [MM], [BX] [K], épouse [AG], [TM] [OT] et [A] [U], épouse [GW], et la commune de [Localité 7], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [IT] [P] est le gérant des sociétés [P] [3] ([3]) et [2] ([2]), spécialisées dans le traitement des déchets.

3. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a relevé à leur encontre diverses infractions à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

4. M. [P], ainsi que les sociétés [3] et [2], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs d'exploitation d'une ICPE sans autorisation, non enregistrée et non conforme à une mise en demeure.

5. Le tribunal a déclaré les prévenus coupables des faits leur étant reprochés.

6. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, le quatrième moyen, pris en sa première branche, le cinquième moyen, pris en sa première branche, et le sixième moyen

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] et la société [3] coupables d'avoir commis le délit d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement sans autorisation sur la commune de [Localité 5], alors « que le délit de l'article L. 173-1, § 1, 3°, du code de l'environnement ne peut être imputé qu'à la personne qui exploite l'installation classée sans les autorisations, enregistrement ou déclarations idoines ; que les prévenus ont été poursuivis pour avoir entreposer des déchets verts sur une parcelle agricole située sur la commune de [Localité 4], pour laquelle elle ne disposait d'aucune autorisation préfectorale au titre des ICPE ; que les prévenus alléguaient en appel qu'ils n'étaient pas les exploitants de ce site, dès lors qu'il était exploité par un agriculteur qui avait souhaité bénéficier de déchets verts en tant que fertilisants ; qu'en rejetant ce moyen de défense, aux motifs inopérants que les prévenus étaient les instigateurs du transfert de déchets verts sur l'exploitation de l'agriculteur et qu'ils savaient que l'épandage était soumis à des conditions spécifiques, ce qui ne remettait pas en cause le fait que les prévenus n'étaient pas les exploitants du site sur lequel les déchets ont été stockés, le seul exploitant de ce site étant l'agriculteur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 511-1, L. 173-1, § I, 3°, du code de l'environnement et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour déclarer M. [P] et la société [3] coupables d'exploitation d'une ICPE sans autorisation l'arrêt attaqué énonce que le premier nommé a admis avoir fait évacuer, par la société [3], 2 500 m³ de déchets verts en provenance d'une ICPE exploitée par la société [2] vers une parcelle exploitée par un agriculteur tiers, afin d'être en règle lors d'un contrôle, annoncé par la DREAL, du site de l'ICPE.

10. Les juges relèvent que le prévenu ne peut prétexter que ces déchets ne sont plus sur le site qu'il exploite pour échapper à la responsabilité résultant d'une infraction dont il est l'instigateur.

11. Ils ajoutent que M. [P] admet que, si une partie des déchets a été transportée par l'agriculteur tiers, le déplacement du surplus a été opéré par la société [3], ce qui révèle une participation active de cette personne morale à l'élément matériel de l'infraction.

12. Ils observent que M. [P] reconnaît qu'il aurait dû vérifier que l'agriculteur avait une autorisation d'épandage et, en sa qualité de professionnel connaissant la réglementation, qu'il devait s'assurer que l'évacuation de ces déchets était conforme aux prescriptions administratives.

13. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte que les prévenus, qui exercent effectivement, à titre professionnel, une activité économique, ont exploité de fait, en y transférant des déchets, une ICPE dépourvue d'autorisation, la cour d'appel a justifié sa décision.

14. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, et le cinquième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé des moyens

15. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [2] à payer une amende de 100 000 euros et a ordonné à son encontre, à titre de peine complémentaire, l'exclusion des marchés publics pour une durée d'un an, alors :

« 2°/ que selon l'article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale, les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision ; que l'article 131-10 du code de procédure pénale, auquel l'article précité renvoie, vise les interdictions concernant les personnes physiques ; qu'il s'en déduit que l'article 471, alinéa 4, précité ne permet pas l'exécution provisoire des interdictions qui sont prononcées à titre de peine complémentaires à l'encontre des personnes morales ; que dès lors en ordonnant l'exécution provisoire de l'interdiction de candidater à un marché, la cour d'appel a méconnu l'article 471 du code de procédure pénale. »

16. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [3] à payer une amende de 150 000 euros et a ordonné à son encontre, à titre de peines complémentaires, l'exclusion des marchés publics pour une durée d'un an et la fermeture définitive de son site de [Localité 6] et a ordonné l'exécution provisoire de ces peines complémentaires, alors :

« 2°/ que selon 471 alinéa 4 du code de procédure pénale, les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision ; que l'article 131-10 du code de procédure pénale vise les interdictions concernant les personnes physiques ; qu'il s'en déduit que l'article 471, alinéa 4, précité ne permet pas l'exécution provisoire des interdictions concernant les personnes morales ; que dès lors en ordonnant l'exécution provisoire de l'interdiction de candidater à un marché et de la fermeture définitive du site de [Localité 6], la cour d'appel a méconnu l'article 471 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

17. Les moyens sont réunis.

Vu l'article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale :

18. Aux termes de ce texte, les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision.

19. Il résulte de ces dispositions, en ce qu'elles ne visent pas l'article 131-39 du même code, que les peines prononcées à l'encontre des personnes morales en application de ce dernier texte ne peuvent être assorties de l'exécution provisoire.

20. En ordonnant l'exécution provisoire des peines d'exclusion des marchés publics et de fermeture définitive d'un site à l'encontre de la société [3], ainsi que, à l'encontre de la société [2], de celle d'exclusion des marchés publics, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.

21. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

22. La cassation aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

23. La déclaration de culpabilité de M. [P] et des sociétés [3] et [2] devenant définitive, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes formées en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 8 janvier 2024, en ses seules dispositions ayant ordonné l'exécution provisoire des peines prononcées à titre complémentaire à l'encontre des sociétés [3] et [2], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [IT] [P], les sociétés [P] [3] et [2] devront payer aux parties représentées, aux termes du mémoire en défense rectificatif déposé le 30 septembre 2024, par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [IT] [P], les sociétés [P] [3] et [2] devront payer à la commune de [Localité 7] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500081
Date de la décision : 28/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation par voie de retranchement sans renvoi

Analyses

PEINES - Prononcé - Exécution provisoire - Domaine d'application - Peines prononcées à l'encontre des personnes morales en application de l'article 131-39 du code pénal - Exclusion

Les dispositions de l'article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale ne visant pas l'article 131-39 du code pénal, les peines prononcées à l'encontre des personnes morales en application de ce dernier texte ne peuvent pas être assorties de l'exécution provisoire


Références :

Article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale

article 131-39 du code pénal.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 08 janvier 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jan. 2025, pourvoi n°C2500081


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500081
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award