La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/01/2025 | FRANCE | N°52500038

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2025, 52500038


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 janvier 2025








Cassation partielle et rectification d'erreur matérielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 38 F-D


Pourvoi n° Z 23-19.595


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide ju

ridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2025

Cassation partielle et rectification d'erreur matérielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 38 F-D

Pourvoi n° Z 23-19.595

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025

M. [P] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-19.595 contre deux arrêts rendus les 20 janvier 2023 et 17 mars 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à la société Madic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Madic a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Madic, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont , greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 20 janvier 2023 et 17 mars 2023), M. [Z] a été engagé en qualité de « technicien CES », par la société Madic, suivant contrat de travail du 21 octobre 2010.

2. Le 15 juin 2017, le salarié a été licencié.

3. Le 21 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié et sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de confirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation du salarié à lui payer une certaine somme au titre de sa demande reconventionnelle en remboursement des frais professionnels indus par le salarié, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé dans ses motifs que la demande reconventionnelle de l'employeur au titre des frais professionnels devait être rejetée ; qu'en confirmant pourtant en toutes ses dispositions le jugement entrepris qui avait "condamné M. [Z] à verser à la SAS Madic la somme de 1 000 euros au titre de remboursement des frais professionnels versés de manière injustifiée", la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert d'un grief tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt, le moyen dénonce en réalité une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déféré cet arrêt dont la rectification sera ci-après ordonnée.

7. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt du 20 janvier 2023, tel que rectifié par l'arrêt du 17 mars 2023, de rejeter ses demandes en paiement à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, de congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé et d'indemnité pour frais irrépétibles, alors « que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif tel qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel énonce qu'il résulte de la note d'explication permettant de remplir les relevés hebdomadaires par chaque salarié itinérant que la journée de travail se décompose en quatre temps : temps de trajet (pour se rendre du lieu d'hébergement à l'agence ou au chantier, et vice versa), temps de route (temps pour se déplacer entre deux chantiers), temps de travail outil en main, temps de repas du midi (minimum une heure d'arrêt), qu'il est précisé que le temps de trajet aller ou retour ne doit pas dépasser 45 minutes, sinon l'excédent est décompté en temps de route et que les temps de route tel que définis ci-dessus et les temps de travail sur site sont qualifiés de temps travail effectif dans l'entreprise ; qu'elle ajoute que les relevés remplis toutes les semaines par M. [Z] correspondent à ces consignes notamment s'agissant du calcul des temps de trajet dépassant 45 minutes et des temps de pause et qu'aucun élément, ni aucune des pièces susvisées ne permet de considérer que les temps de trajet inférieurs à 45 minutes soient du temps de travail effectif, le salarié ne démontrant pas par les mails susvisés qu'il était lui-même empêché de vaquer librement à ses occupations durant cette période, de sorte que seuls les temps de trajet qualifiés par l'employeur de ''temps de travail outil en main'' et ''temps de route'' en ce compris l'excédent des temps de trajet dépassant 45 minutes sont du temps de travail effectif donnant droit à rémunération au titre des heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que, selon l'employeur, M. [Z] est un salarié itinérant qui utilise un véhicule de fonction mis à sa disposition à titre professionnel pour se rendre sur son secteur d'activité, lequel comprend tout le sud-est de la France, qu'il est soumis un système de géolocalisation et qu'il peut être contraint de prendre une chambre d'hôtel lorsque le dernier lieu d'intervention est éloigné de plus de 100 km ou une heure de son domicile, la cour d'appel, qui a statué par des motifs insuffisants à établir que, pendant les temps de déplacement, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l'employeur, qu'il ne se conformait pas à ses directives et qu'il pouvait vaquer librement à des occupations personnelles, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail :

9. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

10. Selon le second, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

11. Il résulte de ces textes que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code.

12. Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt relève qu'il résulte de la note d'explication permettant de remplir les relevés hebdomadaires par chaque salarié itinérant que la journée de travail se décompose entre quatre temps : temps de trajet (pour se rendre du lieu d'hébergement à l'agence ou au chantier, et vice versa), temps de route (temps pour se déplacer entre deux chantiers), temps de travail outil en main, temps de repas du midi (minimum une heure d'arrêt), qu'il est précisé que le temps de trajet aller ou retour ne doit pas dépasser 0,75 heure (ce qui correspond à 45 minutes), sinon l'excédent est décompté en temps de route et que les temps de route tels que définis ci-dessus et les temps de travail sur site sont qualifiés de temps de travail effectif dans l'entreprise.

13. Il ajoute que les relevés remplis toutes les semaines par le salarié correspondent à ces consignes notamment s'agissant du calcul des temps de trajet dépassant 45 minutes et des temps de pause.

14. Il relève qu'aucun élément, ni aucune des pièces ne permet de considérer que les temps de trajet inférieurs à 0,75 heure (45 minutes) soient du temps de travail effectif, le salarié ne démontrant pas par les mails produits qu'il était lui-même empêché de vaquer librement à ses occupations durant ces périodes.

15. Il retient que seuls les temps qualifiés par l'employeur de « temps de travail outil en main » et « temps de route » en ce compris l'excédent des temps de trajets dépassant 0,75 heure, sont du temps de travail effectif donnant droit, le cas échéant, à une rémunération au titre des heures supplémentaires et qu'il convient de rejeter la demande en rappel de salaire en l'absence d'heures supplémentaires effectuées par le salarié.

16. En se déterminant ainsi, sans vérifier les conditions effectives d'accomplissement des trajets litigieux, alors qu'elle avait constaté que le salarié itinérant utilisait, pour se rendre sur son secteur d'intervention, un véhicule de service, équipé d'un système de géolocalisation, qui n'était pas un système de surveillance du travail mais d'optimisation des interventions auprès des clients dans une activité réglementée, et qu'il pouvait être contraint de dormir à l'hôtel lorsque le dernier lieu d'intervention était éloigné de plus de cent kilomètres ou une heure de son domicile, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

17. L'employeur fait grief aux arrêts de confirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation du salarié à lui payer une certaine somme au titre de sa demande reconventionnelle de remboursement des frais professionnels indus par le salarié, alors « que la responsabilité pécuniaire du salarié résultant de sa faute lourde n'est pas une condition du remboursement par ce dernier des sommes indûment perçues au titre de frais professionnels injustifiés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les remboursements de frais opérés du 16 mars au 11 mai 2017 par l'employeur étaient indus ; qu'en écartant la demande de remboursement des frais professionnels indus formée par l'employeur, au motif que le salarié n'engage sa responsabilité civile à l'égard de son employeur que pour faute lourde et qu'en l'espèce il avait été licencié pour faute grave, la cour d'appel a violé les articles 1235 devenu 1302, 1376 devenu 1302-1 et 1377 devenu 1302-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

18. Il résulte de ces textes que tout paiement suppose une dette, que ce qui a été payé sans être dû est sujet à restitution et que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

19. Pour débouter l'employeur de sa demande en remboursement au titre de frais professionnels, l'arrêt retient que s'agissant des déclarations de frais pour la période du 16 mars 2017 au 11 mai 2017, la cour a jugé que la faute du salarié était caractérisée ce qui signifie que les remboursements de frais opérés par la société étaient indus. Il ajoute que, cependant, il est de jurisprudence constante que le salarié n'engage sa responsabilité civile à l'égard de son employeur que pour faute lourde laquelle doit résulter d'une faute caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur. Il constate que le salarié a été licencié pour faute grave et conclut que la demande en remboursement formée à son encontre sera donc rejetée.

20. En statuant ainsi, alors que l'absence de faute lourde imputable au salarié ne fait pas obstacle à la demande en répétition de l'indu formée par l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

RÉPARANT l'erreur matérielle affectant le dispositif des arrêts rendus le 20 janvier 2023 et le 17 mars 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, remplace « Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 27 mars 2019 » par « Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 27 mars 2019, sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] à verser à la société Madic la somme de 1 000 euros au titre du remboursement des frais professionnels versés de manière injustifiée » ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils rejettent les demandes de M. [Z] en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et d'une indemnité pour travail dissimulé, en ce qu'ils rejettent la demande de la société Madic au titre du remboursement des frais professionnels indus et en ce qu'ils statuent sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 20 janvier 2023 et le 17 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ci-dessus rectifiés ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés et rectifiés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500038
Date de la décision : 15/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 20 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2025, pourvoi n°52500038


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Poupet & Kacenelenbogen

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500038
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award