LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 30 F-D
Pourvoi n° C 23-16.286
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
M. [C] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-16.286 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Géonomie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Géonomie, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mars 2023), M. [U] a été engagé en qualité de chargé d'études en environnement, le 17 septembre 2001, par la société Géonomie.
2. Le 28 février 2018, le salarié a démissionné puis a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa démission est claire et sans équivoque et qu'elle ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter de l'intégralité de ses demandes de ces chefs, alors « que le défaut de paiement du salaire et notamment des heures supplémentaires caractérise un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail, justifiant la rupture à ses torts exclusifs ; qu'il résulte des propres constatations de la cour que le salarié n'avait pas été rémunéré pour ses heures supplémentaires effectuées de juin 2015 à décembre 2017 à hauteur d'une somme qu'elle a évaluée souverainement à 8 000 euros ; qu'en énonçant qu'il est fait droit pour partie à la demande en paiement des heures supplémentaires tout en s'abstenant cependant d'apprécier la gravité de ce manquement et en ne recherchant pas s'il était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1231-1 et L. 1231-7 du code du travail :
5. Il résulte de ces textes que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail.
6. Pour dire que la démission du salarié est claire et sans équivoque et rejeter la demande en requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate que le salarié a adressé un courrier à son employeur en soutenant qu'il se trouvait dans l'obligation de démissionner en raison d'un certain nombre de difficultés : le versement du salaire en plusieurs fois, le non-paiement d'heures supplémentaires, le versement en retard du treizième mois, le versement à d'autres salariés de primes qu'il ne recevait pas, sa classification inexacte et l'absence d'entretien annuel.
7. Après avoir constaté que la discrimination et la classification ne correspondant pas à son emploi n'étaient pas établies, de même que l'existence d'un préjudice résultant de l'absence d'entretien annuel, l'arrêt relève qu'il est fait droit pour partie à la demande de paiement des heures supplémentaires et que les salaires ont été payés en deux fois tout au long de l'année 2017, le salarié se trouvant parfois à découvert.
8. L'arrêt ajoute que le salarié a consulté un médecin le 19 décembre 2017 pour un état d'asthénie et d'anxiété généralisée mais qu'à cette date, le salaire de novembre était payé et retient que l'intéressé n'établit pas que ce manquement de l'employeur a rendu impossible la poursuite du contrat de travail.
9. En se déterminant ainsi, après avoir fait droit en partie à la demande au titre des heures supplémentaires et sans rechercher si le manquement tiré du défaut de paiement des heures supplémentaires était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation des chefs de dispositif disant que la démission du salarié est claire et sans équivoque et qu'elle ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et rejetant ses demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de congés payés sur préavis, d'une indemnité légale de licenciement, ainsi que sa demande de remise de documents de fin de contrat, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la démission de M. [U] est claire et sans équivoque et qu'elle ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il rejette les demandes de M. [U] en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de congés payés sur préavis, d'une indemnité légale de licenciement et sa demande de remise de documents de fin de contrat, l'arrêt rendu le 29 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Géonomie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Géonomie et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.