LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 16 F-D
Pourvoi n° M 23-21.768
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JANVIER 2025
1°/ La société De Widehem automobiles, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [E] [Y], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société De Widehem automobiles,
3°/ la société AJRS, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de Mme [M] [H], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société De Widehem automobiles,
ont formé le pourvoi n° M 23-21.768 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [X] [T],
2°/ à Mme [R] [B], épouse [T],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des sociétés De Widehem automobiles, Axyme, ès qualités, et AJRS, ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. et Mme [T], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2023), le 22 mai 2017, M. [T] et Mme [B], son épouse, ont acquis un véhicule auprès de la société De Widehem Automobiles.
2. M. et Mme [T] ont obtenu, en référé, la désignation d'un expert.
3. Le 12 mars 2019, M. et Mme [T] ont assigné la société De Widehem Automobiles en paiement de dommages et intérêts et en diminution du prix sur le fondement de la garantie des vices cachés.
4. Au cours de l'instance d'appel contre le jugement ayant partiellement accueilli ces demandes, la société De Widehem Automobiles a été mise en redressement judiciaire et un plan de continuation a été adopté le 24 juin 2022.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société De Widehem Automobiles à payer une somme aux époux [T] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Enoncé du moyen
6. La société De Widehem Automobiles, les SELARL Axyme, en qualité de mandataire judiciaire, et AJRS, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, reprochent à l'arrêt de condamner la première à payer à M. et Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile alors « que les juges doivent appliquer d'office les dispositions d'ordre public obligeant le créancier d'un débiteur en redressement judiciaire à se soumettre, concernant les demandes tendant au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective, à la procédure de vérification des créances, lesquelles doivent nécessairement faire l'objet d'une admission par le juge-commissaire ; qu'en condamnant la société De Widehem à payer personnellement les sommes de 11 474,75 euros et de 3 000 euros aux époux [T], cependant qu'elle ne pouvait, au mieux, que fixer ces créances, nées antérieurement au redressement judiciaire de la société De Widehem Automobiles, à son passif, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Ayant relevé que la société De Widehem Automobiles faisait l'objet d'un plan de redressement depuis le 24 juin 2022, la cour d'appel l'a condamnée à bon droit à payer une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette créance étant née de la décision qui la prononce et à une date où le débiteur était redevenu in bonis, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la règle de l'interdiction des poursuites énoncée à l'article L.622-21 du code de commerce.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société De Widehem Automobiles à payer une somme aux époux [T] à titre de dommages et intérêts
Enoncé du moyen
9. La société De Widehem Automobiles, les SELARL Axyme, en qualité de mandataire judiciaire, et AJRS, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, reprochent à l'arrêt de condamner la première à payer à M. et Mme [T] la somme de 11 474,75 euros de dommages et intérêts alors « que les juges doivent appliquer d'office les dispositions d'ordre public obligeant le créancier d'un débiteur en redressement judiciaire à se soumettre, concernant les demandes tendant au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective, à la procédure de vérification des créances, lesquelles doivent nécessairement faire l'objet d'une admission par le juge-commissaire ; qu'en condamnant la société De Widehem à payer personnellement les sommes de 11 474,75 euros et de 3 000 euros aux époux [T], cependant qu'elle ne pouvait, au mieux, que fixer ces créances, nées antérieurement au redressement judiciaire de la société De Widehem Automobiles, à son passif, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-17, I, L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce :
10. Selon le deuxième de ces textes, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Selon le troisième, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
11. Pour condamner la société De Widehem Automobiles à payer une certaine somme en réparation du préjudice de jouissance subi par M. et Mme [T], l'arrêt, après constaté que ceux-ci avaient déclaré leur créance, retient que, compte tenu du plan de continuation arrêté au profit de la société débitrice, les demandes tendant à sa condamnation sont à nouveau recevables.
12. En statuant ainsi, alors que la créance de dommages et intérêts de M. et Mme [T] au titre de leur préjudice de jouissance était née antérieurement au jugement d'ouverture et que la décision arrêtant le plan de redressement ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles, de sorte qu'elle devait se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties, en application de l'article 1015 de procédure civile
Vu les articles L. 622-17, I, L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce :
13. L'arrêt condamne la société De Widehem Automobiles à payer à M. et Mme [T] une certaine somme au titre de la réfaction du prix de vente.
14. En statuant ainsi, par les motifs déjà reproduits au § 11, alors que la créance en réfaction du prix était née antérieurement au jugement d'ouverture et que la décision arrêtant le plan de redressement ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles, de sorte qu'elle devait se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
15. Tel que suggéré par M. et Mme [T], il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. Il y a lieu de fixer la créance de M. et Mme [T] au passif de la procédure collective de la société De Widehem Automobiles aux sommes de 11 474, 75 euros à titre de dommages et intérêts et 9 206, 76 euros au titre de la réfaction du prix de vente.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société De Widehem Automobiles à payer aux époux [T] la somme de 11 474, 75 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 9 206, 76 euros au titre de la réfaction du prix de vente, l'arrêt rendu le 14 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 juillet 2020, mais seulement en ce qu'il condamne la société De Widehem Automobiles à payer à M. et Mme [T] une somme au titre de la réfaction du prix de vente et une somme à titres de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau, dans les limites de la cassation,
Fixe la créance de M. et Mme [T] à titre de dommages et intérêts au passif de la procédure collective de la société De Widehem Automobiles à la somme de 11 474, 75 euros ;
Fixe la créance de M. et Mme [T] au titre de la réfaction du prix de vente au passif de la procédure collective de la société De Widehem Automobiles à la somme de 9 206, 76 euros ;
Condamne la société De Widehem Automobiles et les SELARL Axyme, en qualité de mandataire judiciaire, et AJRS, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq et signé par Mme Schmidt, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.