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15/01/2025 | FRANCE | N°12500029

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 janvier 2025, 12500029


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 janvier 2025








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 29 F-D


Pourvoi n° J 23-10.887








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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_________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025


M. [D] [W], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 23-10.887 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel d'Orléans (...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2025

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 29 F-D

Pourvoi n° J 23-10.887

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025

M. [D] [W], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 23-10.887 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à Mme [R] [L], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, vingt-cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet Farge et Hazan, avocat de M. [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 octobre 2022) et les productions, M. [W] et Mme [L] se sont mariés le 9 septembre 1995 sous le régime conventionnel de la communauté de biens réduite aux acquêts, leur contrat de mariage stipulant que les revenus des propres resteraient des propres.

2. Après une ordonnance de non-conciliation du 10 décembre 2004, un jugement du 7 mai 2007 a prononcé leur divorce et ouvert les opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, au cours desquelles sont survenues des difficultés.

Examen des moyens

Sur les premier à neuvième, dixième, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, onzième à quatorzième, seizième à vingtième, vingt-deuxième, vingt-quatrième et vingt-cinquième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier à troisième, cinquième, septième à neuvième, dixième, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, onzième à quatorzième, seizième à vingtième, vingt-deuxième, vingt-quatrième et vingt-cinquième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et les quatrième et sixième moyens, qui sont irrecevables.

Sur le vingt-et-unième moyen

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de fixation d'une récompense d'un montant de 4 744,82 euros à la charge de Mme [L] au titre des dépenses tirées sur le compte Société générale de [Localité 6] n° [XXXXXXXXXX01], alors « que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions d'appel des parties ; qu'en l'espèce, M. [W] avait demandé, dans la discussion de ses conclusions d'appel l'infirmation du jugement qui l'avait débouté de sa demande de fixation d'une récompense d'un montant de 4 744,82 euros à la charge de Mme [L] au titre des dépenses tirées sur le compte Société générale de [Localité 6] n° [XXXXXXXXXX01] statuant à nouveau, de fixer à 7 842,838 euros la récompense due à la communauté par Mme [L] à ce titre ; qu'il a repris ces prétentions dans le dispositif de ses conclusions d'appel en page 225, pour l'infirmation du jugement et en page 229 pour que soit fixée « à 7 842,38 ¿ la récompense due par madame [L] à la communauté pour les dépenses tirées du compte Société générale de [Localité 6] n° : [XXXXXXXXXX01] » ; qu'en retenant cependant, pour dire n'y avoir pas lieu de statuer sur cette demande et confirmer le jugement entrepris de ce chef, que M. [W] ne reprend pas ces prétentions dans le dispositif de ses dernières conclusions, la cour d'appel a dénaturé celles-ci et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen, examinée d'office, après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile

5. Sous le couvert d'un grief de dénaturation des conclusions d'appel de M. [W], le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

6. Il est, dès lors, irrecevable.

Mais sur le dixième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. M. [W] fait grief à l'arrêt de fixer à la somme totale de 181 781 euros sa récompense au titre des fonds propres que la communauté a encaissés et utilisés, alors « que la communauté doit récompense à l'époux quand elle a encaissé ses deniers propres ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme lui demandait M. [W] dans ses conclusions d'appel, si la transformation de son compte personnel en compte joint ne valait pas encaissement par la communauté des fonds propres qui s'y trouvaient, lui ouvrant droit à récompense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1433 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1433 du code civil :

8. Selon ce texte, il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci. Sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi.

9. Pour limiter à la somme totale de 181 781 euros la récompense de M. [W] au titre des fonds propres que la communauté a encaissés et utilisé, l'arrêt, après avoir relevé que le caractère propre du compte bancaire ouvert à son nom dans les livres du CIC sous le numéro [XXXXXXXXXX02] résultait d'un relevé datant du lendemain du mariage présentant un solde créditeur, retient que la demande de récompense formée par M. [W] au titre de l'encaissement de deniers propres par la communauté résultant de la transformation, dans le mois suivant le mariage, de ce compte en compte joint doit être rejetée, en l'absence d'évocation de l'utilisation des fonds par la communauté.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la transformation du compte personnel de M. [W] en compte joint ne valait pas encaissement par la communauté des fonds propres qui s'y trouvaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le quinzième moyen

Enoncé du moyen

11. M. [W] fait grief à l'arrêt de fixer le montant des récompenses dues par lui à la communauté à la somme de 132 857,07 euros, alors « qu'un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu'il a tiré un profit personnel des biens de la communauté ; que tel n'est pas le cas lorsque des fonds communs ont financé un investissement commun ; qu'en l'espèce, où elle a confirmé le jugement entrepris (p. 66) qui a constaté que le contrat d'assurance-vie MMA MDM Initiative n° 000WE0965 pour une valeur de 39 401,98 euros forme la masse active à partager, la cour d'appel qui a néanmoins jugé que M. [W] devait une récompense à la communauté au titre de ce même contrat, pour un montant de 39 042 euros, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1437 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1437 du code civil :

12. Il résulte de ce texte qu'un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu'il a tiré un profit personnel des biens de la communauté.

13. Pour fixer le montant total des récompenses dues par M. [W] à la communauté à la somme de 132 857,07 euros, l'arrêt, après avoir retenu que le contrat d'assurance sur la vie par capitalisation à versements libres MMA MDM Initiatives formant la masse active à partager pour une valeur de 39 401,98 euros portait le n° 000WE0956, accueille la demande de récompense formée par Mme [L], au nom de la communauté, à l'encontre de M. [W] au titre du même contrat.

14. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'un profit personnel tiré par M. [W] des sommes investies dans le contrat litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le vingt-troisième moyen

Enoncé du moyen

15. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire que sa créance à l'encontre de l'indivision post-communautaire pour le remboursement des emprunts immobiliers de l'immeuble de [Localité 5] se calcule de la manière suivante : 94 900,93 euros (somme remboursée par l'indivisaire) / valeur du bien au 10 décembre 1994 x valeur du bien au jour du partage, alors « que l'époux qui a remboursé pendant l'indivision post communautaire une partie du prêt bancaire ayant permis l'acquisition d'un bien commun dispose d'une créance sur cette indivision calculée selon la règle du profit subsistant, par rapport à la valeur du bien au moment de l'acquisition, et non à sa valeur au moment de la dissolution de la communauté ; qu'en l'espèce, en calculant la créance de M. [W] au titre du financement par ses deniers propres de l'emprunt bancaire pendant l'indivision postcommunautaire par rapport à la valeur du bien au 10 décembre 1994, date de la dissolution de la communauté, et non par rapport à sa date d'acquisition, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 815-13 du code civil :

16. Il résulte de ce texte que pour les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis, dont fait partie le règlement des échéances de l'emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte, selon l'équité, à l'indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant. Le profit subsistant, qui représente l'enrichissement procuré au patrimoine indivis, se détermine d'après la proportion dans laquelle les deniers de l'indivisaire ont contribué à la conservation du bien indivis.

17. Il appartient, dès lors, au juge saisi de la demande d'un époux invoquant une créance au titre du règlement, pendant l'indivision post-communautaire, d'une partie du prêt bancaire ayant permis l'acquisition d'un bien commun, devenu indivis à la dissolution de la communauté, d'établir la proportion dans laquelle le règlement par lui de ces échéances, en capital et intérêts, a contribué au financement global de l'acquisition, incluant les frais d'acquisition et le coût du crédit, puis d'appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l'acquisition, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite.

18. Après avoir retenu qu'il devait être tenu compte à M. [W] du règlement sur ses deniers personnels, au cours de l'indivision post-communautaire, des échéances des emprunts immobiliers afférents à l'acquisition, pendant la communauté, de l'immeuble de [Localité 5], l'arrêt précise que le calcul de la créance de M. [W] à l'égard de l'indivision doit se faire en rapportant la somme remboursée par l'indivisaire à la valeur du bien à la date de la dissolution de la communauté, puis en appliquant cette proportion à la valeur du bien au jour du partage.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation des chefs de dispositif limitant à la somme totale de 181 781 euros la récompense de M. [W] au titre des fonds propres que la communauté a encaissés et utilisés, fixant le montant des récompenses dues par M. [W] à la communauté à la somme totale de 132 857,07 euros et disant que sa créance à l'encontre de l'indivision post-communautaire pour le remboursement des emprunts immobiliers de l'immeuble de [Localité 5] se calcule de la manière suivante : 94 900,93 euros (somme remboursée par l'indivisaire) / valeur du bien au 10 décembre1994 x valeur du bien au jour du partage n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt laissant à chacune des parties la charge des dépens d'appel par elle exposés et rejetant leurs demandes formulées en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme totale de 181 781 euros la récompense de M. [W] au titre des fonds propres que la communauté a encaissés et utilisés, fixe le montant des récompenses dues par M. [W] à la communauté à la somme totale de 132 857,07 euros et dit que sa créance à l'encontre de l'indivision post-communautaire pour le remboursement des emprunts immobiliers de l'immeuble de [Localité 5] se calcule de la manière suivante : 94 900,93 euros (somme remboursée par l'indivisaire) / valeur du bien au 10 décembre 1994 x valeur du bien au jour du partage, l'arrêt rendu le 25 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500029
Date de la décision : 15/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 25 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jan. 2025, pourvoi n°12500029


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500029
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