LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 24-81.078 F-D
N° 00030
ODVS
14 JANVIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JANVIER 2025
Mme [G] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [G] [L], les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la commune de Cucuron, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [G] [L] est propriétaire d'un terrain sur lequel sont édifiés divers bâtiments.
3. Des procès-verbaux d'infraction ont été dressés les 6 février 2017, 5 mai 2017 et 17 février 2020.
4. Mme [L] a été poursuivie du chef de diverses infractions au code de l'urbanisme.
5. Le tribunal correctionnel l'a relaxée partiellement, déclarée coupable pour le surplus, condamnée à 3 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
6. Mme [L] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, le troisième et le quatrième moyens
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité qui lui étaient soumises, alors :
« 1°/ que d'une part, toute personne a droit au respect de son domicile ; que la visite d'une construction achevée constituant un domicile ne peut être mise en oeuvre sans l'accord de l'occupant et, à défaut d'un tel accord, sans autorisation du juge judiciaire ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception de nullité du procès-verbal de constat du 5 juillet 2017, la cour d'appel a estimé que la nullité invoquée n'était pas fondée en raison du fait que les constatations pouvaient être faites depuis la voie publique, tandis qu'elle admettait que l'agent était bien entré dans le domicile de la prévenue, de sorte qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, L. 461-1, L. 480-1 et L. 480-17 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que d'autre part, en retenant, pour refuser d'annuler le procès-verbal du 5 juillet 2017, que les photographies et constatations effectuées ont été faites depuis l'extérieur de la propriété de la prévenue, tout en relevant que le procès-verbal indiquait expressément que « les photos ne peuvent être realisées convenablement vu la distance de la voie publique, du chemin de Blanqui », la cour d'appel s'est contredite et a de plus fort méconnu les articles précités ;
3°/ qu'enfin, est nul le procès-verbal de constatation d'une infraction à la législation relative au Code de l'urbanisme dressé à la suite d'une visite domiciliaire réalisée sans l'obtention du consentement de l'occupant des lieux, cet assentiment devant fait l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en écartant la nullité du procès-verbal du 5 mai 2017 aux motifs que la seule mention portée par l'agent au procès-verbal selon laquelle la prévenue aurait été en accord avec la visite domiciliaire suffirait à établir sa régularité et serait conforme aux recommandations ministérielles tandis qu'un accord manuscrit de sa part était requis, la cour d'appel a, une fois de plus, méconnu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, L. 461-1, L. 480-1 et L. 480-17 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ qu'en outre, la nullité d'un acte de la procédure entraîne l'annulation par voie de conséquence des actes qui ont pour support nécessaire l'acte vicié ; qu'en l'espèce, l'irrégularité des procès-verbaux en date des 6 février 2017 et 5 mai 2017 entraînera la nullité du procès-verbal du 27 février 2020, celui-ci ayant pour support nécessaire des actes entachés d'irrégularité, conformément aux articles 174, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal du 6 février 2017, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de celui-ci et des photographies jointes que les constatations ont été effectuées par le garde champêtre depuis l'extérieur de la propriété, comme l'indique la mention « les photos ne peuvent être réalisées convenablement, vu la distance de la voie publique, du chemin de Blanqui ».
10. Les juges ajoutent que, lors de l'audience, Mme [L] a indiqué avoir rencontré l'agent lors de sa venue et l'avoir invité à entrer.
11. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal du 5 mai 2017, l'arrêt attaqué retient que celui-ci mentionne que cette visite « est en accord avec Mme [L] pour constater l'exécution de travaux sur une partie d'un hangar agricole transformé en habitation ».
12. Les juges relèvent que la prévenue, présente pendant les opérations de contrôle, a confirmé lors de l'audience ne pas s'y être opposée.
13. En l'état de ces énonciations, dénuées d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, ni l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme ni aucune autre disposition n'exigeaient une autorisation écrite préalable à la visite des lieux, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, alors :
« 1°/ que, les dispositions de l'article 8 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Chambre criminelle en matière d'infractions au code de l'urbanisme, en ce qu'elles permettent de reporter le point de départ du délai de prescription de l'action publique à la date de l'achèvement de la dernière construction en ayant recours à la notion prétorienne d' « entreprise unique » ou d' « opération d'ensemble » dont les critères, imprécis et subjectifs, ne sont clairement définis ni par la loi ni par la jurisprudence, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, méconnaissent le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que le principe de clarté et de prévisibilité de la loi pénale et le principe d'égalité devant la loi, garantis par les articles 1er, 6, 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l'article 61-1 de la Constitution, de ces dispositions, privera de base légale l'arrêt attaqué. »
Réponse de la Cour
16. Par arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité présentée.
17. Le grief est par conséquent devenu sans objet.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Mme [L] devra payer à la commune de [Localité 1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt-cinq.