LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 15 F-D
Pourvoi n° A 22-23.088
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
M. [J] [X] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-23.088 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-10.122), M. [D], de nationalité béninoise, entré sur le territoire national le 23 octobre 2010 muni d'un titre de séjour temporaire « étudiant », a sollicité, le 3 juillet 2013, de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne (la caisse) l'octroi des prestations familiales en faveur de sa fille aînée, née au Bénin et l'ayant rejoint en France le 1er juin 2013, ainsi que la prime à la naissance pour sa fille cadette, née en France le 8 juin 2013.
2. La caisse ayant rejeté ses demandes, M. [D] a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
4. M. [D] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de prestations familiales, alors :
« 1°/ que selon l'article 1.2 de la Convention générale du 6 novembre 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979, « les ressortissants béninois exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 2, applicables en France, et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français » ; que, selon l'article 2 de cette convention, « les législations auxquelles s'applique la présente Convention sont, en France a ¿ la législation fixant l'organisation de la sécurité sociale, b ¿ les législations des assurances sociales applicables aux salariés des professions non agricoles? d ¿ la législation relative aux prestations familiales » ; que, pour débouter l'assuré social de ses demandes de prestations familiales au titre de ses enfants et de sa demande de prime à la naissance concernant l'un deux, la cour d'appel a retenu « S'agissant de l'application des dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-2 au regard des conventions bilatérales de sécurité sociale dont l'objet principal est de coordonner les législations de sécurité sociale des États signataires, il y a lieu d'articuler, en fonction de leur objet respectif, les stipulations de ces conventions avec celles conclues les cas échéant entre les mêmes États, relatives à la circulation et au séjour de leurs ressortissants, lesquelles, conclues par les mêmes parties, ont la même portée dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution. Il résulte de la combinaison des dispositions et stipulations portées aux articles L. 512-2 du code de la sécurité sociale et D. 512-2 du code de la sécurité sociale applicables, 8 de la Convention entre la République française et la République du Bénin relative à la circulation et au séjour des personnes signée le 21 décembre 1992, publiée par le décret n° 94-971 du 3 novembre 1994, et 1 et 2 de la convention générale du 6 novembre 1979 de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire du Bénin, publiée par le décret n° 81-832 du 4 septembre 1981, que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité béninoise doit justifier, par la production des documents mentionnés à l'article D. 512-2 susvisé, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France, pour pouvoir prétendre au bénéfice pour ses enfants des prestations familiales. Ainsi, l'accord bilatéral de sécurité sociale conclu entre la France et le Bénin qui établit une égalité de traitement ne dispense pas un ressortissant béninois de justifier qu'il a préalablement respecté les conditions du regroupement familial pour obtenir des prestations familiales en France pour un enfant né au Bénin et ce en application de la convention bilatérale de circulation de 1992, étant précisé que la référence par l'appelant aux décisions appliquant la convention franco-yougoslave de 1950 est en l'espèce inopérante, de telles décisions n'articulant avec celle-ci aucune convention de circulation » (arrêt, p. 4 § 14, p. 5 § 1 § 8-9) ; qu'en statuant ainsi, quand l'application des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui instituent une discrimination fondée sur la nationalité, devait être écartée, la cour d'appel a violé les articles 1.2 et 2 de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979, ensemble le décret n° 81-832 du 4 septembre 1981 portant publication de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979 et, par fausse application, les articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que les conditions et le champ d'application d'une convention internationale s'apprécient au regard de ses seules stipulations et ne sont pas définis par une autre convention, à moins que cela soit prévu expressément dans l'une ou l'autre de ces conventions ; que selon l'article 1.2 de la Convention générale du 6 novembre 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979, « les ressortissants béninois exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 2, applicables en France, et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français » ; que, selon l'article 2 de cette convention, « les législations auxquelles s'applique la présente Convention sont, en France a ¿ la législation fixant l'organisation de la sécurité sociale, b ¿ les législations des assurances sociales applicables aux salariés des professions non agricoles? d ¿ la législation relative aux prestations familiales » ; que ces stipulations sont d'effet direct et leur application en droit interne n'est subordonnée au respect d'aucune autre convention internationale ultérieure ; que, pour débouter l'assuré social de ses demandes de prestations familiales au titre de ses enfants et de sa demande de prime à la naissance concernant l'un deux, la cour d'appel a retenu « S'agissant de l'application des dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-2 au regard des conventions bilatérales de sécurité sociale dont l'objet principal est de coordonner les législations de sécurité sociale des États signataires, il y a lieu d'articuler, en fonction de leur objet respectif, les stipulations de ces conventions avec celles conclues les cas échéant entre les mêmes États, relatives à la circulation et au séjour de leurs ressortissants, lesquelles, conclues par les mêmes parties, ont la même portée dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution. Il résulte de la combinaison des dispositions et stipulations portées aux articles L. 512-2 du code de la sécurité sociale et D. 512-2 du code de la sécurité sociale applicables, 8 de la Convention entre la République française et la République du Bénin relative à la circulation et au séjour des personnes signée le 21 décembre 1992, publiée par le décret n° 94-971 du 3 novembre 1994, et 1 et 2 de la convention générale du 6 novembre 1979 de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire du Bénin, publiée par le décret n° 81-832 du 4 septembre 1981, que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité béninoise doit justifier, par la production des documents mentionnés à l'article D. 512-2 susvisé, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France, pour pouvoir prétendre au bénéfice pour ses enfants des prestations familiales. Ainsi, l'accord bilatéral de sécurité sociale conclu entre la France et le Bénin qui établit une égalité de traitement ne dispense pas un ressortissant béninois de justifier qu'il a préalablement respecté les conditions du regroupement familial pour obtenir des prestations familiales en France pour un enfant né au Bénin et ce en application de la convention bilatérale de circulation de 1992, étant précisé que la référence par l'appelant aux décisions appliquant la convention franco yougoslave de 1950 est en l'espèce inopérante, de telles décisions n'articulant avec celle-ci aucune convention de circulation » (arrêt, p. 4 § 14, p. 5 § 1 § 8-9) ; qu'en statuant ainsi, quand l'application des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui instituent une discrimination fondée sur la nationalité, devait être écartée, la cour d'appel a violé les articles 1.2 et 2 de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979, ensemble le décret n° 81-832 du 4 septembre 1981 portant publication de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979 et, par fausse application, les articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que les conditions et le champ d'application d'une convention internationale s'apprécient au regard de ses seules stipulations et ne sont pas définis par une autre convention, à moins que cela soit prévu expressément dans l'une ou l'autre de ces conventions ; que selon l'article 8 de la Convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signée à [Localité 3] le 21 décembre 1992, « les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des États contractants peuvent être autorisés à rejoindre le conjoint régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial ¿ ils reçoivent un titre de séjour de même nature que celui du conjoint qu'ils rejoignent dans le cadre de la législation de l'Etat d'accueil » ; que selon l'article 16 de la même convention, « la présente convention abroge et remplace la convention francobéninoise du 27 février 1975 sur la circulation des personnes » ; que cette convention internationale n'a pas pour champ matériel le droit de la sécurité sociale et elle est impuissante à écarter le principe de non-discrimination et le principe d'égalité des droits sociaux énoncés aux articles 1.2 et 2 de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979, à laquelle la convention de 1992 ne fait aucune référence ; qu'en considérant pourtant que, sur le fondement de l'article 8 de la convention du 21 décembre 1992, le bénéfice des prestations visées par la convention du 6 novembre 1979 était subordonné au respect des prescriptions des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles 1.2 et 2 de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979, ensemble le décret n° 81-832 du 4 septembre 1981 portant publication de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979 et, par fausse application, l'article 8 de la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signée à [Localité 3] le 21 décembre 1992 et les articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, applicable au litige, bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés à l'article D. 512-2 du même code.
6. Aux termes de l'article 8 de la Convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signée à [Localité 3] le 21 décembre 1992, publiée par décret n° 94-971 du 3 novembre 1994, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le conjoint régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial.
7. Selon les articles 1er, 4 et 34 de la Convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire du Bénin sur la sécurité sociale signée à [Localité 3] le 6 novembre 1979 , publiée par décret n° 81-832 du 4 septembre 1981, les ressortissants de nationalité béninoise, exerçant sur le territoire français, une activité salariée ou assimilée, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française.
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité béninoise doit justifier, par la production des documents mentionnés à l'article D. 512-2 précité, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France.
9. Ayant constaté que la fille aînée de M. [D] était entrée en France en dehors de la procédure de regroupement familial, la cour d'appel a exactement décidé qu'à défaut de justifier de la régularité de l'entrée de son enfant né hors du territoire national, M. [D] ne pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. M. [D] fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande d'indemnisation irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, alors « que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande en dommages-intérêts présentée par M. [D], cependant que celle-ci tendait à réparer le préjudice de M. [D] causé par le refus infondé de la caisse d'allocations familiales de faire droit à ses demandes de prestations familiales au titre de ses enfants [F] [D] et [T] [D] et de prime à la naissance concernant l'enfant [T] [D], de sorte que cette demande d'indemnisation était l'accessoire, la conséquence, à tout le moins, le complément nécessaire des prétentions aux fins de condamnation de la caisse d'allocations familiales à lui verser les prestations sociales injustement refusées, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions.
13. Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
14. Aux termes de l'article 566 de ce code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
15. L'arrêt a exactement décidé que la demande d'indemnisation fondée sur la faute de la caisse ne tend pas aux mêmes fins que la demande de versement de prestations familiales et qu'elle n'en est ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire, de sorte que présentée pour la première fois à hauteur d'appel, cette demande est irrecevable.
16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.