LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 12 F-D
Pourvoi n° V 22-24.831
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La caisse primaire d'assurance maladie du Gers, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-24.831 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 3, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 novembre 2022), à la suite d'un contrôle de la facturation des transports effectués par la société [3] (la société), la caisse primaire d'assurance maladie du Gers (la caisse) a notifié à cette société, le 29 octobre 2018, un indu d'un certain montant correspondant à des anomalies de facturation.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire injustifiés les indus relatifs à des annexes et factures incomplètes ou dépourvues de signatures, et de limiter en conséquence le montant de la condamnation du professionnel de santé au remboursement de l'indu à une certaine somme, alors « que la prise en charge par l'assurance maladie des frais de transport postule la présentation d'une facture, ou d'une annexe, revêtue de la signature de l'assuré et détaillant les trajets ; que la transmission de ces pièces justifiant le paiement doit intervenir dans les délais réglementairement prévus, sachant qu'à défaut, l'organisme de sécurité sociale peut exiger du transporteur la restitution de tout ou partie des prestations ; que par suite, le défaut de signature ou de mention du détail des trajets ne peut être régularisée hors les délais réglementairement prévus ; qu'en annulant l'indu, au motif que les factures et annexes avaient [été] complétées et régularisées, sans s'interroger quant à la date de la régularisation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 11 de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés prévue à l'article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale et L. 161-33, R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, L. 322-5-2, R. 161-47 et R. 161-48 du même code, et les articles 10 et 11 de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés prévue à l'article L. 322-5-2, conclue le 26 décembre 2002 et réputée approuvée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale :
4. Selon le premier et le deuxième de ces textes, en cas d'inobservation des règles de facturation des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1 du même code, l'organisme qui a pris en charge les actes recouvre l'indu auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles.
5. Il résulte des cinquième et sixième de ces textes que le transporteur sanitaire transmet à l'organisme les factures de transport établies conformément à un modèle fixé par arrêté ministériel, chaque facture de transport ou son éventuelle annexe étant dûment complétée et comportant notamment, sauf cas de force majeure, la signature de la personne transportée ou celle de son représentant attestant la réalité et les conditions du transport.
6. Selon les troisième et quatrième, lorsque le professionnel de santé n'a pas transmis, dans le délai imparti, les pièces justifiant le paiement, l'organisme d'assurance maladie peut exiger de celui-ci la restitution de tout ou partie des prestations servies à l'assuré.
7. Pour débouter la caisse de certains indus réclamés, l'arrêt retient que les factures originellement dépourvues de la signature de l'assuré ont été régularisées, de sorte que, présentées complètes à l'audience devant la cour d'appel, ces factures, à défaut pour la caisse d'apporter la preuve de ce qu'elles n'auraient pas correspondu à des prestations réellement effectuées ou n'auraient pas été conformes aux conditions requises pour leur prise en charge, ne peuvent donner lieu à remboursement par le transporteur.
8. En se déterminant ainsi, sans constater que les factures litigieuses pourvues de la signature de l'assuré avaient été adressées à la caisse par le professionnel de santé dans les délais requis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors « que la prise en charge par l'assurance maladie des frais de transport postule la présentation d'une prescription médicale dûment remplie conformément au modèle, notamment s'agissant du lieu de destination ; qu'en annulant l'indu relatif aux factures n° 33140 et 32752, après avoir constaté que les prescriptions ne mentionnaient pas la ville de destination, au motif inopérant qu'une telle omission était le fait du médecin prescripteur, les juges du fond ont violé les articles R. 322-10-2 et R. 322-10-6 du code de la sécurité sociale ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, et les articles L. 322-5-2, R. 322-10, R. 322-10-2 et R. 322-10-6 du même code :
10. Il résulte du troisième de ces textes que, les frais de transport ne pouvant être pris en charge par l'assurance maladie que si les assurés se trouvent dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ou pour se soumettre à un contrôle prescrit en application de la législation de la sécurité sociale, la connaissance du lieu de départ et du lieu de destination du transport est indispensable pour en vérifier les conditions d'application.
11. Selon les quatrième et cinquième, la prise en charge des frais de transport est subordonnée à la présentation par l'assuré d'une prescription médicale indiquant le motif du transport qui, sauf le cas d'urgence, est établie préalablement à l'exécution de la prestation de transport.
12. Pour débouter la caisse, par motifs propres et adoptés, de ses demandes relatives aux factures n° 33140 et n° 32752, l'arrêt retient que l'absence de mention de la ville de destination sur la prescription médicale de transport ne saurait préjudicier au professionnel de santé.
13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que l'absence de mention de la ville de destination sur la prescription médicale de transport, constitue une anomalie de facturation ne mettant pas la caisse à même d'exercer son contrôle sur les conditions de prise en charge du transport, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la la caisse primaire d'assurance maladie du Gers la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.