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09/01/2025 | FRANCE | N°22500006

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 janvier 2025, 22500006


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 9 janvier 2025








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 6 F-D


Pourvoi n° U 22-17.148












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025




L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 6 F-D

Pourvoi n° U 22-17.148

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-17.148 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société [3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2022), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 et 2013, l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations le 2 juillet 2015, suivie d'une mise en demeure, le 12 décembre 2015.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, formé par la société

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, formé par l'URSSAF, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement « Forfait social ¿ assiette ¿ hors prévoyance pour M. [D] [E] », de condamner la société à lui payer uniquement la somme de 81 950 euros au titre des cotisations pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et de la renvoyer à calculer les majorations de retard dues sur la base de cette somme, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 137-15 alinéa 7 du code de la sécurité sociale, sont soumises au forfait social les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme ; que la loi soumet ainsi au forfait social les jetons de présence alloués aux administrateurs et aux membres du conseil de surveillance sans distinguer selon que les bénéficiaires sont ou non affiliées à un régime de sécurité sociale dans un pays de l'Union européenne autre que la France ; qu'en énonçant que les jetons de présence alloués aux administrateurs, aux membres du conseil de surveillance ainsi qu'au président de la société anonyme ne pouvaient être soumis au forfait social qu'à la condition qu'ils ne soient pas affiliés à un régime de sécurité sociale dans un pays de l'Union européenne autre que la France, puis en annulant le redressement n° 4 relatif à l'assujettissement à forfait social des jetons de présence alloués au président de la société au prétexte qu'il était affilié au régime de sécurité sociale espagnol, la cour d'appel qui a procédé à une distinction que la loi ne prévoit pas, a violé le texte précité dans ses rédactions successives issues de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, puis de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige.

2°/ que si en vertu du principe d'unicité de législation en matière d'affiliation à un régime de sécurité sociale prévu par les règlements (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 et (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, une personne affiliée à un régime de sécurité sociale dans un pays de l'Union européenne ne peut être parallèlement assujettie dans un autre pays de l'Union, le forfait social prévu à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, qui est une contribution exclusivement à la charge de l'employeur, n'entre pas dans le champs d'application du règlement du 29 avril 2004 et n'est pas soumis au principe d'unicité de la législation en matière d'affiliation posé par ce règlement ; que les jetons de présence que les sociétés anonymes versent aux administrateurs ou au président du conseil d'administration peuvent donc être soumis au forfait social, peu important que ces derniers soient affiliés à un régime de sécurité sociale dans un pays de l'Union européenne autre que la France ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successives issues de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, puis de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, ensemble le principe d'unicité de la législation en matière de sécurité et les règlements (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 et (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 portant coordination des systèmes de sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu le règlement CEE n° 1408-71 du Conseil du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement CE n° 883-2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui le remplace à compter du 1er mai 2010 et l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions issues des lois n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 puis n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, successivement applicables au litige

5. Selon le dernier de ces textes, sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur, sauf les exceptions qu'il prévoit, les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 de ce code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime. Sont également soumises à cette contribution les rémunérations, visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce, perçues depuis le 1er janvier 2010 par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme.

6. Il en résulte que sont assujetties au forfait social toutes les sociétés anonymes et les sociétés d'exercice libéral à forme anonyme qui ont leur siège social en France, sur le montant total des rémunérations qui sont allouées à leurs administrateurs et membres de leurs conseils de surveillance, quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence fiscale de ces derniers.

7. Les premiers de ces textes consacrent le principe d'unicité de la législation sociale selon lequel la personne à laquelle les règlements s'appliquent n'est soumise qu'à la législation d'un seul État membre, en sorte que celle-ci, affiliée à un régime de sécurité sociale d'un État membre, ne doit pas contribuer au régime de sécurité sociale d'un autre État membre (CJUE, 26 février 2015, De Ruyter C-623-13, point 35), l'objectif du règlement étant d'assurer la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans l'Union européenne, tout en respectant les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale, en élaborant uniquement un système de coordination.

8. Il appartient au juge national de rechercher si l'obligation pour les entreprises assujetties au forfait social sur les jetons de présence qu'elles versent aux administrateurs et membres des conseils de surveillance, affiliés à un régime de sécurité sociale dans un autre État de l'Union européenne, est susceptible d'influencer les rémunérations versées et d'engendrer pour celles-ci une double cotisation.

9. Pour faire partiellement droit au recours de la société, l'arrêt retient que les jetons de présence perçus en 2012 et 2013 par des administrateurs et dirigeants résidant hors de France ne peuvent être soumis au forfait social qu'à la condition que ces derniers ne soient pas affiliés à un régime de sécurité sociale dans un pays de l'Union européenne autre que la France. Il relève que la société démontre que son président, résident espagnol, est affilié au régime de sécurité sociale espagnol et en déduit que le chef de redressement tenant à l'assujettissement au forfait social des jetons de présence alloués au président de la société anonyme doit être annulé.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le chef de redressement n° 4 « Forfait social ¿ assiette ¿ hors prévoyance pour M. [D] [E] », condamne la société [3] à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 81 950 euros au titre des cotisations pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, renvoie l'URSSAF d'Ile-de-France à calculer les majorations de retard dues sur la base de cette dernière somme, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500006
Date de la décision : 09/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jan. 2025, pourvoi n°22500006


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500006
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