LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1 FS-D
Pourvoi n° H 21-24.493
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société [3], a formé le pourvoi n° H 21-24.493 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [2], venant aux droits de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Languedoc-Roussillon, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, Hénon, Mme Le Fischer, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Pieri-Gauthier, avocat général, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 septembre 2021) et les productions, à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, suivi d'une lettre d'observations du 30 septembre 2013, l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Languedoc-Roussillon (l'URSSAF), a notifié plusieurs mises en demeure des 10 décembre 2013 et 27 février 2014 à la société [3], aux droits de laquelle vient la société [2] (la société cotisante).
2. La société cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité de la procédure de contrôle et de la condamner à payer à l'URSSAF la somme réclamée dans la mise en demeure, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui soumis ; que la lettre d'observations ne comporte aucune mention de l'ensemble des documents nécessaires à la vérification que les inspecteurs du recouvrement ont demandé à la société cotisante de leur fournir et qu'ils ont consultés pour fonder le chef de redressement n° 15 relatif à un avantage en nature ; qu'en énonçant que la motivation de la lettre d'observation était particulièrement précise sur les documents analysés dont il est indiqué qu'ils ont été transmis par la société, la cour d'appel dénaturé la lettre d'observations et méconnu le principe susvisé ;
2°/ que la lettre d'observations doit mentionner l'ensemble des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement ; qu'en ce qui concerne le chef de redressement n° 15 relatif à un avantage en nature véhicule, la lettre d'observations mentionne que l'ensemble des documents nécessaires à la vérification qui ont été demandés à la société cotisante ont été fournis, sans préciser la liste desdits documents consultés par les inspecteurs du recouvrement sur lesquels ils ont fondé le redressement ; qu'en validant néanmoins la procédure de contrôle, au motif inopérant que la société disposait de toutes les informations sur les documents qu'elle avait elle-même fournis et qui étaient analysés dans la lettre d'observations, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du contrôle litigieux, que la lettre d'observations doit mentionner l'ensemble des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement.
5. L'arrêt constate que la motivation de la lettre d'observations est particulièrement précise sur les documents analysés d'ailleurs transmis par la société cotisante. Il retient que celle-ci disposait de toutes les informations sur les documents analysés dans la lettre d'observations, lui permettant de la contester de manière contradictoire.
6. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la société cotisante disposait de toutes les informations utiles sur les pièces exploitées au cours du redressement, peu important l'absence de mention des documents transmis par la société dans le tableau intitulé « liste des documents consultés », la cour d'appel a exactement déduit, sans dénaturer la lettre d'observations, que la société cotisante ayant été mise en mesure de contester la lettre d'observations, l'exception de nullité ne pouvait être accueillie.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
8. La société cotisante fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ; que pour valider le chef de redressement litigieux relatif à un avantage en nature véhicule, la cour d'appel qui s'est bornée, à titre de motivation, à reproduire, à l'exception de quelques aménagements de style, les énonciations de la lettre d'observations établie par les inspecteurs du recouvrement de l'URSSAF, a statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur son impartialité et a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il résulte de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, que revêtent le caractère d'avantages en nature, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition permanente d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge ; que, pour valider le chef de redressement relatif à un avantage en nature de véhicule, la cour d'appel a relevé, à partir des constatations des inspecteurs du recouvrement, que certains salariés de la société cotisante bénéficiaient à titre permanent d'un véhicule de tourisme par l'intermédiaire d'une association d'utilisateurs de véhicules, qu'ils pouvaient utiliser à des fins professionnelles et personnelles moyennant le versement d'une redevance annuelle fonction de la catégorie du véhicule mis à leur disposition, comprise, au cours de la période contrôlée, entre 810 euros et 1 656 euros, que la société réglait chaque mois à l'association des factures à titre de redevances de kilomètres professionnels, mentionnant l'identité du collaborateur, son numéro d'adhérent, l'immatriculation du véhicule, la marque et le type du véhicule, le nombre de kilomètres professionnels parcourus, la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique et le décompte TTC, qu'à l'aide de ses ressources, l'association réglait les factures de location ou d'achat et les différentes factures de carburant, d'huile, d'entretien et de réparation des véhicules ; que la cour d'appel a énoncé que la mise à disposition de façon permanente d'un véhicule fourni par l'association d'utilisateurs de véhicules constituait un avantage en nature devant être évalué selon la réglementation applicable, que la redevance annuelle versée par les salariés pouvait être regardée comme une participation au financement de cet avantage venant en déduction de la valorisation de celui-ci, le reliquat constituant une économie réalisée par les salariés que la société aurait dû réintégrer dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, la société n'ayant pas produit de pièces justificatives probantes permettant de constater que les sommes facturées mensuellement à titre professionnel étaient effectivement destinées à couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi et effectivement opérées par l'utilisateur du véhicule, le fait que les véhicules soient mis à la disposition des salariés par l'intermédiaire de l'association important peu, cet avantage étant octroyé en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise, les éléments produits ne permettant pas de constater que les salariés prenaient en charge le carburant pour la partie privative ; que la cour d'appel a ainsi statué par des motifs ne caractérisant ni en son principe ni en son montant l'existence d'un avantage en nature au regard de la règle d'assiette susvisée et a violé les articles L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 applicable à la période contrôlée, et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 21 mai 2019, applicables au litige. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que les avantages en nature attribués en contrepartie ou à l'occasion du travail sont compris dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
10. En application de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.
11. Il résulte de ces textes que la mise à la disposition permanente, par l'employeur, au profit de ses salariés, d'un véhicule pouvant être utilisé pour leurs déplacements privés, permettant ainsi aux bénéficiaires de faire l'économie de frais de transport qu'ils devraient normalement assumer, constitue, en principe, un avantage en nature.
12. La circonstance selon laquelle le véhicule est mis à la disposition permanente de salariés par l'intermédiaire d'un tiers ne saurait faire obstacle à la constatation de l'existence d'un avantage en nature, lorsque l'attribution de cet avantage résulte de l'appartenance des salariés à l'entreprise.
13. L'administration de la preuve de cet avantage en nature doit être gouvernée par les règles générales applicables en cette matière.
14. Ainsi, s'il incombe d'abord à l'URSSAF d'établir, notamment par le procès-verbal des agents de contrôle qui fait foi jusqu'à preuve contraire, la mise à disposition permanente, par l'employeur, d'un véhicule au profit de ses salariés, il appartient ensuite à l'employeur de démontrer que cette mise à disposition, fût-ce par l'intermédiaire d'un tiers, est exclusive de tout avantage en nature.
15. L'employeur doit, par conséquent, rapporter la preuve qu'il prend exclusivement en charge le coût afférent aux kilomètres parcourus par ses salariés dans le cadre de leurs déplacements professionnels, sans aucune participation au coût de l'usage personnel du véhicule par ces derniers.
16. Si, conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen, elle ne peut cependant résulter des seules facturations établies par le tiers qui met les véhicules à disposition des salariés, lesquelles doivent être corroborées par d'autres éléments de preuve.
17. L'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que le fait que les véhicules soient mis à disposition des salariés de la société cotisante par l'intermédiaire d'un tiers est sans incidence sur la qualification d'avantage en nature dès lors que l'octroi de cet avantage est opéré en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise. Il constate que l'association des utilisateurs de véhicules met un véhicule à la disposition permanente des salariés bénéficiaires qui peuvent les utiliser tant à des fins professionnelles que personnelles sans aucune limitation. Il retient que la société cotisante règle à l'association les sommes qu'elle lui facture au titre du cumul mensuel de kilomètres censés avoir été réalisés à titre professionnel par les utilisateurs, mais que cette société ne produit aucun élément suffisamment probant pour justifier du caractère professionnel de ces déplacements, en particulier la date et le motif du déplacement, le lieu précis de départ et de destination ou le kilométrage réalisé au titre de ce parcours.
18. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a estimé que les éléments de preuve apportés par la société cotisante étaient insuffisants à démontrer qu'elle prenait exclusivement en charge les déplacements professionnels effectués par ses salariés, a exactement déduit que l'URSSAF était fondée à procéder au redressement sur la base d'une évaluation forfaitaire de l'avantage procuré aux salariés, minorée du montant de la redevance réglée annuellement par ceux-ci.
19. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
20. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la mise en demeure récapitulative du 27 février 2014 comporte comme motif, pour les années 2010 et 2011, « majorations de retard complémentaires » et, pour l'année 2013, « rapprochement tableau récapitulatif annuel et bordereaux cotisations » ; que, pour les années 2010 et 2011, la mise en demeure comporte un montant de majorations de retard sans indication de cotisations et pour l'année 2013, un montant de cotisations et le montant des majorations de retard afférentes ; que la cour d'appel qui a énoncé que la mise en demeure indiquait pour les deux années 2010 et 2011 un motif de rapprochement avec un tableau récapitulatif annuel des bordereaux de cotisations, a dénaturé la mise en demeure et méconnu le principe susvisé ;
2°/ qu'aux termes de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle celles-ci se rapportent ; que selon l'article R. 243-18, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, une majoration complémentaire de 0,4 % du montant des cotisations est due par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations ; que, pour valider la mise en demeure du 27 février 2014 qui ne comporte, pour les années 2010 et 2011, aucun montant de cotisations servant de base de calcul aux majorations de retard complémentaires mises en recouvrement pour ces deux années, la cour d'appel qui a énoncé que le montant des cotisations était déjà réglé au moment de l'édition et de l'envoi de cette mise en demeure récapitulative qui précisait la nature des cotisations auxquelles se rapportaient les majorations réclamées, a violé les textes susvisés, le premier dans sa rédaction du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009 et le second, dans sa rédaction du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 244-1 et R. 243-18, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des majorations litigieuses, et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
21. Selon le premier de ces textes, la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elle se rapporte. Il résulte du second qu'une majoration complémentaire de 0,4 % du montant des cotisations est due par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations.
22. Pour valider la mise en demeure récapitulative litigieuse, l'arrêt énonce que, pour les années 2010 et 2011, elle indique un motif de rapprochement avec un tableau récapitulatif annuel des bordereaux de cotisations et, pour l'année 2013, vise les cotisations afférentes aux majorations. Il ajoute que le montant des cotisations pour les années 2010 et 2011 était déjà réglé par la société au moment de l'édition et de l'envoi de cette mise en demeure récapitulative, qui précise également la nature des cotisations auxquelles se rapportent les majorations réclamées.
23. En statuant ainsi, alors que la mise en demeure litigieuse mentionnait comme motif du recouvrement pour les années 2010 et 2011 : « Majorations de retard complémentaires », et non « Rapprochement tableau récapitulatif annuel et bordereaux cotisations », ce dernier motif se rapportant à l'année 2013, et qu'il ressortait des mentions de cette mise en demeure qu'elle ne comportait pas l'indication des cotisations auxquelles se rapportaient les majorations de retard complémentaires, de sorte qu'elle ne permettait pas à la société de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la mise en demeure litigieuse, a violé les textes et le principe susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
24. La société cotisante fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale que l'indemnité forfaitaire allouée au travailleur salarié en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, lorsque ses conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas, est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas le montant fixé au 1°, s'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant ; que, pour valider les deux chefs de redressement de cotisations et contributions sociales relatifs à la fraction des primes de panier versées aux salariés travaillant sur des chantiers itinérants de construction routière, inférieure à la limite prévue par le 1° de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002, mais excédant la limite prévue par le 3° de ce texte, la cour d'appel a énoncé que les cartes des chantiers de l'entreprise produites aux débats et commentées à l'audience ne présentaient aucun intérêt particulier au regard de la démonstration exigée, la simple référence aux usages professionnels étant notoirement insuffisante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2, 3 et 10 de l'arrêté du 20 décembre 2002, les articles L. 136-1, L. 136-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale et l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2, 3 et 10 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale :
25. Il résulte de l'article 3 de ce texte que l'indemnité forfaitaire allouée au travailleur salarié en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, lorsque ses conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas, prévue par le 3°, est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas le montant fixé au 1°, s'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant.
26. En application de l'article 10 de ce même texte, le montant pour lequel l'indemnité prévue au 1° de l'article 3 est réputée utilisée conformément à son objet, a été fixé pour 2010 à la somme de 16,80 euros, pour 2011 à la somme de 17,10 euros et pour 2012 à la somme de 17,40 euros.
27. Pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales de la fraction des indemnités de repas versées par la société cotisante à des salariés travaillant sur des chantiers itinérants de construction routière, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la société cotisante ne verse aucun justificatif de ce que les allocations versées avaient été utilisées conformément à leur objet, que les attestations sur l'honneur des salariés sont insuffisantes et que les cartes de différents chantiers de l'entreprise ne présentent aucun intérêt particulier au regard de la démonstration qui est exigée, la simple référence à des usages professionnels étant notoirement insuffisante.
28. En se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que les indemnités de repas litigieuses versées par la société cotisante à ses ouvriers travaillant sur des chantiers étaient de 14 euros en 2010, 14,50 euros en 2011 et 14,80 euros en 2012, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, comme elle le soutenait, la société cotisante ne démontrait pas l'existence d'un usage consistant pour les salariés travaillant sur des chantiers itinérants de construction de routes à prendre leur repas au restaurant, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société [2] de sa demande d'annulation de la mise en demeure du 27 février 2014 portant sur les majorations de retard complémentaires et en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il condamne la société [3], aux droits de laquelle vient la société [2], à payer à l'URSSAF de Languedoc-Roussillon, en deniers ou quittance, la somme de 617 284 euros, outre les intérêts et majorations de retard à compter du 27 février 2014, l'arrêt rendu le 22 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne l'URSSAF de Languedoc-Roussillon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.