LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-85.960 F-D
N° 00128
GM
8 JANVIER 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JANVIER 2025
M. [F] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 3 octobre 2024, qui l'a renvoyé devant la cour criminelle départementale du Haut-Rhin sous l'accusation de viol aggravé.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [F] [R], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [J] [Z] a déposé plainte contre M. [F] [R] du chef de viol.
3. Le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [R] du chef de viol, avec cette circonstance que les faits ont été commis par le concubin ou l'ancien concubin de la victime, et son renvoi devant la cour criminelle départementale.
4. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la mise en accusation de M. [R] devant la cour criminelle départementale du Haut-Rhin pour des faits de viol avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint ou l'ancien conjoint, ou le concubin ou l'ancien concubin de la victime, ou l'actuel ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, alors :
« 1°/ que le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la chambre de l'instruction que M. [R] et Mme [Z] avaient entretenu une relation amoureuse entre juin 2017 et janvier 2018 mais qu'au moment des faits ils entretenaient une relation amicale ce qui excluait la circonstance aggravante tirée de ce que l'infraction de viol ait été commise par l'actuel conjoint, concubin ou partenaire de PACS de la victime ; qu'en ordonnant pourtant la mise en accusation de M. [R] devant la cour criminelle départementale du Haut-Rhin pour des faits de viol avec cette circonstance visant la qualité d'actuel conjoint, concubin ou partenaire de PACS, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 222-23 et 222-24, 11° du code pénal ;
2°/ que la commission d'une infraction par l'ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité constitue une circonstance aggravante dès lors que cette infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que M. [R] et Mme [Z] avaient entretenu une relation amoureuse entre juin 2017 et janvier 2018 mais qu'au moment des faits ils entretenaient une relation amicale ; qu'en ordonnant pourtant la mise en accusation de M. [R] devant la cour criminelle départementale du Haut-Rhin pour des faits de viol avec cette circonstance qu'ils avaient été commis par l'ancien ou actuel conjoint, concubin ou partenaire de PACS de la victime sans caractériser l'existence entre M. [R] et la victime, dans le passé, d'un mariage, d'une relation de concubinage ou de la conclusion d'un pacte civil de solidarité, ni indiquer les éléments d'où il résultait que les faits qui lui étaient reprochés avaient pu avoir été commis en raison des relations ayant existé entre eux, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 132-80 et 222-24, 11°, du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-80 et 222-24, 11°, du code pénal, et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon les deux premiers de ces textes, la peine encourue pour le crime de viol est aggravée lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu'ils ne cohabitent pas. Cette circonstance aggravante est aussi constituée si les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, si l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur et la victime.
8. Selon le troisième, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour ordonner son renvoi devant la cour criminelle départementale sous l'accusation de viol aggravé, la chambre de l'instruction énonce qu'il résulte de l'information des charges suffisantes contre M. [R] d'avoir commis, par violence, menace, contrainte ou surprise, un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Mme [Z], avec cette circonstance que les faits ont été commis par le concubin ou l'ancien concubin de la victime.
12. En prononçant ainsi, alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'il n'existait aucune relation de concubinage entre le demandeur et la victime au moment des faits, et sans caractériser l'existence, dans le passé, d'une relation de concubinage, ni indiquer les éléments d'où il résultait que les faits avaient pu avoir été commis en raison des relations ayant existé entre eux, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
13. La cassation est, dès lors, encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 3 octobre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.