La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2025 | FRANCE | N°52500028

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2025, 52500028


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 8 janvier 2025








Renvoi à la chambre criminelle pour avis




M. SOMMER, président






Arrêt n° 28 FS-D


Pourvoi n° N 23-10.637








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__________

_______________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025


La société Vectrance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-10.637 contre l'arrêt rendu le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 janvier 2025

Renvoi à la chambre criminelle pour avis

M. SOMMER, président

Arrêt n° 28 FS-D

Pourvoi n° N 23-10.637

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025

La société Vectrance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-10.637 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [B] [F], domicilié [Adresse 2], Italie, défendeur à la cassation.

M. [F] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Vectrance, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Canas, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Arsac, conseillers référendaires, Mme Canas, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2022), M. [F], de nationalité italienne et résidant en Italie, a été engagé par la société Vectrance, société française ayant son siège social à [Localité 3], à compter du 1er mai 2015, et a été affecté auprès de la raffinerie Total-Optara située à Anvers (Belgique).

2. M. [F] a démissionné par message électronique du 6 juillet 2015 avec effet au 24 juillet suivant.

3. Le 8 juin 2016, sollicitant l'application de la loi française en vertu d'une clause de choix de la loi applicable insérée dans le contrat de travail dit « international », faisant valoir que sa démission avait été causée par les manquements graves de son employeur et alléguant une situation de travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

Examen des moyens

4. Aux termes de l'article 3, § 1, du Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

5. Aux termes de l'article 10, § 1, du même règlement, l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu du présent règlement si le contrat ou la disposition étaient valables.

6. L'arrêt constate que le contrat de travail dit « contrat international » précise en introduction : « This contract will be based on the french law, as a reference. » (Selon traduction libre : « Ce contrat est basé sur le droit français comme référence. ») et en conclusion : « This agreement shall be governed by and construed in accordance with the laws of France to the juridiction of whose courts the parties hereto agree to submit. » (« ce contrat est soumis et doit être interprété selon les dispositions du droit français et les parties acceptent de soumettre leur différend aux juridictions françaises. »).

7. Il constate également que, si le contrat de travail dit « local » ne précise pas expressément la loi applicable, il vise néanmoins, parmi les normes législatives permettant de déterminer les éléments de rémunération du salarié, un décret royal, et mentionne que les jours de congés seront accordés au prorata temporis conformément au droit belge.

8. Il retient que l'absence de signature du salarié sur les deux contrats de travail qui lui ont été soumis par l'employeur n'a pas interdit la mise en oeuvre des relations de travail et n'affecte pas la validité du lien contractuel, que la distinction entre contrat « belge » et contrat « international » résulte de la volonté expresse, manifeste et non équivoque de l'employeur qui a rédigé les contrats, les a signés, les a adressés au salarié et lui a demandé avec insistance de les lui retourner signés et de l'accord, libre et éclairé, du salarié malgré son refus final de signer les documents pour d'autres causes, que la rencontre des volontés des parties sur ce point s'est concrétisée par le caractère effectif de l'engagement du salarié par la société Vectrance pour une prestation de travail et un lieu d'affectation du salarié conformes au contrat « international », moyennant une rémunération décomposée en deux salaires, versée sur deux comptes bancaires différents et ayant donné lieu chaque mois à l'émission de deux bulletins de paie, comme prévu par chacun des contrats « belge » et « international », qu'une telle distinction ne s'explique que par la volonté commune des parties de soumettre une partie de leurs obligations résultant du contrat dit « international » à une législation autre que celle régissant le contrat dit « local ».

9. La cour d'appel en a déduit que le contrat de travail dit « international » était régi par la loi française.

10. Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

11. Aux termes de l'article L. 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

12. Selon l'article 11, § 1 et § 3, a), du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.

13. Aux termes de l'article 21, § 1, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, l'employeur dont le siège social ou le siège des activités est situé en dehors de l'État membre compétent accomplit les obligations prévues par la législation applicable à ses travailleurs, notamment l'obligation de verser les cotisations prévues par cette législation, comme si son siège social ou le siège de ses activités était situé dans l'État membre compétent.

14. Aux termes de l'article 113-2 du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.

15. Selon l'article 113-6 du même code, la loi pénale française est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

16. En cet état, l'examen des pourvois conduit, préalablement, à un renvoi à la chambre criminelle pour avis en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la chambre sociale :

TRANSMET pour avis à la chambre criminelle la question suivante :

« L'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié prévue par le 3° de l'article L. 8221-5 du code du travail est-elle constituée lorsque l'employeur français d'un salarié expatrié s'est soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes sociaux de l'État membre de l'Union européenne compétent en application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et du règlement n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ? » ;

Sursoit à statuer dans l'attente de la réponse de la chambre criminelle ;

Renvoie l'affaire à l'audience de formation de section du 18 juin 2025 à 14h00 de la chambre sociale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500028
Date de la décision : 08/01/2025
Sens de l'arrêt : Transmission pour consultation chambre criminelle (arret)

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jan. 2025, pourvoi n°52500028


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500028
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award