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08/01/2025 | FRANCE | N°52500021

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2025, 52500021


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 8 janvier 2025








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 21 F-D


Pourvoi n° T 23-12.574








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025


L'AFASER, Association des familles et amis pour l'accueil, les soutiens, l'éducation et la recherche en faveur des personnes ha...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 janvier 2025

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 21 F-D

Pourvoi n° T 23-12.574

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025

L'AFASER, Association des familles et amis pour l'accueil, les soutiens, l'éducation et la recherche en faveur des personnes handicapées mentales, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-12.574 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [G] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Zribi et Texier, avocat de l'AFASER, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2023), M. [Y] a été engagé en qualité d'aide soignant par l'Association des familles et amis pour l'accueil, les soutiens, l'éducation et la recherche en faveur des personnes handicapées mentales (l'AFASER) le 26 août 2009. Il a ensuite exercé des fonctions d'aide psychologique. Le 23 mai 2016, il a été nommé délégué syndical au sein de la maison d'accueil d'[Localité 3] dans laquelle il exerçait.

2. Suite à la dénonciation à la direction de l'établissement, le 23 novembre 2016, par une salariée en contrat de professionnalisation au sein de cette maison d'accueil, d'un comportement déplacé (avances, gestes indécents à connotation sexuelle) du salarié à son égard, ce dernier s'est vu notifier le 29 novembre 2016 une mise à pied à titre conservatoire prenant effet le lendemain et a été convoqué le 1er décembre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 décembre suivant.

3. Par décision du 14 février 2017, l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement. Le 1er mars 2017, l'AFASER a saisi le tribunal administratif de Montreuil aux fins d'obtenir l'annulation de cette décision.

4. Par lettre du 16 mars 2017, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant notamment l'absence de réintégration dans son emploi à la suite du refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail.

5. Le 21 juillet 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour juger que la prise d'acte de la rupture est justifiée et produit les effets d'un licenciement nul et obtenir le paiement de diverses sommes pour violation du statut protecteur, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour licenciement nul, discrimination syndicale, harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

6. Le 20 septembre 2017, le tribunal administratif a annulé la décision de refus d'autorisation de l'inspecteur du travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses onzième et treizième branches

Enoncé du moyen

7. L'AFASER fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail intervenue le 17 mars 2017 est justifiée et produit les effets d'un licenciement nul et de la condamner, en conséquence, à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, de lui ordonner de remettre au salarié des bulletins de salaires, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent jugement dans un délai d'un mois à compter de sa notification et de la débouter de sa demande reconventionnelle en remboursement des salaires, alors :

« 11°/ que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que le salarié protégé dont la mise à pied est annulée en raison du refus d'autorisation de licenciement doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent sauf si l'employeur justifie d'une impossibilité de réintégration ; que, tenu par son obligation de sécurité dont participe l'obligation de prévention du harcèlement sexuel, l'employeur ne peut pas réintégrer le salarié suspecté de harcèlement sexuel à l'égard des autres salariés de l'entreprise ou de ses usagers ; que la cour d'appel a relevé que les attestations produites révélaient envers des salariées de l'association "des attitudes insistantes, des gestes déplacés ainsi que des contacts physiques" "non recherchés, comme des baisers proches des lèvres et des caresses dans le dos, ainsi que des remarques marquant l'intérêt qu'il leur portait" ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'impossibilité de réintégrer le salariés ne résultait pas d'un risque de harcèlement sexuel, que l'employeur était tenu de prévenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-1 du code du travail ;

13°/ que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, pour estimer que les éléments invoqués par l'employeur ne caractérisaient pas une impossibilité de réintégrer M. [Y] au sein de son effectif, que "ces attestations ne permettent pas (?) de caractériser de manière certaine des faits pouvant par exemple recouvrir une qualification pénale de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle" ; qu'en statuant ainsi, quand l'impossibilité de réintégration n'implique pas que des faits en cause puissent être revêtus de la qualification pénale de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle, l'employeur devant prévenir le risque que ce harcèlement survienne en mettant en place les mesures propres à l'éviter lorsque des faits susceptibles de constituer un harcèlement sexuel sont portés à sa connaissance par les salariées, tels des gestes ou des propos déplacés récurrents, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1153-5 , L. 2411-1 et L. 4121-1 du code du travail :

8. En application de l'article L. 1153-5 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner.

9. Il résulte de l'article L. 2411-1 du code du travail que le salarié protégé, mis à pied à titre conservatoire et dont la demande d'autorisation administrative de licenciement a été refusée par l'administration du travail, doit être, s'il le demande, réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent, sauf si l'employeur justifie d'une impossibilité de réintégration.

10. Il ressort de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité, dont participe l'obligation de prévention du harcèlement sexuel.

11. Pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et produit les effets d'un licenciement nul, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si les attestations produites de plusieurs salariées de l'entreprise dénoncent des attitudes insistantes et des contacts physiques non recherchés comme des baisers proches des lèvres et des caresses dans le dos, ainsi que des remarques marquant l'intérêt que le salarié leur portait, ces éléments ne revêtent pas les caractéristiques d'une cause étrangère ayant empêché de manière absolue l'employeur de réintégrer le salarié et que, dès lors, l'absence de réintégration de ce dernier en dépit de la décision exécutoire de l'inspecteur du travail du 14 février 2017 constitue une violation du statut protecteur et un manquement de l'employeur à ses obligations d'une gravité telle qu'elle empêchait la poursuite de la relation contractuelle.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants et sans rechercher si l'impossibilité de réintégrer le salarié ne résultait pas d'un risque de harcèlement sexuel que l'employeur était tenu de prévenir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Y] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral, discrimination syndicale et manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 11 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500021
Date de la décision : 08/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jan. 2025, pourvoi n°52500021


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Zribi et Texier, SCP Krivine et Viaud

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500021
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