LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 20 F-B
Pourvoi n° B 24-11.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025
1°/ L'Union nationale des syndicats autonomes transport (UNSA transport), dont le siège est [Adresse 9],
2°/ Mme [P] [J], domiciliée [Adresse 7],
3°/ M. [N] [K], domicilié [Adresse 11],
4°/ M. [D] [V], domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° B 24-11.781 contre le jugement rendu le 2 février 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ au syndicat CFDT, dont le siège est [Adresse 10],
2°/ à CGTR [12], dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à M. [B] [J], domicilié [Adresse 6],
4°/ au syndicat professionnel de l'EPM de La Réunion CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 8],
6°/ à M. [C] [T], domicilié [Adresse 4],
7°/ à [12], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations écrites de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de l'Union nationale des syndicats autonomes transport, de Mme [J] et de MM. [K] et [V], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat du CGTR [12], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat du [12], après débats en l'audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 2 février 2024), dans le cadre de l'élection des membres du comité social et économique du [12] (le [12]), un protocole d'accord préélectoral a été signé le 14 septembre 2023 par les organisations syndicales CGTR, CFE-CGC, CFDT et UNSA transport.
2. Ce protocole a fixé en son article 7 intitulé « dépôt des listes des candidats » la proportion d'hommes et de femmes de chaque collège et la répartition des sièges par sexe au sein de ces collèges. Il a par ailleurs précisé l'ordre d'alternance des candidats (pour le premier collège, cinq hommes et une femme, soit en alternance H-F-H-H-H-H, pour le deuxième collège, trois hommes et une femme, soit une alternance H-F-H-H et pour le troisième collège (cadres) une liste avec deux hommes et une femme avec l'alternance H-F-H).
3. Le premier tour s'est déroulé le 12 octobre 2023.
4. Soutenant qu'au vu du résultat des élections du 3e collège le syndicat CFE-CGC ne pouvait se voir attribuer qu'un siège et non deux, et que les deux sièges restant devaient être attribués respectivement aux listes CGTR et UNSA, par requête en date du 27 octobre 2023, le syndicat UNSA transport, Mme [J], M. [K] et M. [V] ont saisi le tribunal judiciaire, afin de juger qu'ont été élus au premier tour des élections des membres titulaires du troisième collège : M. [I] sur la liste CFE-CGC, M. [Z] sur la liste CGTR, Mme [J] sur la liste UNSA et d'ordonner au [12] de rectifier conformément au jugement le procès verbal des élections.
Rectification d'erreur matérielle relevée d'office
5. Avis a été donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile.
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
6. C'est par suite d'une erreur purement matérielle que, dans l'en-tête de la décision attaquée, le syndicat UNSA est dénommé « UNSA Réunion eaux des personnels des métiers de l'eau et d'assainissement de La Réunion » au lieu de « UNSA transport ».
7. Il y a lieu, pour la Cour de cassation, de réparer cette erreur matérielle qui affecte le jugement.
Examen des moyens
Sur le second moyen
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le syndicat UNSA transport fait grief au jugement de rejeter sa demande de déclarer Mme [J] élue au 3e collège au 1er tour des élections du 12 octobre 2023 au comité social et économique du [12], alors « que selon l'article L. 2314-30 du code du travail, texte d'ordre public auquel le protocole préélectoral ne peut déroger, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 comportant plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale ; que "les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes" ; que la règle de l'alternance n'impose pas que le premier candidat de la liste soit d'un sexe déterminé ni qu'il appartienne au sexe majoritaire ; que selon l'article L. 2314-13 du même code, l'accord préélectoral mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral ; qu'il en résulte qu'il n'appartient pas au protocole préélectoral de fixer l'ordre de l'alternance des candidats ; qu'en l'espèce, était conforme à ces dispositions d'ordre public la liste de l'UNSA transport comportant une alternance d'hommes et de femmes, étant acquis aux débats que le candidat en 1re position était une femme, Mme [J], celui en 2e position un homme, M. [K] et celui en 3e position, le sexe féminin étant épuisé, un homme, M. [V] ; qu'il importait peu que la liste ne respecte pas l'ordre de l'alternance "Homme Femme Homme" fixé par le protocole préélectoral ; qu'en déboutant le syndicat UNSA de sa demande tendant à voir déclarer Mme [J] élue au 3e collège au 1er tour des élections du 12 octobre 2023, motif pris que la liste déposée "ne respecte pas les dispositions du protocole d'accord précitées en ce qu'elle ne respecte pas les modalités fixées pour l'alternance, à savoir, dans ce collège, l'alternance H-F-H", le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2314-30 du code du travail :
10. Aux termes de ce texte, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.
Lorsque l'application du premier alinéa n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant :
1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.
Lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste.
Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants.
11. La Cour de cassation juge que les dispositions de ce texte étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger (Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 19-10.826, publié).
12. Elle juge également que ce texte n'impose pas de position ou d'ordre pour l'alternance (Soc., 27 mai 2020, pourvoi n° 19-60.147 ; Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-23.344).
13. Il en résulte qu'un protocole préélectoral ne peut imposer aux organisations syndicales un ordre d'alternance.
14. Pour débouter le syndicat UNSA transport de sa demande de déclarer Mme [J] élue au 3e collège au 1er tour des élections du 12 octobre 2023, le jugement retient que la liste déposée ne respecte pas les dispositions fixées par le protocole quant à l'ordre d'alternance dans ce collège.
15. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
16. Le syndicat CGTR demande sa mise hors de cause devant la juridiction de renvoi. Cependant, dès lors qu'il est concerné par le scrutin du 3e collège et que l'UNSA fonde sa demande sur une erreur dans le décompte des voix de ce scrutin, sa présence est nécessaire devant le tribunal de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Réparant l'erreur matérielle affectant le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion le 2 février 2024, remplace, en page 1, « UNSA Réunion Eaux des personnels des métiers de l'eau et d'assainissement de La Réunion » par « UNSA transport » ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le syndicat UNSA transport de sa demande de déclarer élue Mme [P] [J], titulaire du 3e collège à l'issue des élections des membres du comité social et économique du [12], le jugement rendu le 2 février 2024, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Saint-Pierre de La Réunion ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.