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07/01/2025 | FRANCE | N°C2500014

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 janvier 2025, C2500014


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Z 23-87.123 F-D


N° 00014




LR
7 JANVIER 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025






Mme [I] [V], p

artie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 2023, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Mme [C] [O] du chef de diffamation publique envers ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 23-87.123 F-D

N° 00014

LR
7 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025

Mme [I] [V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 2023, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Mme [C] [O] du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I] [V], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C] [O], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mme [I] [V] est directrice des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de [Localité 3] et [Localité 4], dans le Loiret.

3. Le 22 novembre 2022, le site de presse en ligne de [2] a relayé un communiqué rédigé par Mme [C] [O], représentante syndicale de l'USD [1], selon lequel « les salariés (de l'EHPAD) sont maltraités, harcelés, dénigrés par une direction déloyale. La directrice interpelle les salariés par mail dès 5h30 le matin et même le week-end et exige que ceux-ci répondent ».

4. Mme [V] a fait citer Mme [O] devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire.

5. Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal a déclaré Mme [O] coupable de ce chef et l'a condamnée à 2 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

6. Mme [O] a relevé appel de cette décision et le ministère public appel incident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé Mme [O] des fins de la poursuite et a débouté la partie civile de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que la qualité de représentant syndical ne donne lieu à aucun régime dérogatoire dans l'appréciation de l'exception de bonne foi permettant d'échapper à la qualification pénale de diffamation ; qu'en retenant, pour écarter le caractère diffamatoire des propos « exagérément critiques et durs vis-à-vis de la partie civile », que « le principe doit être rappelé qu'une liberté d'expression plus grande doit être accordée aux représentants des salariés » pour en déduire que la seule circonstance que la prévenue ait poursuivi un but légitime, sans animosité personnelle et en disposant d'une base factuelle suffisante, suffisait à caractériser l'exception de bonne foi, peu important l'absence d'enquête sérieuse et de prudence et mesure dans l'expression d'un propos constituant à imputer une infraction pénale à la partie civile, la cour d'appel, qui a considéré que les syndicalistes bénéficiaient d'un régime pénal de faveur, a violé les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ que le respect des limites admissibles de la polémique syndicale, qui participe de la caractérisation de l'exception de bonne foi, suppose, notamment, que le prévenu ait disposé d'une base factuelle suffisante, notion qui recouvre celle d'enquête sérieuse, surtout s'il impute une infraction pénale à la partie civile ; qu'en affirmant, pour juger établie l'exception de bonne foi, que la prévenue disposait d'une base factuelle suffisante dès lors qu'elle s'était entretenue avec les salariées plaignantes et avait examiné leurs pièces justificatives, cependant que la prévenue, qui prétendait dénoncer à la presse des faits constitutifs de l'infraction pénale de harcèlement commis dans un établissement où elle n'exerçait pas, n'avait pas contacté la direction de l'établissement ni pris attache avec les représentants syndicaux locaux pour vérifier la véracité des témoignages et que cette absence d'enquête sérieuse et, partant, de base factuelle suffisante, établissait que les propos dépassaient les limites admissibles de
la polémique syndicale et excluait la bonne foi de leur auteur, la cour d'appel a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale, 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ que le respect des limites admissibles de la polémique syndicale, qui participe de la caractérisation de l'exception de bonne foi, suppose, notamment, que le prévenu ait conservé prudence et mesure dans l'expression de ses propos, surtout s'il impute une infraction pénale à la partie civile ; qu'en affirmant, pour juger établie l'exception de bonne foi, que « les propos proférés publiquement par [C] [O] s'interprètent comme ceux d'une simple polémique syndicale ne dépassant pas les limites admissibles en matière de liberté d'expression », cependant qu'elle constatait que la prévenue avait tenu des propos « exagérément critiques et durs vis-à-vis de la partie civile », motifs qui établissaient que les propos dépassaient les limites admissibles de la polémique syndicale, en particulier s'agissant de l'imputation d'une infraction pénale, la cour d'appel a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale, 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

8. Pour retenir l'excuse de bonne foi, dire que Mme [O] n'a pas commis de faute civile et rejeter les demandes de la partie civile, l'arrêt attaqué énonce que les propos s'inscrivent dans un débat d'intérêt général sur la prise en charge des personnes âgées et dépendantes dans les EPHAD, les conditions de travail et le management de ces établissements.

9. Les juges ajoutent que les propos critiqués ont été proférés après que trois salariées de l'EHPAD d'[Localité 4] ont saisi Mme [O], en sa qualité de représentante syndicale, pour se plaindre de leurs conditions de travail au sein de cet établissement, en imputant à Mme [V] une lourde part de responsabilité dans leurs difficultés et les griefs exprimés.

10. Ils précisent que Mme [O] a établi qu'après s'être entretenue avec ces salariées, elle s'était vu remettre des pièces justificatives de la situation de chacune d'elles, notamment les plaintes pénales déposées par deux d'entre elles, des courriels, des attestations de psychologues, éléments évocateurs de mal-être et d'anxiété.

11. Ils énoncent encore qu'elle a également fait valoir que le mode d'action retenu, la publication d'une lettre d'alerte auprès d'un média régional, avait été choisi après le constat de l'inaction de l'agence régionale de santé et du caractère infructueux de la communication faite auprès d'élus et des plaintes pénales.

12. Ils indiquent qu'en agissant dans le cadre strict de son mandat de représentante syndicale départementale en matière sociale pour dénoncer publiquement les agissements susceptibles d'être reprochés à Mme [V], Mme [O] a poursuivi un but légitime en voulant défendre les intérêts des salariées qui se trouvaient sous la responsabilité de la première avec une base factuelle suffisante et dans des conditions exclusives de toute animosité personnelle.

13. Ils concluent qu'en tenant des propos, certes exagérément critiques et durs vis-à-vis de la partie civile, la prévenue, qui a agi pour la défense des intérêts professionnels, n'a pas dépassé les limites admissibles en matière de liberté d'expression.

14. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

15. En premier lieu, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les propos incriminés, qui s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général sur les conditions de travail dans les établissements d'accueil pour personnes âgées, reposaient sur une base factuelle suffisante.

16. En second lieu, les propos litigieux, dénués d'animosité personnelle et qualifiés à tort par l'arrêt attaqué « d'exagérément critiques et durs
vis-à-vis de la partie civile », n'ont pas excédé les limites admissibles de la polémique syndicale.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Mme [V] devra payer à Mme [O] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500014
Date de la décision : 07/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 27 novembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jan. 2025, pourvoi n°C2500014


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500014
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