LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1299 F-D
Pourvoi n° D 22-13.477
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
La société Novartis pharma, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-13.477 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [M], domicilié [Adresse 4] (Maroc),
2°/ à la société Laboratoire Glaxosmithkline, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Novartis vaccines and diagnostics,
3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Novartis pharma, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis vaccines and diagnostics, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 janvier 2022), M. [M] a été engagé par la société Novartis santé familiale, le 1er septembre 2001, et a exercé diverses fonctions de direction en Afrique francophone.
2. Cette relation de travail, qui a pris fin le 31 octobre 2009, s'est poursuivie par un contrat de travail avec la société Novartis vaccines and diagnostics, à partir du 1er novembre 2009, le salarié exerçant des fonctions de responsable de la région Maghreb.
3. Par deux lettres d'affectation internationale de longue durée, le salarié a été affecté par la société Novartis vaccines and diagnostics auprès de la société Novartis pharma Maroc, d'abord en qualité de directeur de la division vaccins du pôle du Maghreb jusqu'au 31 octobre 2012, puis en qualité de directeur de Specialty & primary care pour le Maghreb, à partir du 1er novembre 2012 pour une durée de deux ans.
4. Le 5 février 2014, le service mobilité du groupe Novartis a transmis au salarié une lettre d'affectation internationale de longue durée confirmant sa nomination en qualité de directeur du groupe de pays d'Afrique occidentale à compter du 1er août 2014, en lui indiquant qu'il resterait l'employé de la société Novartis pharma.
5. Après lui avoir notifié un avertissement, la société Novartis vaccines and diagnostics a notifié au salarié son licenciement, le 9 octobre 2014.
6. Soutenant que la société Novartis pharma, société du groupe Novartis, était son unique employeur au jour de la rupture du contrat de travail et contestant le bien fondé de son licenciement, l'intéressé a fait convoquer devant la juridiction prud'homale la société Novartis pharma et la société Novartis vaccines and diagnostics, aux droits de laquelle vient la société Laboratoire Glaxosmithkline.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La société Novartis pharma fait grief à l'arrêt de dire qu'elle était l'employeur de M. [M] depuis le 1er novembre 2013, de la condamner à payer à ce dernier certaines sommes à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier postérieur à la rupture du contrat de travail, de lui ordonner de remettre à M. [M] un certificat de travail et de lui ordonner de rembourser à l'organisme concerné le montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que seule la société Novartis vaccines & diagnostics, aux droits de laquelle vient la société Laboratoires glaxosmithkline, liée par un contrat de travail écrit avec M. [M], avait convoqué ce dernier à l'entretien préalable le 22 septembre 2014 et l'avait licencié le 9 octobre 2014, et qu'elle avait émis les bulletins de paie jusqu'à l'issue du contrat ; qu'en se bornant à relever à l'appui de sa décision, pour juger que la société Novartis pharma SAS était l'employeur de M. [M] depuis le 1er novembre 2013, que ce dernier avait pris ses fonctions de directeur général de la division Pharma pour l'Afrique de l'Ouest à [Localité 3] le 1er novembre 2013, qu'il travaillait uniquement pour la division Pharma, que celui qu'il avait remplacé à [Localité 3] avait un contrat avec la société Novartis pharma, et que le référent DRH qui lui avait été donné le 23 octobre 2013 était celui de cette société, la cour d'appel a statué par des motifs insusceptibles de caractériser un lien de subordination à l'égard de la société Novartis pharma SAS et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Ayant relevé que le salarié avait signé, le 11 février 2014, la lettre de mission prévoyant sa nomination par Novartis pharma services AG en qualité de directeur du groupe de pays Afrique occidentale à partir du 1er août 2014 indiquant que pendant sa mission il resterait employé de la société Novartis pharma, que les deux parties s'étaient entendues pour que le salarié soit rattaché à la société Novartis pharma pour cette nouvelle mission et ayant retenu que, la proposition de contrat acceptée expressément par le salarié valant contrat de travail, le document litigieux signé le 11 février 2014 par le salarié avait une valeur contractuelle et qu'il officialisait la situation de fait existant depuis le 1er novembre 2013, ce dont il résultait l'existence d'un contrat de travail apparent avec la société Novartis pharma, la cour d'appel a pu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et sans avoir à caractériser un lien de subordination, décider que bien que le salarié avait reçu des bulletins de paie émis par la société Novartis vaccines and diagnostics et que celle-ci avait mené la procédure de licenciement, son employeur était la société Novartis pharma à la date du licenciement et depuis le 1er novembre 2013.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. La société Novartis pharma fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à être déclarée co-employeur avec la société Novartis vaccines and diagnostics et de sa demande de condamnation in solidum avec cette dernière, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits soumis à son examen ; qu'en l'espèce, la société Novartis pharma SAS, après avoir rappelé qu'un contrat de travail signé le 1er novembre 2009 liait M. [M] à la société Novartis vaccines & diagnostics, que c'était cette société qui avait rémunéré M. [M], initié et conduit la procédure de licenciement et établi les documents de fin de contrat, précisait qu'elle contestait "d'autant plus avoir été l'unique employeur de M. [M] que ce dernier ne rapportait pas la preuve que son contrat avec la société Novartis vaccines & diagnostics aurait été rompu avant que son licenciement soit intervenu en octobre 2014 et qu'il faisait lui-même valoir l'existence d'un contrat de travail avec Novartis vaccines & diagnostics jusqu'à très récemment" pour en déduire que "si par extraordinaire la cour estimait que M. [M] parvient à établir la preuve de la qualité d'employeur de Novartis pharma, cette dernière ne pourrait qu'être considérée co-employeur aux côtés de Novartis vaccines & diagnostics" ; qu'en affirmant que la société Novartis pharma ne soumettait à la cour aucun moyen de fait ou de droit au soutien de sa demande tendant à voir juger co-employeur la société Novartis vaccines & diagnostics, aux droits de laquelle vient la société Laboratoire Glaxosmithkline, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Novartis pharma en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
12. Pour rejeter la demande de la société Novartis pharma tendant à être déclarée co-employeur avec la société Novartis vaccines and diagnostics et de sa demande subséquente de condamnation in solidum, l'arrêt retient que la société Novartis pharma ne soumet aucun moyen de fait ou de droit.
13. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société Novartis pharma soutenait que le salarié ne rapportait pas la preuve que le contrat de travail avec la société Novartis vaccines and diagnostics avait été rompu avant son licenciement ce dont elle en déduisait une situation de co-emploi, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. Il convient de condamner la société Novartis pharma et la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis vaccines and diagnostics, qui succombent pour l'essentiel, aux dépens.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Novartis pharma de sa demande tendant à être déclarée co-employeur avec la société Novartis vaccines and diagnostics et de sa demande subséquente de condamnation in solidum avec cette dernière, l'arrêt rendu le 19 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Novartis pharma et la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis vaccines and diagnostics, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis vaccines and diagnostics, et la société Novartis pharma et condamne cette dernière à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.