LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 décembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 663 F-D
Pourvoi n° X 21-21.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
La société Clavel Bolivar, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-21.448 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [O] [R], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société [S] [E] - Denis Hazane, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [E] [S], prise en sa qualité d'administrateur judiciaire et de liquidateur de la société Pse achitecture,
3°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],
4°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à M. [S] [E], domicilié [Adresse 4], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Pse Architecture,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société civile immobilière Clavel Bolivar, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [R], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la la Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société civile immobilière Clavel Bolivar (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la société civile professionnelle [S] [E] - Denis Hazane, prise en sa qualité d'administrateur judiciaire et de liquidateur de la société PSE architecture, et de M. [E], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société PSE architecture.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.218), la SCI a vendu un appartement en l'état futur d'achèvement d'une superficie habitable de 58,97 mètres carrés à Mme [R].
3. La maîtrise d'oeuvre de la construction a été confiée à la société PSE architecture, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF) et de la SMABTP.
4. Estimant que le bien livré avait une superficie habitable moindre, Mme [R] a assigné la SCI en réduction du prix de vente. La MAF et la SMABTP ont été appelées en intervention forcée en appel.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la MAF, alors :
« 1°/ que l'irrecevabilité d'une demande présentée en appel contre une personne qui n'a été ni partie ni représentée en première instance n'est pas d'ordre public alors même que sa mise en cause n'est pas impliquée par l'évolution du litige ; qu'il s'ensuit que les juges du second degré ne peuvent se refuser à statuer sur une telle demande si la partie intéressée ne propose pas la fin de non-recevoir ; qu'en retenant que les demandes présentées par la SCI Clavel-Bolivar étaient irrecevables faute d'évolution du litige tant à l'encontre de la SMABTP que de la Mutuelle des architectes français, quand cette dernière ne soulevait pas une telle fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé les articles 125 et 555 du code de procédure civile ;
2°/ que l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel prévue par l'article 564 du code de procédure civile concerne l'irrecevabilité des demandes formées à l'encontre de parties en première instance et est étrangère à la notion d'évolution du litige permettant la mise en cause d'un tiers pour la première fois en appel aux fins de condamnation ; qu'en se fondant néanmoins sur les dispositions de ce texte pour dire irrecevables les demandes formées contre la Mutuelle des architectes français, assignée en intervention forcée pour la première fois en appel, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 125, 555 et 564 du code de procédure civile :
7. Les dispositions du troisième de ces textes, qui permettent au juge de relever d'office l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel, ne concernent pas les demandes formées contre les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
8. La fin de non-recevoir prévue par le deuxième, qui n'est pas d'ordre public, tirée de l'absence d'évolution du litige impliquant la mise en cause de ces personnes en appel, ne peut, conformément au premier, être relevée d'office par les juges.
9. Pour déclarer irrecevables les demandes formées contre la MAF, l'arrêt retient que la liquidation judiciaire de son assurée ne constitue pas une évolution du litige impliquant sa mise en cause, ni la survenance d'un fait dont naîtrait l'action directe du tiers lésé et que les demandes formées contre les assureurs ne sont pas nées de leur intervention forcée.
10. En statuant ainsi, alors que la MAF ne soulevait pas cette fin de non- recevoir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif déclarant irrecevables les demandes de la SCI à l'encontre de la MAF n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la SCI aux dépens ainsi qu'au paiement à Mme [R] d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la société civile immobilière Clavel Bolivar à l'encontre de la Mutuelle des architectes français, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile immobilière Clavel Bolivar à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros, condamne la Mutuelle des architectes français à payer à la société civile immobilière Clavel Bolivar la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.