LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 644 F-D
Pourvoi n° E 22-24.633
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
1°/ Mme [D] [Y], domiciliée [Adresse 10],
2°/ Mme [A] [Y] épouse [J], domiciliée [Adresse 2] (ÉTATS-UNIS),
ont formé le pourvoi n° E 22-24.633 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 4],
2°/ à M. [E] [Y], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [Y], après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 septembre 2022), suivant acte de donation-partage du 21 mars 1980, M. [H] [Y] a attribué diverses parcelles à ses enfants, Mme [D] [Y] et MM. [L] et [E] [Y].
2. M. [L] [Y], propriétaire notamment des parcelles cadastrées section K n° [Cadastre 5] et [Cadastre 9], a assigné M. [E] [Y], propriétaire des parcelles cadastrées section K n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], en bornage de leurs fonds devant le tribunal d'instance de Castres qui, par jugement définitif du 12 décembre 2006, a fixé les limites séparatives des fonds suivant notamment une ligne tracée entre deux points A et B.
3. M. [L] [Y] a assigné Mmes [D] [Y] et [A] [J], nue-propriétaire et usufruitière de parcelles cadastrées section K n° [Cadastre 3] et [Cadastre 6], en bornage de leurs fonds. Après le dépôt de son rapport par l'expert désigné par le tribunal, Mmes [D] [Y] et [A] [J] ont assigné M. [E] [Y] en intervention forcée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Mmes [D] [Y] et [A] [J] font grief à l'arrêt d'homologuer le plan n° 7 du rapport d'expertise déposé le 31 mai 2017 par M. [V], d'ordonner le bornage des propriétés des parties conformément au plan n° 7 établi par l'expert et de fixer les limites entre les parcelles aux points D, E, F et G et la pose des bornes aux endroits indiqués par les points D, E, F et G, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, pour écarter la seconde proposition de bornage de M. [V] dans le plan n° 8, la cour d'appel a considéré que « le plan 8 [?] n'est pas cohérent avec le plan de partage dressé par M. [T] en 1980 et signé par [L], [D] et [E] [Y] » ; qu'en statuant ainsi, tandis que dans son rapport d'expertise du 29 mai 2017, M. [V] concluait d'une part, qu' « en tenant compte des éléments du rapport judiciaire de M. [N] du 10 décembre 2012, du bornage effectué par M. [N], géomètre-expert (pièce n° 6), l'état des lieux, l'application du plan de partage [T] conduirait à une proposition conforme au plan de la pièce n° 8 » et, d'autre part, que « s'il n'y avait pas eu la décision judiciaire du tribunal d'instance de Castres en date du 12 décembre 2006, confirmé[e] par la cour d'appel de Toulouse du 10 décembre 2007, nous aurions proposé la solution de la pièce n° 8 : limite H, A, C, G » et tandis que le plan n° 8 était expressément intitulé « Proposition provisoire n° 2 dressée à partir du plan de partage [T] de 1980 », la cour d'appel a dénaturé les conclusions du rapport d'expertise en violation du principe susvisé ;
3°/ que le juge du bornage doit rechercher la limite de deux propriétés à borner en interrogeant les titres des parties et en tenant compte de la configuration des lieux ; que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé que « le rapport d'expertise établi par M. [V] indique que des arbres, pour certains, plus que cinquantenaires, figurent sur les parcelles litigieuses et que l'adoption du plan n° 7 conduit à faire passer l'accès dans des arbres importants » et que, « comme relevé par l'expert, il apparaît que s'il est retenu la proposition faisant primer l'application combinée des décisions judiciaires, du document d'arpentage signé par les trois donataires et du plan établi par M. [T], cette proposition ne se révèle pas avec la configuration des lieux » et qu' « il n'est pas contesté en effet que sur le passage litigieux délimité par les points ABDE (plan n° 7 établi par Monsieur [V]) se trouve une haie ancienne de sapins prolongée par une clôture » ; que, pour délimiter les fonds respectifs de [L] [Y] et Mmes [Y], la cour d'appel a interprété la donation-partage et le plan d'arpentage de 1980 pour les faire coïncider avec le bornage retenu en 2006 pour déterminer la ligne divisoire des fonds respectifs de MM. [Y] ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la ligne divisoire ainsi retenue ne coïncidait pas avec la configuration des lieux, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter le plan n° 8 au profit du plan n° 7 proposé par l'expert judiciaire pour délimiter les fonds respectifs de [L] [Y] et Mmes [Y], a privé sa décision de base légale au regard de l'article 646 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, exactement énoncé que le juge du bornage devait se décider en fonction des titres et présomptions de fait qui lui apparaissaient les meilleurs, et retenu, appréciant souverainement les titres, indices et autres éléments de preuve soumis à son examen, que, si sur le passage délimité par les points A, B, D et E se trouvait une haie ancienne de sapins prolongée par une clôture, l'acte de donation-partage du 21 mars 1980, le document d'arpentage du 28 février 1980 annexé à celui-ci, le document d'arpentage dressé le 14 février 1992, le rapport établi par M. [R] le 1er août 2006 et les deux extraits du plan cadastral édités les 10 avril 2008 et 17 juin 2010 constituaient des preuves littérales disposant d'une force probante supérieure à celle des éléments de preuve tirés de la configuration des lieux.
7. Elle a pu en déduire, sans dénaturer les conclusions de l'expert, qu'il y avait lieu de retenir le plan n° 7 établi par celui-ci, seul cohérent avec ces actes, et de fixer la limite divisoire selon les points D, E, F et G et a, ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes [D] [Y] et [A] [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre.