LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1201 F-D
Pourvoi n° J 22-17.392
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
La société Clinique de réadaptation fonctionnelle [6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° J 22-17.392 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Z] [I], domiciliée [Adresse 7], [Localité 3],
2°/ à la société Collecteam, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Clinique de réadaptation fonctionnelle [6], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Collecteam, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 avril 2022), Mme [I] a été engagée, en qualité d'aide soignante, par la société Clinique de réadaptation fonctionnelle [6], à compter du 12 décembre 2010.
2. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 29 mai 2020. L'organisme de prévoyance Collecteam, a notifié à la salariée l'arrêt du versement des prestations complémentaires à compter du 23 mars 2021, suivant les conclusions du médecin expert, mandaté par lui, l'ayant déclarée apte au travail.
3. La salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre l'organisme de prévoyance et son employeur aux fins d'obtenir la reprise du versement des indemnités journalières complémentaires, la régularisation de sa situation et le paiement d'une provision sur dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause l'organisme de prévoyance, de lui ordonner de verser à la salariée les indemnités journalières complémentaires et de régulariser sa situation à compter du 23 mars 2021 et de le condamner à lui payer une somme provisionnelle à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que ce n'est que lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable que la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; que les articles 84 et 84-1 de la convention collective des établissements privés d'hospitalisation à but lucratif du 18 avril 2002 qui instituent un régime de prévoyance collective obligatoire couvrant les risques incapacité-invalidité et décès applicable à tous les salariés non cadres et cadres, sans condition d'ancienneté, prévoient seulement que l'employeur a l'obligation de souscrire une assurance de groupe couvrant ces risques et ne mettent pas à sa charge le paiement des prestations définies par la convention collective lesquelles sont dues par le seul organisme de prévoyance ; que dès lors en condamnant la Clinique [6] à verser à la salariée les indemnités complémentaires prévues par l'article de la convention collective dont le paiement avait été interrompu par l'organisme de prévoyance, lorsque l'obligation au paiement par l'employeur de ces prestations était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-5, R. 1455-7 du code du travail, ensemble les articles 84 et 84-1 de la convention collective des établissements privés d'hospitalisation à but lucratif du 18 avril 2002 ;
2°/ qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de trancher une contestation relative à la conformité, au regard des dispositions conventionnelles, du contrat collectif de prévoyance souscrit par l'employeur au bénéfice de l'ensemble de ses salariés ; qu'en jugeant que l'interprétation des dispositions conventionnelles ne prêtait pas à discussion et que le contrat collectif de prévoyance souscrit auprès de la société Allianz n'était pas conforme aux dispositions de l'article 84-1 de la convention collective en dépit de la contestation opposée par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles R. 1455- 5 et R. 1455-7 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. D'abord, aux termes de l'article R. 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
7. Selon l'article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
8. Ensuite, la formation de référé de la juridiction prud'homale peut statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif.
9. Après avoir constaté que le contrat de prévoyance conclu par l'employeur permettait à l'organisme de prévoyance de suspendre le versement des prestations complémentaires en dehors du cadre prévu par l'article 84-1 de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 qui prévoyait uniquement l'organisation d'une contre-visite médicale patronale, la cour d'appel a d'abord relevé qu'il n'était pas contesté que la salariée remplissait les conditions prévues par ledit article 84-1, qu'elle justifiait notamment d'une prise en charge par la sécurité sociale au titre des indemnités journalières.
10. Elle a ensuite retenu, d'une part, que l'interprétation des dispositions conventionnelles ne prêtait pas à discussion, d'autre part, que la faute de l'employeur qui avait conclu un contrat collectif de prévoyance ne garantissant pas aux salariés le versement des garanties complémentaires conformément aux conditions prévues par la convention collective, constituait un manquement à ses obligations contractuelles et conventionnelles.
11. Elle en a déduit, à bon droit, que l'obligation de l'employeur ne se heurtait à aucune contestation sérieuse.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Clinique de réadaptation fonctionnelle [6] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Clinique de réadaptation fonctionnelle [6] et la société Collecteam et condamne la société Clinique de réadaptation fonctionnelle [6] à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.