LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 622 F-D
Pourvoi n° H 23-15.255
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
1°/ la société [Localité 6] l'Estagnet, société civile immobilière,
2°/ la société L'Estagnet, société civile immobilière,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° H 23-15.255 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [C] [A], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [G] [A], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat des sociétés civiles immobilières [Localité 6] l'Estagnet et L'Estagnet, de Me Bouthors, avocat de M. [C] [A] et de Mme [G] [A], après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 février 2023), le 6 octobre 1981, [T] [V] a promis de vendre à [O] [A] deux parcelles cadastrées section BD n° [Cadastre 2] et [Cadastre 4]. [O] [A] a levé l'option le 4 octobre 1982, en versant le prix.
2. [T] [V] est décédé le 18 juillet 1998, laissant pour lui succéder M. et Mme [F] et M. [D] [Y].
3. Par arrêts des 24 mai 1994 et 18 avril 2002, les demandes de [T] [V], et de ses héritiers, en nullité de la promesse de vente pour vices du consentement et en rescision pour lésion ont été rejetées.
4. En 2007, M. et Mme [F] ont créé la société civile immobilière L'Estagnet (la SCI L'Estagnet), avec apport des parcelles cadastrées section BD n° [Cadastre 2] et [Cadastre 4]. Cette société les a, à son tour, apportées à la société civile immobilière [Localité 6] l'Estagnet (la SCI [Localité 6] l'Estagnet).
5. [O] [A], aux droits duquel sont venus, après son décès en 2015, M. [C] [A] et Mme [G] [A] (les consorts [A]), a assigné les héritiers de [T] [V], la SCI L'Estagnet, la SCI [Localité 6] l'Estagnet et la société Immolab, acquéreurs successifs des parcelles litigieuses, en perfection de la vente et en publication à la conservation des hypothèques.
6. Par arrêt du 24 novembre 2015, il a été jugé que la promesse de vente du 6 octobre 1981 valait vente depuis la levée d'option, que l'arrêt valait titre de propriété et que les cessions postérieures au 4 octobre 1982 se heurtaient aux droits de [O] [A] et lui étaient inopposables ainsi qu'à ses héritiers, la décision étant commune aux SCI L'Estagnet et [Localité 6] l'Estagnet et à la société Immolab.
7. La SCI [Localité 6] l'Estagnet a assigné les consorts [A] pour qu'il soit jugé qu'elle bénéficie de l'antériorité de la publication de son droit de propriété et que le droit de propriété résultant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 novembre 2015 lui est inopposable. La SCI L'Estagnet est intervenue volontairement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Les SCI [Localité 6] l'Estagnet et L'Estagnet font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes, alors :
« 1°/ que les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité ; que les sociétés autres que les sociétés en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ; qu'en considérant, pour refuser de faire prévaloir l'antériorité de la publication du titre de la SCI L'Estagnet sur les droits non publiés revendiqués par les consorts [A], que la SCI L'Estagnet, créée par les époux [F], héritiers de [T] [V], ne pouvait recevoir la qualité de tiers, cependant que la société ayant une personnalité juridique distincte de celle de ses associés, elle devait recevoir la qualité de tiers par rapport aux époux [F] et à [T] [V], auteur commun des droits en concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1842 du code civil et les articles 28 et 30, 1°, du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
2°/ que les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité ; qu'en considérant, pour refuser de faire prévaloir l'antériorité de la publication du titre de la SCI L'Estagnet sur les droits non publiés revendiqués par les consorts [A], que la SCI L'Estagnet tenait ses droits des héritiers de [T] [V], qui n'avaient pas respecté les obligations de leur auteur, cependant que cette circonstance était inopérante à exclure la prévalence du premier acte publié, la cour d'appel a violé les articles 28 et 30, 1°, du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
3°/ que, en tout état de cause, les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité ; qu'en considérant, pour refuser de faire prévaloir l'antériorité de la publication du titre de la SCI L'Estagnet sur les droits non publiés revendiqués par les consorts [A], que la SCI L'Estagnet tenait ses droits des héritiers de [T] [V], qui n'avaient pas respecté les obligations de leur auteur, sans constater que la SCI L'Estagnet ait été elle-même de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30, 1°, du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
4°/ que les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité ; qu'à l'égard des tiers, le sous-acquéreur bénéfice de l'antériorité de la publication de son auteur, même s'il n'a pas lui-même procédé à la publication de son titre ; qu'en considérant, pour débouter les SCI L'Estagnet et [Localité 6] l'Estagnet de leurs demandes, que la SCI L'Estagnet n'était plus propriétaire du terrain pour l'avoir cédé à la SCI [Localité 6] l'Estagnet et que celle-ci n'avait pas publié son titre, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucune antériorité de la publication de son titre, cependant qu'à l'égard des consorts [A], en sa qualité d'ayant-cause de la SCI L'Estagnet, la SCI [Localité 6] l'Estagnet devait bénéficier de l'antériorité de la publication du titre de cette dernière, la cour d'appel a violé les articles 28 et 30, 1°, du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »
Réponse de la Cour
9. Ayant relevé que M. et Mme [F], qui, ayant accepté la succession de [T] [V], étaient tenus de toutes les obligations qui incombaient à celui-ci à l'égard du premier acquéreur, avaient créé la SCI L'Estagnet et lui avaient apporté les parcelles litigieuses en méconnaissance des engagements pris et en faisant fi des décisions de justice ayant notamment rejeté, par un jugement du 7 mars 1986, confirmé par arrêt du 24 mars 1994, la demande de nullité de la promesse de vente consentie à [O] [A], faisant ainsi ressortir que la publication par la SCI L'Estagnet, intervenue en 2007, de l'acte d'apport des parcelles dont elle ne pouvait ignorer qu'elles avaient été antérieurement vendues au bénéficiaire de la promesse, l'avait été en fraude aux droits de l'acquéreur, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première et quatrième branches, que ni la SCI L'Estagnet ni la SCI [Localité 6] l'Estagnet, qui tenait ses droits de celle-ci, n'étaient fondées à se prévaloir du défaut d'antériorité de publication du titre des consorts [A] et a pu, en conséquence, rejeter les demandes des deux SCI.
10. Elle a ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés civiles immobilières [Localité 6] l'Estagnet et L'Estagnet aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés civiles immobilières [Localité 6] l'Estagnet et L'Estagnet et les condamne à payer à M. [C] [A] et à Mme [G] [A] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.