La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2024 | FRANCE | N°C2401400

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 novembre 2024, C2401400


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° H 24-82.810 F-D


N° 01400




SL2
20 NOVEMBRE 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 NOVEMBRE 2024




M. [G] [C] a formé

un pourvoi contre l'arrêt n° 319 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 5 avril 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie, passation d'écritures inex...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° H 24-82.810 F-D

N° 01400

SL2
20 NOVEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 NOVEMBRE 2024

M. [G] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 319 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 5 avril 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie, passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, omission d'écritures en comptabilité, infraction à la législation sur les étrangers, abus de biens sociaux, travail dissimulé, fausse déclaration en vue de l'obtention d'un avantage indu et défaut de dépôt des comptes annuels, a confirmé l'ordonnance de maintien de saisie pénale rendue par le juge d'instruction.

Par ordonnance du 4 juillet 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [G] [C], les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la SCP [1] représentée par Me [X] [E], ès qualitès de mandataire judiciaire des sociétés [10], [5], [6], [9], [Localité 8] [7] et [3],
et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Une information a été ouverte concernant les agissements de M. [G] [C] en sa qualité de dirigeant d'une association, le club de rugby de [Localité 8], et de huit sociétés créées par ses soins, l'une étant chargée de la commercialisation de produits dérivés du club, les autres développant leur activité dans le domaine numérique.

3. M. [C] est mis en examen des chefs d'escroquerie, passation d'écriture inexacte ou fictive en comptabilité, omission d'écritures comptables, infraction à la législation sur les étrangers, abus de biens sociaux, travail dissimulé, fausse déclaration en vue de l'obtention d'un avantage indu, défaut de dépôt des comptes annuels.

4. Par ordonnance du 15 février 2022, le juge d'instruction a ordonné le maintien de la saisie pénale pratiquée sur les sommes versées au crédit du compte bancaire dont sont titulaires M. [C] et son épouse dans les livres de la banque [2], à hauteur de 94 797,57 euros.

5. M. [C] a relevé appel de la décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant ordonné le maintien de la saisie de la somme de 94 797,57 euros inscrite au crédit d'un compte bancaire ouvert au nom de M. et Mme [C], alors « que le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant ou étant à la libre disposition d'un auteur ou complice de l'infraction, alors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions qu'il a bénéficié de la totalité de l'objet ou du produit, doit néanmoins apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé s'agissant de la partie de l'objet ou du produit dont il n'aurait pas tiré profit ; qu'en retenant, pour confirmer la saisie de la somme de 94.797,57 euros inscrite au crédit d'un compte bancaire ouvert au nom de M. et Mme [C], que le montant de cette saisie en valeur est inférieur au produit infractionnel résultant de l'ensemble des infractions objet de l'information, tout en constatant que M. [C] n'avait pas personnellement tiré profit de ces infractions, de sorte qu'il lui appartenait de contrôler, dès lors que cette garantie se trouvait invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée par la saisie au droit de propriété de M. [C] au regard de la gravité concrète des faits et de sa situation personnelle, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 1er du protocole n° 1 additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, 131-21, alinéas 3 et 9, du code pénal, 706-141-1 et 706-154 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21, alinéas 3 et 9, du code pénal, 706-141-1 et 706-154 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ces textes que chacun des auteurs ou complices de l'infraction encourt la confiscation de la valeur totale de l'objet ou du produit de cette infraction, à la condition que la valeur de la totalité des biens confisqués à l'ensemble des auteurs et complices n'excède pas celle de l'objet ou du produit.

7. Cependant, si le moyen pris de la violation du principe de proportionnalité au regard du droit de propriété est inopérant lorsque la saisie a porté sur la valeur de l'objet ou du produit direct ou indirect de l'infraction, le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant ou étant à la libre disposition d'un auteur ou complice de l'infraction, alors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions qu'il a bénéficié de la totalité de l'objet ou du produit, doit néanmoins apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé s'agissant de la partie de l'objet ou du produit dont il n'aurait pas tiré profit.

8. Pour confirmer la saisie, l'arrêt attaqué retient qu'il existe à l'encontre de M. [C] des indices sérieux de commission des faits d'abus de biens sociaux, fausse déclaration en vue de l'obtention d'une allocation et travail dissimulé.

9. Les juges retiennent dans le calcul du produit infractionnel les sommes détournées au préjudice de la société [4] au profit du père et du frère de M. [C], les cotisations éludées dans le cadre du travail dissimulé pour l'ensemble des sociétés, et les sommes indûment perçues au titre du crédit impôt recherche et du Covid. Ils en fixent le montant total à 475 334 euros.

10. Ils observent que s'agissant du produit de l'infraction, la chambre de l'instruction n'a pas à se prononcer sur le caractère proportionné de la saisie.

11. Ils précisent que M. [C] étant à l'origine de l'ensemble des infractions objet de l'information, il encourt la confiscation de ses biens en valeur à hauteur de la totalité du produit infractionnel et que la somme de 97 797,57 euros saisie sur son compte est d'un montant bien en-deçà du produit infractionnel résultant de l'ensemble des infractions.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

13. En effet, dès lors qu'elle avait constaté que les sommes litigieuses, produit des délits poursuivis, avaient bénéficié à une société dirigée par le demandeur ainsi qu'à des membres de sa famille, et non à celui-ci, il lui appartenait de contrôler le caractère proportionné de l'atteinte portée par la saisie à son droit de propriété au regard de la gravité concrète des faits et de sa situation personnelle, cette garantie ayant été invoquée.

14. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant confirmé la saisie pratiquée sur les sommes versées au crédit du compte dont M. et Mme [C] sont titulaires auprès de la banque [2]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 5 avril 2024, mais en ses seules dispositions ayant confirmé la saisie pratiquée sur les sommes versées au crédit du compte dont M. et Mme [C] sont titulaires auprès de la banque [2], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401400
Date de la décision : 20/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, 05 avril 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 nov. 2024, pourvoi n°C2401400


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401400
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award