LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1172 F-D
Pourvoi n° J 23-12.474
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
La société USP nettoyage, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-12.474 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme [D] [J], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société USP nettoyage, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2022), le contrat de travail de Mme [J], engagée en qualité d'ouvrière qualifiée le 11 juin 1979 par la Société des chemins de fer français, a été transféré à compter du 1er septembre 2008 à la société USP nettoyage.
2. La salariée a été placée en arrêt de travail du 6 novembre 2012 au 28 février 2015.
3. Déclarée inapte en un seul examen en raison d'un danger immédiat, elle a été licenciée le 14 avril 2015 pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
4. Soutenant que son inaptitude avait une origine professionnelle et que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité spéciale en application de l'article L. 1226-15 du code du travail et à titre de solde d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, alors « que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, pour juger applicables les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que "les deux avis d'inaptitude successifs ont unanimement constaté l'inaptitude de la salariée pour danger immédiat et ont été rendus dans le cadre d'une visite de reprise que chacun des praticiens a expressément définie comme intervenant dans le cadre d'une maladie professionnelle" et que "la société, malgré cette réponse n'[a] remis en cause aucun des deux avis d'inaptitude par les voies de droit qui lui étaient offertes pour ce faire, telles que fixées par l'article R. 4624-35 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce" ; qu'en statuant par ces motifs inopérants tirés des seules mentions des avis d'inaptitude, quand elle devait rechercher par elle-même, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si Mme [J] avait effectivement été victime d'une maladie professionnelle et si son inaptitude trouvait, même partiellement, son origine dans cette maladie professionnelle dont l'existence était fermement contestée par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, les premier et dernier dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le deuxième dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 :
6. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
7. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, l'arrêt relève que l'inaptitude de la salariée a été constatée à l'occasion d'une visite de reprise que les médecins du travail ont définie comme intervenant dans le contexte d'une maladie professionnelle, qu'interrogé par l'employeur, le médecin du travail a précisé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude qu'il constatait.
8. L'arrêt retient ensuite qu'en l'absence de contestation du constat de l'inaptitude, l'employeur devait mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article L. 1226-10 du code du travail et relève que celui-ci n'a pas procédé à la consultation des délégués du personnel. Il ajoute que l'employeur n'a pas effectué une recherche de reclassement sérieuse et loyale.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il lui appartenait de rechercher si l'inaptitude de la salariée avait, au moins partiellement, pour origine une maladie professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de Mme [J] tendant à la condamnation de la société USP nettoyage à lui remettre une note d'information sur les garanties prévues par la prévoyance souscrite par la société et lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information sur le bénéfice de la portabilité, l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre.