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20/11/2024 | FRANCE | N°42400668

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 novembre 2024, 42400668


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


HM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 20 novembre 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 668 FS-B


Pourvoi n° Z 23-14.351








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024


La société Hedios, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-14.351 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

HM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 novembre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 668 FS-B

Pourvoi n° Z 23-14.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024

La société Hedios, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-14.351 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [B], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société MMA Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société MMA Iard assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Hedios, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [B], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, M. Riffaud, Mme Guillou, MM. Bedouet, Calloch, Chazalette, Mme Gouarin, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Boutié, Mmes Coricon, Buquant, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2023), le 20 mai 2010, M. [B] a apporté à des sociétés en participation, à l'occasion d'un programme de défiscalisation dénommé « Girardin solaire Hedios » (l'opération GSH 2010) conçu et présenté par la société Hedios patrimoine, devenue Hedios, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation, puis a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions du fait de ces investissements.

2. L'administration fiscale ayant remis en cause les réductions d'impôt escomptées, M. [B], soutenant en cause d'appel que la société Hedios avait manqué à son obligation de lui fournir un investissement lui permettant d'obtenir l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, l'a assignée, laquelle a appelé en intervention forcée ses assureurs, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks (les sociétés MMA), en réparation de ses préjudices financier et moral.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, rédigés en termes similaires

Enoncé du moyen

3. La société Hedios fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [B], des dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et en réparation de son préjudice immatériel, alors « qu'en application des articles 199 undecies B et 95 Q de l'annexe II du CGI, dans leur version applicable en 2010, la réalisation de l'investissement ouvrant droit à la réduction d'impôt, qui consistait dans la création ou la livraison de l'immobilisation, s'entendait de la livraison matérielle de la centrale photovoltaïque avant le 31 décembre, au sens de l'article 1604 du code civil ; qu'en retenant que "la société Hedios a manqué à son obligation de fournir un investissement remplissant les conditions légales pour l'obtention de l'avantage fiscal qui a été repris par l'administration fiscale faute de dépôt auprès d'EDF d'une demande de raccordement au 31 décembre 2010", motifs pris que la "condition du raccordement au réseau public d'EDF est considérée comme satisfaite par le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement au réseau" cependant, comme l'ont retenu les premiers juges, seule était exigée la livraison du matériel de la centrale avant le 31 décembre et que, ce n'est qu'au terme d'un changement d'interprétation des textes que l'administration fiscale a exigé, à l'appui de ses propositions de redressements à compter de 2011 et 2013, que la livraison des centrales avant le 31 décembre impliquait le dépôt d'une demande de raccordement auprès d'EDF, ce que la société Hedios n'avait pas pu prévoir ni anticiper en 2010, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable, devenu l'article 1231-1 du même code. »

4. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de condamner la société Hedios à payer des dommages et intérêts à M. [B] et de les condamner à garantir sa responsabilité civile, alors « que le professionnel qui propose une opération de défiscalisation ne saurait se voir reprocher une modification ultérieure du fait générateur de la réduction d'impôt qu'il ne pouvait prévoir ; qu'en retenant que faute de dépôt auprès d'EDF d'une demande de raccordement au 31 décembre 2010, la société Hedios, qui avait ainsi délivré à M. [B] une attestation fiscale inexacte, avait manqué à son obligation de ménager à son client la possibilité de réaliser un investissement remplissant les conditions légales pour obtenir l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, bien qu'elle ait elle-même relevé que "le montage proposé par la société Hedios était valide dans la mesure où il se conformait aux conditions d'éligibilité pour bénéficier de la loi Girardin" et que "l'exigence de l'administration relative au raccordement effectif n'était pas encore en vigueur", sans établir qu'à la date à laquelle la société Hedios patrimoine aurait commis une faute, celle-ci aurait pu prévoir la modification des conditions prévues pour bénéficier de l'avantage fiscal escompté, imposée par l'administration fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu l'article 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que le monteur d'une opération de défiscalisation, qui la conçoit et en suit l'exécution, est tenu d'une obligation contractuelle de fournir un investissement satisfaisant aux conditions de son éligibilité à la réduction fiscale.

6. Il ressort des articles 199 undecies B et 95 Q de l'annexe II du CGI, interprétés à la lumière de l'instruction fiscale n° 5B-2-07 du 30 janvier 2007 relative à ces textes dans leur version applicable prévoyant déjà des réductions d'impôts à raison d'investissements productifs neufs et de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 4 juin 2008, n° 299278, n° 299309 ; n° 304245, n° 304246), que la notion d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome, de sorte que s'agissant d'investissement consistant en l'acquisition, l'installation ou l'exploitation d'équipements de production d'énergie renouvelable, tels ceux des centrales photovoltaïques, qui pour être effectivement exploités et productifs de revenus doivent être raccordés au réseau de distribution d'éléctricité, la condition d'une demande de raccordement adressée au gestionnaire du réseau était prévisible dès la date des investissements litigieux.

7. L'arrêt relève qu'aucun dossier de demande de raccordement complet n'a été déposé auprès d'EDF au 31 décembre 2010 et que l'attestation délivrée est inexacte.

8. Il s'ensuit que les conditions prévues par le code général des impôts pour la déduction de cet investissement n'étant pas remplies, la société Hedios a manqué à son obligation contractuelle de fournir un investissement permettant l'obtention d'un tel avantage fiscal.

9. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de condamner la société Hedios à payer des dommages et intérêts à M. [B] et de les condamner à garantir sa responsabilité civile, alors « que le décret du 9 décembre 2010 qui prévoyait qu'à l'issue d'une période imposée de suspension de trois mois de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil, les demandes suspendues devraient faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat, ne portait pas sur les conditions d'octroi de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts en introduisant un nouveau critère de raccordement de l'installation au réseau avant le 31 décembre 2010 ; qu'en retenant qu'à l'issue du décret du 9 décembre 2010, l'administration aurait exigé, pour pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts, le raccordement de l'installation au réseau public d'EDF en considérant cette condition comme satisfaite par le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement au réseau, la cour d'appel a violé ce décret, ensemble l'article 199 undecies B du code général des impôts.»

Réponse de la Cour

11. Le moyen, qui critique des motifs surabondants, est inopérant, de sorte qu'il ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hedios et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Hedios, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et les condamne in solidum à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur référendaire et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400668
Date de la décision : 20/11/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

BOURSE - Conseiller en gestion du patrimoine - Responsabilité - Faute - Manquement à l'obligation de fournir un investissement permettant l'obtention d'un avantage fiscal - Applications diverses - Investissement productif

Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le monteur d'une opération de défiscalisation, qui la conçoit et en suit l'exécution, est tenu d'une obligation contractuelle de fournir un investissement satisfaisant aux conditions de son éligibilité à la réduction fiscale. Il ressort des articles 199 undecies B et 95 Q de l'annexe II du code général des impôts, interprétés à la lumière de l'instruction fiscale n° 5B-2-07 du 30 janvier 2007 relative à ces textes dans leur version applicable prévoyant déjà des réductions d'impôts à raison d'investissements productifs neufs et de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 4 juin 2008, n° 299278, n° 299309, n° 304245, n° 304246), que la notion d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome, de sorte que, s'agissant d'investissement consistant en l'acquisition, l'installation ou l'exploitation d'équipements de production d'énergie renouvelable, tels ceux des centrales photovoltaïques, qui, pour être effectivement exploités et productifs de revenus, doivent être raccordés au réseau de distribution d'électricité, la condition d'une demande de raccordement adressée au gestionnaire du réseau était prévisible en mai 2010. Il s'ensuit qu'un monteur, qui fournit, à cette date, un investissement ne satisfaisant pas aux conditions prévues par le code général des impôts pour bénéficier de la déduction fiscale prévue par ce texte, manque à son obligation contractuelle de fournir un investissement permettant l'obtention d'un tel avantage fiscal


Références :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

articles 199 undecies B et 95 Q de l'annexe II du CGI.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 janvier 2023

Sur la notion d'investissement productif, cf : CE, 4 juin 2008, n° 299278, n° 299309 ;

n° 304245, n° 304246.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 nov. 2024, pourvoi n°42400668


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400668
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