LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-80.154 F-D
N° 01360
LR
14 NOVEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 NOVEMBRE 2024
M. [X] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 9e chambre, en date du 5 décembre 2023, qui, pour agressions sexuelles et tentative, aggravées, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, l'interdiction définitive d'activité en lien avec les mineurs, trois ans d'interdiction d'entrer en contact avec les victimes ainsi que de paraître à leur domicile, cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [X] [J], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [P] [I], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [X] [J] a été poursuivi des chefs d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime [N] [G], dont il était le professeur, fait commis entre le 1er janvier et le 31 mai 2021, tentative d'agression sexuelle sur la même victime aggravée par la première des circonstances susvisées, commise courant septembre 2021, ainsi que du chef d'agression sexuelle par personne ayant autorité commise, le 10 avril 2009, sur Mme [R] [L].
3. Par jugement du 21 avril 2022, le tribunal correctionnel a relaxé M. [J] du premier des chefs précités, l'a déclaré coupable pour le surplus, et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, dix ans d'interdiction d'exercer une activité en lien avec des mineurs et deux ans d'inéligibilité ; il a statué sur les actions civiles.
4. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [J] coupable de tentative d'agression sexuelle sur mineure de 15 ans, alors « que le fait de commencer à soulever un pull ne caractérise pas un commencement d'exécution tendant directement à un contact corporel à caractère sexuel ; en retenant une tentative punissable d'attouchement sexuel en l'absence
d'acte y tendant directement et immédiatement sans aucune incertitude, la cour d'appel a violé les articles 121-5, 222-22 et 222-31 du code pénal. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable de tentative d'agression sexuelle, l'arrêt attaqué, après avoir fait état des faits commis en mai 2021, au cours desquels le prévenu a soulevé le pull de [N] [G] puis lui a touché les seins au-dessus de sa brassière, retient qu'en septembre 2021, il a soulevé le pull de cette dernière avant qu'un tiers ne rentre dans la classe.
8. En statuant ainsi, par des motifs desquels il résulte que ce geste, commis à nouveau par le prévenu, manifestait, par un commencement d'exécution, une tentative d'agression sexuelle n'ayant manqué son effet qu'en raison d'une circonstance indépendante de la volonté de ce dernier, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief du moyen.
9. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a notamment condamné M. [J] à une peine d'emprisonnement avec sursis ainsi que, à titre de peine complémentaire, à l'interdiction d'entrer en relation avec [R] [L], victime de l'infraction, pour une durée de trois ans ainsi qu'à l'interdiction de paraître au domicile d'[R] [L] et de [N] [G] pour une durée de trois ans, alors :
« 1°/ que dans sa version applicable à l'époque des faits délictuels dont le prévenu a été déclaré coupable à l'égard d'[R] [L], soit le 10 avril 2009, l'article 131-6 du code pénal n'autorisait pas le cumul des peines privatives ou restrictives de liberté qu'il prévoit avec la peine d'emprisonnement ; en prononçant le cumul de la peine d'emprisonnement avec l'interdiction d‘entrer en relation avec [R] [L] et l'interdiction de paraître à son domicile en application des disposition plus sévères de l'article 131-6 issues de la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 autorisant ce cumul, la cour d'appel a violé l'article112-1 du code pénal ;
2°/ qu'en application de l'article 131-6, 12° du code pénal, l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories
de lieux déterminés par la juridiction ne concerne que les lieux dans lesquels
l'infraction a été commise ; en condamnant le prévenu à l'interdiction de paraître au domicile d'[R] [L] et de [N] [G] pour une durée de 3 ans, lesquels domiciles ne constituaient pas le lieu de commission des infractions, la cour d'appel a violé ce texte. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
11. La cour d'appel, après avoir déclaré le demandeur coupable d'agression sexuelle et de tentative d'agression sexuelle, aggravées, pour des faits commis sur la personne de [N] [G], en 2021, et d'agression sexuelle aggravée sur la personne de Mme [L], pour des faits commis en 2009, l'a condamné, à titre de peine complémentaire, à l'interdiction d'entrer en relation avec ces deux victimes pendant trois ans, sur le fondement de l'article 131-6, 14° du code pénal.
12. En cet état, dès lors que cette disposition prévoit, depuis l'entrée en vigueur, le 1er août 2020, de la loi n°2020-396 du 30 juillet 2020, la faculté de cumuler, avec le prononcé d'une peine d'emprisonnement, la peine complémentaire de l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes désignées par la juridiction, sans limiter cette interdiction à la victime de l'infraction, la cour d'appel a pu, pour des infractions commises après l'entrée en vigueur de la loi, interdire au prévenu d'entrer en relation avec une personne qui n'était pas victime des faits ayant fondé la condamnation à cette peine complémentaire.
13. Le grief ne peut, dès lors, être admis.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Vu l'article 131-6, 12°, du code pénal :
14. Selon ce texte, peut être prononcée à la place ou en même temps que l'emprisonnement l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise.
15. Après avoir déclaré le prévenu coupable d'agressions sexuelles aggravées, la cour d'appel a prononcé à l'encontre de ce dernier, à titre de peine complémentaire, une interdiction de paraître au domicile des deux victimes pour une durée de trois ans.
16. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les faits n'ont pas été commis au domicile des victimes, ni à proximité de ceux-ci, mais au sein d'un établissement scolaire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
19. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [J] étant devenue définitive par suite du rejet des moyens y afférents, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 5 décembre 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [X] [J] devra payer à Mme [P] [I], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de [N] [G], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.