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14/11/2024 | FRANCE | N°52401143

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2024, 52401143


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 novembre 2024








Cassation partielle
sans renvoi




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1143 F-D


Pourvoi n° G 23-17.257








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU

NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024


La société Schindler, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6], ayant un établissement s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 novembre 2024

Cassation partielle
sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1143 F-D

Pourvoi n° G 23-17.257

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024

La société Schindler, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6], ayant un établissement secondaire sis ZA La Bourdonnais, [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° G 23-17.257 contre le jugement rendu le 21 avril 2023 par le conseil de prud'hommes de Rennes (section industrie), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [I], domicilié [Adresse 4], [Localité 2],

2°/ au syndicat CGT Schindler, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6],

défendeurs à la cassation.

M. [I] et le syndicat CGT Schindler ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Schindler, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I] et du syndicat CGT Schindler, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Rennes, 21 avril 2023), rendu selon la procédure accélérée au fond, M. [I] a été engagé en qualité de technicien de maintenance par la société Schindler (la société) à compter du 1er septembre 2009, selon contrat de travail à durée indéterminée.

2. Le salarié a été désigné en qualité de délégué syndical central le 4 février 2020 et en qualité de délégué syndical d'entreprise le 28 janvier 2022.

3. Entre février et avril 2022, il a bénéficié de congés de formation économique, sociale, environnementale et syndicale pour une durée totale de onze jours.

4. Par lettre du 1er avril 2022, il a sollicité un nouveau congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale pour les 6 mai et 2 juin 2022.

5. La société a refusé le congé-formation du 2 juin 2022 suivant courriel du 28 avril 2022 au motif que la durée maximale annuelle du congé était de douze jours.

6. Estimant ce refus injustifié, le salarié a, par acte du 5 mai 2022, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour refus abusif de l'employeur de lui accorder le congé pour formation syndicale, exécution de mauvaise foi du contrat de travail et entrave à l'exercice du droit syndical.

7. Le syndicat CGT Schindler (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour violation du droit à formation du salarié appelé à exercer des fonctions syndicales, non-respect du délai préfix pour refuser un congé de formation syndicale et entrave à l'exercice du droit syndical.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société fait grief au jugement de dire que le salarié a un droit au congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale d'une durée de dix-huit jours par an en sa qualité de salarié appelé à exercer des fonctions syndicales, de la condamner à payer à ce dernier une somme en réparation du préjudice causé par le non-respect de ce droit et au syndicat la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect du droit d'un salarié exerçant des fonctions syndicales à ce congé et la somme de 500 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect du délai de notification du refus, alors « que selon l'article L. 2145-1 du code du travail, les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale prévu à l'article L. 2145-5, la durée totale des congés pris à ce titre dans l'année par un salarié ne pouvant excéder dix-huit jours ; que selon l'article L. 2145-7 du même code, la durée totale des congés de formation économique, sociale et environnementale et de formation syndicale pris dans l'année par un salarié ne peut excéder douze jours et qu'elle ne peut excéder dix-huit jours pour les animateurs des stages et sessions ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes que les salariés ont droit à un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale d'une durée maximale de 18 jours par an lorsqu'ils ont la qualité d'animateur des stages et sessions de formation et de 12 jours dans les autres cas ; qu'en affirmant cependant qu'il résulte de ces textes que la durée du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale s'élève à 12 jours par an et par salarié ou 18 jours par an pour les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, c'est-à-dire les salariés titulaires d'un mandat syndical, ainsi que pour les animateurs de stages et sessions, de sorte que M. [I], qui exerce un mandat de délégué syndical central CGT a droit à 18 jours de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale par an, peu important qu'il ne soit pas animateur de stage ou de session de formation, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2145-1 et L. 2145-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article L. 2145-1 du code du travail, les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale prévu à l'article L. 2145-5. La durée totale des congés pris à ce titre dans l'année par un salarié ne peut excéder dix-huit jours.

10. Cette disposition est propre aux salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, auxquels les dispositions de l'article L. 2145-7 ne sont pas applicables.

11. Ayant constaté que le salarié, en sa qualité de délégué syndical central du syndicat CGT et de défenseur syndical, exerçait des fonctions syndicales, le conseil de prud'hommes en a exactement déduit que le salarié avait droit à un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale de dix-huit jours.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur les premier et second moyens du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

13. Par le premier moyen, le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande indemnitaire fondée sur l'entrave à l'exercice du droit syndical, alors « que le délit d'entrave consiste en le fait d'apporter une entrave à l'exercice du droit syndical ; que commet un tel délit l'employeur qui entrave l'exercice des fonctions d'un représentant du personnel qui assure l'expression collective des salariés dans l'entreprise, en le privant des jours de formation économique, sociale, environnementale et syndicale que la loi lui accorde ; que toute mesure prise par l'employeur constitutive d'une entrave est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts ; qu'en s'abstenant d'indemniser le délégué syndical central du préjudice résultant de ce que la société Schindler a entravé l'exercice de son droit syndical pour avoir refusé abusivement de lui accorder les dix-huit jours de congés de formation économique, sociale, environnementale et syndicale prévus par l'article L. 2145-1 du code du travail aux motifs inopérants que l'employeur avait sans mauvaise foi ou intention de nuire commis une erreur d'interprétation des textes l'ayant conduit à croire que le salarié n'était pas en droit d'obtenir plus de 12 jours de CFESES par an, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2141-7, L. 2141-8 et L. 2146-1 du code du travail. »

14. Par le second moyen, le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour entrave à l'exercice du droit syndical, alors « que selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que l'entrave aux fonctions d'un délégué syndical qui assure l'expression collective des salariés dans l'entreprise en ce qu'elle constitue contre lui un moyen de pression porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat qui l'a désigné représente ; qu'en refusant de constater que la société Schindler avait porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat CGT Schindler représente pour avoir entravé l'exercice des fonctions de son délégué syndical central en lui refusant fautivement le bénéfice de dix-huit jours de congés de formation économique, sociale, environnementale et syndicale prévu par l'article L. 2145-1 du code du travail et ainsi usé d'un moyen de pression, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2132-3 et L. 2146-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

15. L'article L. 2146-1 du code du travail sanctionne le fait d'apporter une entrave à l'exercice du droit syndical, défini par les articles L. 2141-4, L. 2141-9 et L. 2141-11 à L. 2143-22 du code du travail.

16. Il ne vise pas l'atteinte portée aux congés de formation économique, sociale, environnementale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, définis par les articles L. 2145-1 à L. 2145-13 du code du travail.

17. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, et 1015 du code de procédure civile, le jugement, qui a débouté le salarié et le syndicat de leurs demandes de dommages-intérêts pour entrave à l'exercice du droit syndical, se trouve légalement justifié.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

18. La société fait grief au jugement de la condamner à payer au syndicat la somme de 500 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect du délai de notification du refus, alors « que le non-respect par l'employeur du délai de notification du refus opposé à la demande d'un salarié de bénéficier d'un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale ne porte pas une atteinte à l'intérêt collectif de la profession distincte de l'atteinte résultant du non-respect du droit à congé ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que la violation par la société Schindler du droit des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales à 18 jours de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale ''porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession en ce que les salariés se voient privés de la possibilité de disposer de représentants et d'interlocuteurs correctement et pleinement formés, à même de disposer de l'ensemble des éléments et informations leur permettant d'exercer leurs fonctions syndicales'' et avoir en conséquence condamné l'employeur à payer au syndicat CGT Schindler 2 000 euros dommages et intérêts à ce titre, le conseil de prud'hommes a encore retenu que le non-respect du délai de huit jours pour notifier au salarié un refus à sa demande de congé ''constitue un préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession dès lors que le non-respect de ce délai est susceptible d'entraver l'effectivité du droit à congé et subséquemment la formation syndicale des salariés titulaires d'un mandat'', le conseil de prud'hommes a réparé deux fois le même préjudice, en violation du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de réparation intégrale du préjudice :

19. Après avoir condamné la société à payer au syndicat une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect par cette dernière du droit à congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, constitutif d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession, le jugement fait droit à la demande de dommages-intérêts du syndicat pour non-respect du délai de notification du refus du congé en cause, au motif que le non-respect du délai de huit jours prévu pour notifier un refus de congé de formation cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession dès lors que ce manquement est susceptible d'entraver l'effectivité du droit à congé.

20. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes, qui a réparé deux fois le préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

21. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

23. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect du délai de notification du refus du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale n'emporte pas celle des chefs de dispositif du jugement condamnant la société aux dépens et au paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions du jugement non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Schindler à payer au syndicat CGT Schindler la somme de 500 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect du délai de notification du refus de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, le jugement rendu le 21 avril 2023 entre les parties par le conseil de prud'hommes de Rennes ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute le syndicat CGT Schindler de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect du délai de notification du refus du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale ;

Condamne le syndicat CGT Schindler aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401143
Date de la décision : 14/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Rennes, 21 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2024, pourvoi n°52401143


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401143
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