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14/11/2024 | FRANCE | N°52401137

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2024, 52401137


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 novembre 2024








Rejet




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1137 F-D




Pourvois n°
F 22-24.358
H 22-24.359
G 22-24.360
J 22-24.361 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_____________

____________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024


La société Prestige Facilities, société par actions simplifiée, dont le siège est [...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 novembre 2024

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1137 F-D

Pourvois n°
F 22-24.358
H 22-24.359
G 22-24.360
J 22-24.361 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024

La société Prestige Facilities, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° F 22-24.358, H 22-24.359, G 22-24.360 et J 22-24.361 contre quatre arrêts rendus le 26 octobre 2022 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [L] [M], domicilié [Adresse 5],

2°/ à M. [G] [M], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [B] [M], domicilié [Adresse 3],

4°/ à M. [X] [I], domicilié [Adresse 1],

5°/ à la société Elior services propreté et santé, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, deux moyens communs de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Prestige Facilities, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Elior services propreté et santé, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [L], [G], [B] [M] et M. [I], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F 22-24.358 à J 22-24.361 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 26 octobre 2022), MM. [L], [G], [B] [M] et M. [I], salariés de la société Prestige Facilities, occupaient en dernier lieu un emploi de laveur de vitres et étaient affectés à un marché de nettoyage s'exécutant sur le site de la tour « [Adresse 8] » à [Localité 7], la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

3. Par lettre du 15 décembre 2017, la société Elior services propreté et santé (ESPS) a informé la société Prestige Facilities qu'elle devenait titulaire du marché en cause et a demandé à cette dernière communication de la liste des salariés dont le contrat de travail était transférable ainsi que divers documents.

4. Par lettre du 26 décembre 2017, la société Prestige Facilities a informé les salariés du transfert de leur contrat de travail à la société ESPS à compter du 1er janvier 2018 et a cessé de leur fournir du travail à compter de cette date.

5. Ils ont saisi la juridiction prud'homale, à titre principal, pour demander la résiliation judiciaire de leur contrat de travail aux torts de l'entreprise entrante, la condamnation de cette dernière à leur payer des rappels de salaire depuis le 1er janvier 2018 ainsi que des indemnités de rupture et, à titre subsidiaire, ils ont formé les mêmes demandes à l'encontre de la société sortante.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'entreprise sortante fait grief aux arrêts de dire que les contrats de travail qui la liaient aux salariés n'avaient pas été transférés à la société ESPS et de mettre celle-ci hors de cause, alors :

« 1°/ que, si c'est à l'entreprise sortante qu'il appartient d'apporter la preuve que les salariés remplissent les conditions posées par l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, cette preuve doit être envisagée à la lumière des documents que l'entreprise sortante doit adresser à l'entreprise entrante en vertu de l'article 7-3 de ladite convention collective qui impose notamment la transmission à l'entreprise entrante de la copie du contrat de travail et, le cas échéant, de ses avenants" ; que la cour d'appel a constaté que l'exposante avait produit l'avenant au contrat de travail la liant au salarié qui mentionnait que ce dernier était affecté sur le site de la tour triangle à hauteur d'un nombre déterminé (53,82/63,27/45,50/25,26) heures mensuelles selon le planning des prestations de vitrerie" ; qu'il ressortait également dudit avenant que la durée contractuelle totale de travail du salarié était précisément de 53,82 heures mensuelles ([L] [M]), 63,27 heures mensuelles ([G] [M]), 45,50 heures mensuelles ([B] [M]) et 25,26 heures mensuelles ([X] [I]) ; que pour dire que l'exposante n'établissait pas, bien qu'elle produisit ces avenants, que les salariés étaient affectés sur le marché en cause à hauteur d'au moins 30 % de leur temps de travail total effectué pour son compte, la cour d'appel a retenu que ledit avenant ne détaillait pas la répartition des heures de travail sur la semaine ou le mois et qu'il prévoyait des possibilités d'affectation sur d'autres sites ; qu'en se déterminant de la sorte, par des motifs impropres à contredire le fait que Messieurs [M] et [I] étaient, conformément à ce qui ressortait de l'avenant précité, effectivement affectés par l'exposante sur le marché en cause à hauteur d'au moins 30 % de leur temps de travail total, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 7-2 précité ;

2°/ que, si c'est à l'entreprise sortante qu'il appartient d'apporter la preuve que les salariés remplissent les conditions exigées par l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, cette preuve doit être envisagée à la lumière des documents que l'entreprise sortante doit adresser à l'entreprise entrante en vertu de l'article 7-3 de ladite convention collective ; que pour dire que l'exposante ne parvenait pas à rapporter la preuve que les conditions d'application du transfert conventionnel posées à l'article 7-2 de la convention collective précitée étaient réunies, la cour d'appel a retenu qu'elle ne versait pas aux débats les relevés d'heures effectivement accomplies par les salariés pour l'exécution du marché en cause ; qu'en se prononçant de la sorte, sans identifier de la moindre des façons à quel titre l'exposante aurait été tenue d'établir des relevés de cette nature, établissant que les salariés avaient accompli tel nombre d'heures de travail spécifiquement sur le marché en cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 7-2 et 7-3 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à lui-même n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en conséquence, rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal examine le caractère probant d'une attestation établie par l'assistante RH d'un employeur, certifiant" auprès de l'entreprise entrante au sens des articles 7 et suivants de la CCN qu'un salarié satisfait les conditions d'application de ces dispositions conventionnelles ; qu'en refusant d'examiner le caractère probant de l' attestation" émanant de l'assistante RH" de l'exposante à destination de l'entreprise entrante et certifiant" à cette dernière que les salariés étaient effectivement employés sur le marché en cause à hauteur de (53,82/63,27/45,50/25,26) heures mensuelles les 3e et 4e semaines de chaque mois selon un certain horaire, aux motifs qu'il s'agissait d'une attestation que la société s'était faite à elle-même" par l'intermédiaire de son assistante RH" et qui ne constituait en conséquence qu'une simple allégation, la cour d'appel a violé les principes susvisés, ensemble l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 ;

4°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en refusant d'examiner le caractère probant d'une attestation" établie par le salarié le 22 février 2018 au motif qu'elle était établie au profit de son employeur", et n'était en conséquence qu'une simple allégation, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 7.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 que le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui appartient à l'un des 4 premiers niveaux de la filière d'emplois « exploitation » de la classification nationale des emplois (AS, AQS, ATQS et CE) et passe sur le marché concerné 30 % de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante.

8. C'est à l'entreprise sortante qu'il appartient d'apporter la preuve que les salariés remplissent les conditions exigées par l'accord.

9. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que l'affectation des salariés sur le marché litigieux à hauteur d'au moins 30 % de leur temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante n'était pas établie, de sorte que les intéressés ne remplissaient pas les conditions prévues par la convention collective applicable.

10. Elle en a exactement déduit que le contrat de travail des salariés n'avait pas été transféré à la société entrante et que la société sortante était demeurée leur employeur.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. La société sortante fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail des salariés à ses torts à effet au 26 octobre 2022, de la condamner à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2018 au 31 août 2022 et au titre des congés payés afférents ; à titre d'indemnité légale de licenciement ; à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents ; à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel, de lui ordonner de remettre aux salariés une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à l'arrêt attaqué, de la condamner à payer à la société entrante une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation devra entraîner, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant prononcé la résiliation judiciaire des contrats de travail aux torts de l'exposante et ayant en conséquence condamné cette dernière à verser aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2018 au 31 août 2022 et au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité légale de licenciement, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que du chef de dispositif de l'arrêt ayant ordonné de remettre aux salariés une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à l'arrêt attaqué ;

2°/ subsidiairement, que l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition ; qu'en condamnant l'exposante à verser aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2018 au 31 août 2022 et au titre des congés payés afférents, sans aucunement établir que durant cette période, les intéressés s'étaient tenus constamment à la disposition de l'exposante en vue d'effectuer un travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. D'abord, le rejet du premier moyen rend sans portée la demande de cassation par voie de conséquence du second moyen, pris en sa première branche.

14. Ensuite, il résulte des articles 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

15. La cour d'appel a constaté que la société sortante avait cessé de considérer les intéressés comme ses salariés et de leur fournir du travail depuis le 1er janvier 2018, alors que les conditions de transfert conventionnel des contrats de travail à la société entrante n'étaient pas établies et en a déduit qu'elle avait ainsi manqué à ses obligations, un tel manquement étant d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

16. Elle a, par ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, dès lors que la société ne démontrait pas que les salariés avaient refusé d'exécuter leur travail ou ne s'étaient pas tenus à sa disposition, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Prestige Facilities aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Prestige Facilities et la condamne à payer à la société Elior services propreté et santé la somme de 3 000 euros et à MM. [L], [G], [B] [M] et M. [I] la somme de 750 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401137
Date de la décision : 14/11/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2024, pourvoi n°52401137


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401137
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