LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 novembre 2024
Cassation partielle
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 651 F-D
Pourvoi n° W 22-14.137
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2024
La société Home Evolution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-14.137 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Arcadia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréfigny, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Home Evolution, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Arcadia, et après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tréfigny, conseiller rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 mars 2022), soutenant que la société Home Evolution avait commis des actes de concurrence déloyale à son encontre, la société Arcadia a sollicité sur requête, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un constatant.
2. Par ordonnance du 3 décembre 2020, le président d'un tribunal de commerce a accueilli cette requête.
3. La société Home Evolution a demandé la rétractation de l'ordonnance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à neuvième branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La société Home Evolution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétractation, alors :
« 1°/ que la seule référence à un risque de dissimulation des documents nécessaires à une action en concurrence déloyale ou à la nécessité de préserver un effet de surprise ne suffit pas à justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;
2°/ que les pièces dont la tenue est obligatoire ne sont pas susceptibles de disparition ; qu'en se bornant à affirmer qu'il existait un risque de disparition des pièces, sans vérifier comme elle y avait été invitée, si les pièces sollicitées étaient susceptibles de disparaître et s'il n'existait pas des moyens moins intrusifs pour obtenir les preuves recherchées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt relève que l'ordonnance du 3 décembre 2020, après avoir fait état de faits de concurrence déloyale de la part de la société Home Evolution au détriment de la société Arcadia, caractérisés par un débauchage massif de ses salariés l'ayant désorganisée et lui ayant imposé l'ouverture d'une procédure judiciaire, des actes de dénigrement relatés par ses agents commerciaux ainsi que le copiage servile de ses documents commerciaux, expose que ces manoeuvres pouvaient faire craindre que les dirigeants de la société Home Evolution puissent organiser, s'ils étaient avertis à l'avance de la mesure d'investigation envisagée, la dissimulation, voire la destruction, des fichiers et de la documentation technique et commerciale.
7. Ayant ainsi procédé à la recherche prétendument omise visée à la deuxième branche et fait ressortir, de façon concrète, qu'il existait un risque que, si une procédure contradictoire était engagée à son encontre, la société Home Evolution dissimule ou détruise les pièces utiles à la manifestation de la vérité, la cour d'appel a pu en déduire qu'étaient caractérisées des circonstances justifiant le recours à une mesure non contradictoire.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
9. La société Home Evolution fait grief à l'arrêt de modifier la mission confiée par l'ordonnance du 3 décembre 2020 après avoir refusé de rétracter ladite ordonnance, alors « que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en modifiant d'office la mission confiée à l'huissier par l'ordonnance sur requête au lieu de la rétracter, sans inviter les parties préalablement à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
11. L'arrêt modifie d'office la mission confiée à l'huissier de justice par l'ordonnance sur requête.
12. En statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt modifiant la mission confiée par l'ordonnance du 3 décembre 2020 s'étend au chef de dispositif ordonnant la destruction des éléments saisis hors périmètre de l'ordonnance du 3 décembre 2020 ainsi modifiée, qui présente avec le premier un lien de dépendance nécessaire.
14. En revanche, il n'existe aucun lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec les autres dispositions de l'arrêt, qui, dès lors, ne sont donc pas atteintes par la cassation.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions qui modifient la mission du constatant définie par l'ordonnance du 3 décembre 2020 et ordonnent la destruction des éléments saisis hors périmètre de l'ordonnance du 3 décembre 2020 ainsi modifiée l'arrêt rendu le 17 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Arcadia aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.