LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 novembre 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 600 F-D
Pourvoi n° R 22-24.022
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2024
1°/ Mme [C] [J],
2°/ M. [V] [L],
tous deux domiciliés [Adresse 1]
ont formé le pourvoi n° R 22-24.022 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2022 par la cour d'appel de [Localité 3] (pôle 1, chambre 2), dans le litige les opposant à la Ville de [Localité 3] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Localité 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [J] et de M. [L], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 2022), la Ville de [Localité 3] a assigné Mme [J] et M. [L], propriétaires d'un appartement situé à [Localité 3], devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, pour obtenir leur condamnation in solidum au paiement de plusieurs amendes civiles, dont une pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, et une autre pour ne pas avoir transmis, dans le mois suivant la demande le nombre de jours au cours desquels il avait été loué au cours de l'année écoulée, en violation de l'article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes de personnalité et d'individualisation de la peine qui en découlent et les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation :
3. Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.
4. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile.
5. Aux termes de l'article L. 324-1-1, IV, alinéa 1er, du code du tourisme, dans les communes ayant mis en oeuvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
6. Aux termes de l'alinéa suivant du même article, la commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.
7. Selon l'article L. 324-1-1, V, alinéa 2, du même code, toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile.
8. Ces amendes civiles constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 26 janvier 2022, QPC, n° 21-40.026, publié ; 3e Civ., 9 novembre 2022, pourvois n° 21-20.464, 21-20.814, publiés), leur prononcé est soumis aux principes de personnalité et d'individualisation de la peine, qui font obstacle, en la matière, à toute condamnation in solidum (3e Civ, 11 juillet 2024, pourvois n° 22-24.020 ; 23-10.467 ; 23-13.789, publiés).
9. Pour condamner in solidum les propriétaires du logement à payer les mêmes amendes civiles à la Ville de [Localité 3], l'arrêt retient que les infractions de changement d'usage sans autorisation préalable et de défaut de transmission du nombre de jours de location du meublé de tourisme sont caractérisées à leur encontre.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 13 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.